Delarue ne faisait pas que Delamerde
par G. Anthony
samedi 15 septembre 2012
Je vais vous raconter une petite anecdote.
Il y a deux ans, je travaillais dans un OPAC HLM. Un jour, je reçois un couple de locataires à mon bureau. Tous deux étaient demandeurs d’emploi et leur situation était donc précaire. Chaque année, on demandait aux locataires leur avis d’imposition afin de vérifier qu’ils ne dépassaient pas le plafond, et de ne pas leur faire payer de surloyer, sous peine de pénalités. Il se trouve que la photocopie que j'avais faite avait été perdue et n’avait du coup jamais été traitée par le service concerné. Les mois sont passés, le couple a payé 9€ de pénalités mensuelles sans se manifester. Jusqu’à une nouvelle visite de leur part, 8 mois après. Et dans leur comportement, c’est tout juste s’ils ne présentaient pas le problème en s’excusant.
J’ai bataillé pour qu’on retrouve cette photocopie, introuvable. J’ai confirmé avoir reçu en personne ce couple et avoir eu en ma possession l’avis d’imposition. J’ai donc demandé immédiatement le remboursement des pénalités prélevées à tort. Ce qu’on m’a refusé. A partir de là, je n’ai plus vu clair. Je ne suis pas du tout du genre à élever la voix et à me faire remarquer, je suis même tout le contraire, mais ce jour-là, je vous prie de croire que mes collègues de travail, planqués dans leur bureau, ont accouru vers le mien, se demandant ce qui se passait. Je me disputais avec ma chef et ma directrice ou plutôt j’exposais de manière très animée les raisons pour lesquelles il me semblait être dans le vrai, les raisons pour lesquelles il me semblait juste de défendre ce en quoi je croyais. Je n’allais pas dans le sens de mon entreprise et je n’en avais rien à faire, là n’était pas la question.
La question, le souci, le seul souci qui m’animait, comme il anime mon être depuis toujours, c’était le désir de JUSTICE. Point.
Fin de l’anecdote.
Suite aux propos que j’ai entendus au sujet de Jean-Luc Delarue après sa mort, c’est le même désir de Justice qui m’anime aujourd’hui et qui me motive à écrire cet article et à publier la réponse et les arguments que j’ai présentés à mes détracteurs dans un post dédié à JLD où j’attendais une discussion constructive, tout à fait prêt à accepter des avis divergeant du mien.
Aussi, aux « Delarue était une merde qui faisait de la merde », « Delarue était un junkie qui s’enfilait de la coke dans les naseaux et qui faisait du fric sur la misère des gens » (quel piètre raccourci !), ces mêmes gens disant qu'ils donnaient juste leur avis (sujet + verbe + complément + absence d’arguments = avis !), je voulais juste répondre ceci :
La dernière émission de JLD, "Réunion de Famille" était, à mes yeux, bien médiocre, j’en conviens, et n’avait pas du tout sa place en deuxième partie de soirée. Mais quand on considère la scolarité d’un élève, peut-on la résumer en général à de la merde de A à Z ?
Quel sens des nuances…et des couleurs !
On parle de l'ensemble d'une carrière, et la qualifier de merde toute entière n’est-ce pas de la mauvaise foi ou une absence totale de réflexion et d’objectivité à un moment donné ?
Définition de la merde :
Secret Story : le pire du pire de la télé poubelle pour cervelles de moineaux avec un (un seul) pois chiche à l'intérieur, lequel contient un (un seul) neurone. Du prêt à bouffer où l'on a juste besoin de mater des abrutis qui n'ont rien à dire et qui ne savent pas parler français, qui se baladent avec le string qui rentre dans le cul et qui dépasse du short. L'élégance même, quoi...
Un enrichissement absolu pour la matière grise...
Et ce n'est pas signé Réservoir Prod mais Endémol.
Recruter la misère intellectuelle et l'intelligence niveau zéro, l'exploiter, la mettre en scène, la manipuler, à coups de montage scabreux et subjectif, et la servir sur un plateau à des gens dont la misère intellectuelle est déjà un gouffre sans nom pour la rendre encore plus misérable qu'elle ne l'est déjà.
