BHL et Carla Bruni dans les colonnes d’Agoravox ?

par Manuel Atreide
mercredi 8 septembre 2010

Cette hypothèse va en faire rire plus d’un, et faire grincer les dents de pas mal d’autres, j’en suis bien conscient. En effet, les sites participatifs ont en France une réputation sulfureuse. Internet est considéré par l’intelligentsia française comme, au mieux un média de seconde zone, au pire comme un égout qui véhicule les pires racontars, ragots et contre-vérités. Cependant, mon hypothèse n’est pas totalement farfelue …

 
Qu’est ce qui pourrait donc pousser Bernard Henri Levy, ce « phare aux mille citadelles » comme le loue Liliane Lazar dans la courte bio qu’elle a écrit sur le site dédié à son maitre à venir tremper sa plume dans le vitriol d’Agoravox pour se livrer à un de ses fulgurances ou un de ses coups de gueule coutumiers ?

Qu’est ce qui pourrait pousser Carla Bruni Sarkozy, épouse du président et par là première dame de France, à descendre des hauteurs élyséennes pour se mêler aux rédacteurs du petit peuple d’agoravoxiens, quitte à prendre quelques gnons et horions ?

La réponse est simple : ils l’ont déjà fait ! Enfin, presque ...

Certes, Agoravox n’a encore jamais eu l’honneur de se voir proposer un papier signé par Mme Bruni Sarkozy et Bernard Henri Levy ne s’est encore jamais plié à l’exercice souvent angoissant de l’article en attente de modération. Mais ces deux personnalités éminentes connaissent d’ores et déjà le joli monde du participatif : ils ont signé des tribunes dans le fameux Huffington Post, un site américain qui mélange allègrement plumes célèbres et bloggeurs plus confidentiels.


La liste des personnes qui ont déjà contribué au Huffington Post est beaucoup, beaucoup plus longue que mon bras et comporte une kyrielle de noms connus, voire de grands de ce monde … Mahmoud Abbas, président de l’autorité palestinienne ou Mickael Moore, le cinéaste engagé y côtoient Brian Amaral, jeune diplômé en journalisme de l’université de Syracuse dans l’état de New York. La liste des auteurs, interminable, mélange les noms de professeurs, élus du congrès, PDG de sociétés petites ou grandes, à ceux de simples citoyens engagés sur le web.

Bon, je vous l’accorde, Carla Bruni Sarkozy en est à son premier essai. Son billet, en date du 7 septembre 2010 porte une campagne de récolte de fonds pour la lutte contre le SIDA lancée par Global Fund to Fight AIDS . Elle se présente d’ailleurs comme une ambassadrice de bonne volonté pour cet organisme, son statut marital n’étant évoqué dans sa bio que de manière incidente.

BHL, lui, est plus familier des pages de ce site Internet. Son premier papier date du 20 aout 2008, il y a donc plus de deux ans. Sans avoir fait le décompte exact, le nombre de ses contributions doit dépasser la centaine d’articles. Pas mal, non, pour l’un des plus éminents intellectuels français du moment ! Ses deux derniers articles en date sont des prises de position en faveur de Sakineh Mohammadi Ashtiani dont le sort émeut aussi outre atlantique.

Mais, pourquoi choisir le Huffington Post pour être publié ? Ni BHL, ni Carla Bruni Sarkozy ne sont en manque de colonnes pour s’exprimer en France … ou ailleurs. Ce site n’a pas la respectabilité d’un New York Times ou la brillante réputation journalistique d’un Washington Post. Pourtant, lancé en 2005, le Huffington Post a connu une croissance explosive de son lectorat, jusqu’à concurrencer le site du journal new-yorkais dès mars 2010 avec 13 millions de visiteurs uniques mensuels. Et avec le succès, le regard des médias institutionnels, au début très dédaigneux, a changé (cf l’excellent article d’Edgard Pisani sur le sujet). La crainte et l’envie sont venus, accompagnés – je l’espère – d’un début de réflexion de fond sur l’incroyable succès de cette nouvelle manière d’informer alors que les médias traditionnels sont, eux, en pleine crise.

Dès lors, s’exprimer sur le HuffPo, comme l’ont surnommé les américains, devient intéressant. Le lectorat potentiel vaut largement en nombre celui des « grands » médias et les sites participatifs ne sont pas lus de la même manière. Alors que les médias traditionnels sont en butte à des critiques croissantes de la part de leur lectorat, les sites participatifs, avec le mélange d’auteurs connus et de rédacteurs « lambdas », sont vus comme étant des médias diffusant une information moins formatée, moins contrôlée, différente. Plus libre ?

BHL dans le Huffington Post, c’est un philosophe moins germanopratin. La première dame de France sur le même site, c’est peut être une femme plus proche du peuple que dans les colonnes du Monde. C’est en tout cas le pari qu’ils doivent faire.

Alors, pourquoi pas sur Agoravox ? Ou lePost.fr, si vous préférez … Pourquoi aller s’accoquiner avec le peuple d’outre atlantique et rester dans ses hautes sphères françaises ? La peur de prendre de vrais risques ? Peut être … C’est vrai que se faire démolir sur le HuffPo n’aura pas les mêmes conséquences pour la réputation dans les « diners en ville » de notre philosophe national et Carla Bruni Sarkozy pourra sans doute compter sur la discrétion des journalistes en cas de flop de sa tribune américaine.

Il y a sans doute aussi un vieux fond de scepticisme sur le concept du participatif. Et puis, le participatif aux USA, c’est assez hype, alors que le participatif en France … Agoravox et ses collègues ne peuvent pas encore prétendre avoir attiré un nombre significatif de grandes plumes. Encore que ! De plus en plus, les politiques français viennent se frotter à la chose. Pas encore les grands, non, je parle de politiques plus en marge, des francs-tireurs, ceux qui ne craignent pas l’opprobre des journalistes français, comme Christian Vanneste, Nicolas Dupont-Aignan ou Corinne Lepage. Et des ministres, anciens ou en poste, se sont déjà prêtés au jeu d’une interview à la mode Agoravox ...

Mais bon, 2012 approche. La campagne des présidentielles se jouera notamment sur une énorme bataille de communication et dans cette guerre là, tous les médias possibles seront bons. Qui sait, on pourrait glaner des voix ici aussi !

Donc, BHL ou Carla Bruni Sarkozy sur Agoravox ? La question n’est pas de savoir s’ils viendront un jour ou pas, je gage qu’ils s’y essaieront. La vraie question est de savoir quand. Seront-ils parmi les premiers, les précurseurs, ou suivront-ils le mouvement ? A eux de voir. Mais, comme précurseurs, ça aurait de la gueule. Et, au delà des coups qu’ils ne manqueraient pas de prendre, cela serait porté à leur crédit, d’une manière ou d’une autre. Et n’est ce pas le plus important, pour un BHL ou une première dame de France ?

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