Au revoir, ou plutôt adieu, vieux média !

par Alain Hertoghe
mercredi 22 novembre 2006

Deux journalistes politiques vedettes du « Washington Post » ont démissionné du quotidien qui révéla le Watergate, pour diriger un nouveau média multi plates-formes. De quoi faire réfléchir les patrons de la presse française, réunis en congrès à Strasbourg de mercredi à vendredi.

L’information n’a pas encore été donnée en français à l’heure où j’écris cette note, mais la nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans les rédactions d’outre-Atlantique : deux des journalistes politiques les plus chevronnés du Washington Post ont démissionné du prestigieux quotidien pour vivre une nouvelle aventure multimédia de l’ère Internet qui devrait débuter en janvier prochain.

John Harris, âgé de quarante-trois ans, et Jim VandeHei, trente-cinq ans, tournent le dos au titre célèbre dans le monde entier pour avoir révélé le scandale du Watergate, et rejoignent le groupe Allbritton Communications, déjà propriétaire de deux chaînes de télévision à Washington. Les prochains Hommes du président, joués par Dustin Hoffman et Robert Redford dans le film d’Alan J. Pakula, seront-ils des Web reporters ?

Le pivot de l’entreprise journalistique d’un genre nouveau, que Harris et VandeHei dirigeront, sera Capitol Leader, journal quotidien quand le Congrès se réunira, hebdomadaire entre ses sessions. Mais l’essentiel ne sera pas sur le papier. Le vaisseau amiral de cet investissement multi plates-formes sera un site Internet. Harris et VandeHei auront également comme canaux de diffusion les deux chaînes du groupe dans la capitale fédérale des Etats-Unis et le réseau national de télévision CBS, avec lequel un accord a été passé.

La nouvelle venue d’Amérique devrait animer les discussions au 15e congrès de la Fédération de la presse française, qui s’ouvre mercredi à Strasbourg sur le thème : De l’imprimé à l’écran : à la rencontre des lecteurs, à la conquête des acheteurs. Harris et VandeHei pensent apparemment que les Carl Bernstein et Bob Woodward qui révéleront les Watergate du XXIe siècle seront plutôt des journalistes en ligne. Voilà qui ne devrait pas rassurer les patrons des principaux périodiques français malmenés par Internet (et par les gratuits).

Les accords publicitaires et rédactionnels passés récemment par Yahoo ! et Google avec quelque deux cents quotidiens américains montrent qu’outre-Atlantique, les journaux imprimés cherchent tous azimuts des moyens pour résister à la concurrence d’Internet, comme le relève une dépêche AFP. A l’occasion du lancement de sa nouvelle formule, lundi dernier, La Tribune aura été le premier quotidien français à fusionner ses rédactions papier et Internet. Son site Web sera sa nouvelle priorité.

De manière générale, la presse imprimée française réagit toutefois tardivement et lentement face au formidable défi que représente pour elle la révolution numérique. Du coup, la vieille dame de papier perd de plus en plus de plumes, comme les récents malheurs de Libération l’ont illustré une fois de plus... Et les journalistes, du haut en bas des hiérarchies rédactionnelles, ne sont pas les derniers à renâcler devant les évolutions nécessaires de leurs pratiques professionnelles pour s’adapter à la nouvelle donne. L’évolution de carrière choisie par John Harris et Jim VandeHei devrait les faire réfléchir !


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