Voilà pour moi le vrai... crime contre l'Humanité...
...dont s'est spécialisé TF1 avec ce genre d'émissions et autre "La Ferme", une autre innommable débilité sans nom.
N'est-ce pas contre cela, me semble-t-il, qu'il faudrait vomir son fiel ?
N'est-ce pas de cela, me semble-t-il, qu'il faudrait faire le procès ?
Ne sont-ce pas les hommes qui tiennent les rennes de cette pourriture télévisuelle qu'il faudrait accabler ?
Le néant, la vacuité, le vide, et la misère, ils sont tous là...…
N'est-il pas injuste que l’on mette les émissions de Delarue dans le même panier que "ça" ?
Je parlais de la scolarité d’un élève tout à l’heure. Dans sa scolarité, JLD a fait « ça se discute », émission très populaire qui est entrée dans les foyers il y a une vingtaine d’années.
A côté de la télé-poubelle, JLD et son "ça se discute" fait presque, oserais-je dire, œuvre socio-culturelle de qualité.
Franchement, qui se tenterait à comparer les deux émissions ?
Parce que quoi qu'on en dise, cette émission, d'une durée de deux heures, a contribué dans les années 90 à mettre en lumière des sujets encore tabous dont on ne parlait pas, ou peu. Des sujets sur lesquels la Société était mal renseignée ou avait des idées reçues.
Je pense à l'homosexualité, (si, si, croyez-moi) et toutes ses conséquences, notamment le coming-out et son approche, ou comment l'annoncer.
"Pour beaucoup d'homosexuels, écrit le site Yagg, les témoignages d'invités ont été précieux pour bon nombre d'homosexuels qui se sentaient isolés, et pour beaucoup de familles qui n'acceptaient pas l'homosexualité d'un de leurs membres. S'ils n'ont pas provoqué de miracles, ils les ont aidés à réfléchir, et ils ont fait d'un "douloureux problème" un sujet sociétal qui pouvait concerner le téléspectateur moyen, et intéresser Monsieur et Madame Toutlemonde."
Je pense à des sujets beaucoup plus douloureux comme la transexualité et je pense que cette émission a permis à des gens de ne plus la confondre avec le travestissement, avec l'homosexualité (si, si !), et surtout de la comprendre, loin des amalgames, loin des clichés, de par le témoignage des invités présents sur le plateau. Je ne cite ici que la problématique LGBT à qui JLD a bien rendu service et dont il a participé à sa visibilité, mais cela ne s’arrête pas là.
Je pense à la perversion narcissique, sujet grave.
Faut-il rappeler combien sont entraînés au travers de ce prisme diabolique ? Et combien ont du mal à s'en défaire parce qu'ils ont d'abord du mal à mettre un nom dessus ? L'émission avait eu au moins le mérite d'éveiller la conscience à ce sujet pour celui qui était concerné mais aussi pour celui qui doutait de son existence. A partir de là, il était probablement moins difficile d'agir, en en comprenant les mécanismes, et ainsi en se faisant aider, éventuellement.
Je pense au trouble bipolaire, maladie grave, mal connue, et dont l'émission a permis d'informer le public sur la nature et les conséquences exactes de cette pathologie dont souffrent plus de gens qu’on ne le croit, certains même l'ignorant.
Je pense à l'émotivité, émission qui m'avait particulièrement bouleversé. Et je pense à ce témoignage d'une jeune fille dans le public, qui m'avait fait monter les larmes. On lui avait tendu un micro, elle avait tenu à intervenir. Sa voix tremblait, elle avait un mal fou à aligner les mots, elle souffrait d'une timidité maladive, et de ce fait, s'exposer ainsi était pire que tout pour elle, comme exercice. Il fallait être aveugle pour ne pas voir que cette jeune fille était en train de vivre une épreuve des plus horribles là où pour une personne lambda, parler dans un micro constituait un acte d'une banalité effarante. On sentait qu'à chaque mot, elle luttait pour que sorte un son de sa bouche et que ce dernier soit audible du public alentour.
JLD était rapidement allé vers elle, voyant qu'elle était en difficulté et a souligné son courage mais aussi la réussite de son acte. Car toute terrorisée qu'elle était avant son intervention, la jeune fille avait néanmoins désiré se jeter à l'eau et...elle l'avait fait...oui, elle l'avait fait et c'est ce qu'il fallait retenir.
Delarue avait fait de l'audience et du fric ? Son empathie, c'était du pipo ?
C'est une hypothèse ! Personnellement, je ne le crois pas et je pense qu'il aimait les gens.
Pour la petite histoire, j'ai "suivi" l'après de cette jeune fille, qui a reçu un courrier phénoménal de téléspectateurs dans le même cas qu'elle ou pas. Et bien qu'ayant reconnu que ce qu'elle avait fait ce soir-là lui avait demandé un déploiement d'énergie qui l'avait totalement vidé, elle avait aussi convenu qu'avoir osé prendre ce micro avait "débloqué" quelque chose et sans doute remplacé 10 ans de psychothérapie.
A méditer, donc...
Voilà quelques sujets auxquels je pense, mais j'en oublie certainement car en 20 ans, JLD en a brassé des sujets...
Ce que je veux dire, c'est que je n'ai jamais eu l'impression que le regard posé sur les invités et sur les reportages qui leur étaient consacrés étaient un regard d'exhibition qui disait : "Tenez, voyez ces bêtes de cirque...observez-les...observez là, cette misère....ces pauvres gens".
Et au delà de ça, je suis convaincu que non seulement, ces émissions ont aidé ces gens là, et leur venue sur le plateau a probablement sublimé le problème -et d'ailleurs beaucoup disent qu'avoir témoigné en direct a été pour eux bénéfique et a provoqué un déclic-, mais ces émissions ont eu le mérite au moins d'informer, si ce n'est d'aider certainement beaucoup de personnes derrière leur télé qui, à un moment donné, ont entendu des propos qui les ont réconforté et leur ont fait ce qu'on appelle communément...du Bien.
Peut-être se sont ils dit qu'ils n'étaient pas, plus, seuls avec leurs souffrances.
Sans compter sur les liens que peuvent générer ces émissions entre le public qui peut correspondre par le biais des forums. Qu'on puisse penser que ce n'est pas ça qui va les aider est un droit.
Mais laissons leur en tout cas le droit de le penser si eux, ils le pensent.
Et encore une fois, ne fonctionnons pas en égoïstes, en ramenant tout à nous-mêmes, comme nous avons tendance à le faire systématiquement.
Ce que nous moquons pour nous peut fonctionner pour l’autre.
Ce qui est inconcevable pour nous (se livrer à la télé) est peut-être thérapeutique pour l’autre.
Et après tout, au pire, si on doit parler d'un "échange de bons procédés" avec la télé, -je me sers de toi, et tu te sers de moi-, où est le problème puisqu'il y a consentement et qu'au final, tout le monde y gagne ?
Il y a là quelque chose qui m'interpelle. En quoi cela serait-il malsain ?
Tout le monde ne se sert-il pas de tout le monde dans la vie et n'y-t-il pas plus manipulateur qu'un Être Humain avant d'aller chercher ce qu'il y aurait de malsain dans un témoignage public ?
Par ailleurs, si je ne peux pas laisser dire que JLD a fait de la merde, c'est parce que "ça se discute", selon le thème, pouvait s'appuyer, sur l'intervention de médecins, de sociologues, de philosophes. Et j'ai moi même, n'en déplaise à certains, "appris" grâce à cette émission, souvent.
Et en parlant de sociologue, voici un article issu du Nouvel Obs, écrit par Dominique MEHL, qui se penche sur les raisons qui poussent un individu à exposer sa vie privée sur un plateau TV :
"Ça se discute", a signé l'effacement de la frontière entre vie privée et vie publique. Désormais, la vie privée s'expose en public. La définition du public et du privé n'est plus admise de la même façon par chacun, chaque personne devenant maître de son propre ressenti, plus personne n'étant capable de faire consensus sur ce qu'est le privé aujourd'hui.
Typologie de la parole publique
J'ai dressé une petite typologie de la parole publique dans ce type d'émissions. Plusieurs types de témoignages, répondant à différentes motivations, ont été mis en scène sur ces plateaux de télévision.
1. Faciliter la communication avec ses proches
Ces témoins s'emparent des plateaux et des caméras pour communiquer avec certains de leurs proches, avec lesquels ils n'arrivaient pas à parler. Ces attitudes peuvent paraître paradoxales, mais la scène publique est impersonnelle. Parler à un animateur qui n'est pas un ami peut débloquer la parole. Lors d'une conversation en face-à-face, il est possible de ne pas écouter, ne pas entendre. Sur le plateau télé, le témoin libère une parole qu'il n'a pas su libérer autrement. Ce type de témoignages concerne, par exemple, des annonces d'homosexualité ou de séropositivité.
2. Les demandes thérapeutiques à fonction cathartique
Ces témoins recherchent une écoute bienveillante pour dérouler leur souffrance. Entendus par des psychologues ou par l'animateur, sur le plateau, ils se soulagent. Ils ressentent la nécessité de libérer un tabou, un secret qui, entendu sans jugement, est mieux vécu. C'est un témoignage à fonction cathartique.
3. Message collectif via un témoignage personnel
Plus classiques, ce sont des témoins qui s'expriment pour des associations, qui peuvent ne pas même être citées, tout en étant à l'origine du message. Bien souvent, les associations gardent de côté un petit matelas de personnes prêtes à témoigner. Le message de l'association est porté par un témoin, qui raconte comment il vit sa situation personnelle. Le message collectif passe par une expérience personnelle. On y retrouve les histoires de harcèlement, d'alcoolisme, de viols…
4. Message identitaire
Concernant les modes de vie, les mœurs, les valeurs, les normes, les témoignages illustrent des choix, des orientations personnels mais partageables. À propos de la famille, de la sexualité, des relations entre générations… ils contribuent à montrer l’éventail des conduites, leur égale légitimité. Ils alimentent une réflexion sur soi-même, sur les repères qui n’ont pas disparu mais se sont diversifiés et complexifiés. Les récits de vie constituent alors des arguments dans les quêtes identitaires contemporaines.
Témoigner, dans quelle société ?
"Je me sentais à part, mais les gens que j'ai entendus sont comme nous" : dans les enquêtes de réception auprès du public, l'idée de l'identification, de la compassion revient sans cesse.
Au regard du nombre de personnes participant/regardant ce genre d'émissions, une nouvelle société peut être dépeinte, marquée par un individualisme grandissant, le déclin de la parole institutionnelle et l'omniprésence de la "psy".
1. La montée de l'individualisme
Ces émissions illustrent la montée de l'individualisme, l’émergence de "l’individu incertain" pour reprendre l’expression de Alain Ehrenberg. Chacun se construit ses propres références, en faisant le tour d'horizon des expériences faites par les autres. Ce ne sont plus seulement les savoirs qui sont à l'origine de la construction de l'intime, mais le partage du vécu. Toutes ces situations qui se banalisent dans la société et que ces émissions ont rendu visibles, non par des statistiques, mais par l'exemple.
2. Le déclin de la parole institutionnelle
Dans un mouvement de désacralisation de la parole institutionnelle, Jean-Luc Delarue donnait la parole à des anonymes. La parole institutionnelle perd sa respectabilité. Avant, nous avions des "guides de vie" ; aujourd'hui, ils ont été remplacés par ces anonymes, ces témoins de la vie.
3. Les"psys" dans la sphère publique
Dans cette nouvelle société, l'émergence des psys dans la sphère publique est très marquée. Sortis de l'intimité de leurs cabinets, ils accèdent à la scène médiatique. Ce phénomène n'est possible que parce que l'on est dans une ère de psychologisation de masse (dont "Psychologies magazine" en est le parfait exemple). Cela ne veut pas dire que tout le monde lit Freud ou Lacan, mais que les notions d'inconscient, de névroses, de complexes ne sont plus des concepts savants. Ces savoirs sont entrés dans la culture commune.
"Ça se discute", à l'origine du changement de société ?
Dire que Jean-Luc Delarue est à l'origine de cette libération de la parole publique est un raccourci. Le rapport entre télévision et société est un va-et-vient permanent. Jean-Luc Delarue n'aurait pas pu faire ses émissions si l'homosexualité était restée taboue et si les familles n'avaient déjà explosé dans la société.
En revanche, ces programmes ont aidé certaines causes à devenir acceptables. Le regard sur l'homoparentalité, par exemple, a énormément évolué. Le témoignage parait toujours important pour qu'une cause soit entendue. Le fait que des gens partagent leurs expériences très concrètement a levé un voile sur des pans invisibles de la société.
Jean-Luc Delarue a su capter cela et s'en est fait l'écho.
FIN
En ce qui concerne la drogue, j'ai à dire plusieurs choses. D'abord, JLD a fait son mea culpa (pour les conneries qu'il a faites à cause de la drogue, et pas pour le fait d'être cocaïnomane, j'espère !). En ce sens, on devrait lui accorder quelque indulgence. Il a la mienne en tout cas. Son témoignage m'a suffisamment sensibilisé pour que je la lui accorde.
Jugeons son travail, mais ne jugeons pas l'homme, nous ne l'avons jamais connu autrement que derrière un tube cathodique. Tout le reste n'est que projection.
Et n'ayons surtout pas un jugement péjoratif implicite ou explicite PARCE QU'IL était cocaïnomane. (parce qu'une merde qui faisait de la merde, ça passe, mais si en plus, il était cocaïnomane...)
Qui sait quoi de la toxicomanie et des raisons qui font qu'on le devient, à moins de l'être soi-même ?
De la même manière que derrière toute pathologie, il y a une cause, derrière la toxicomanie, il y a également une cause.
Et surtout une histoire.
Une histoire personnelle. J'y reviens toujours à cette Histoire Personnelle...
Alors jugeons donc les PD, les gouines, les blacks, les séropos, les juifs, les arabes, les handicapés, les chômeurs, les clodos, les trans, les putes et tout ce qui fait "tâche" dans la société, à ce moment là...
Allez, prenons nos stylos les enfants, la liste va être longue....il ne va plus rester grand monde...
Mais avant, adonnons-nous à un exercice bien plus instructif encore : mettons-nous devant un miroir et notons ce que l'on voit...
Pour sûr, on y trouvera des choses qui font tout aussi tâche sous notre carapace si faussement proprette que l'on présente avec tant de prétention et si peu d'humilité à la face du monde.
Car il ne faut pas se leurrer.
Sous la parure Prada parfumée git la crasse nauséabonde, si je puis me permettre quelque réminiscence de misanthropie à la Bukowski que vous ne manquerez pas de me pardonner.
Les toxicomanes sont certainement moins à juger que la profonde bêtise dont nous faisons preuve quand nous jugeons les toxicomanes, comme tout autre individu abîmé et vulnérable qui, à un moment donné, n'a pas trouvé les ressources nécessaires pour "se réparer", et qui se casse et tombe.
Je fais juste une parenthèse, mais le jour où je vais écrire un article sur, par exemple....le suicide (sujet également traité par JLD que j'ai omis d'évoquer), je gage que si je lançais ce soir un post sur un groupe, je me heurterais à des "c'est lâche et un manque de courage" (sujet + verbe + complément = avis !). Et je crois que j'aurais tout autant envie de...remplir des pages...pour apporter une argumentation digne de ce nom et rendre Justice à ceux qui ont réussi leur passage à l'acte.
Parce que le mécanisme est le même que pour la toxicomanie, qui sait quoi du suicide et des raisons qui font qu'on passe à l'acte, à moins d'avoir soi-même été confronté à la pulsion ?
Tout cela pour dire qu'il faut se taire et écouter celui qui a l'expérience pour apprendre...Or, combien ont écouté JLD quand il s'est exprimé au sujet de son addiction ?
Quoi qu'il en soit, cet article fort intéressant issu du Nouvel Obs, de Fatma BOUVET DE LA MAISONNEUVE, psychiatre et addictologue, devrait rendre celui qui juge hâtivement, un peu plus indulgent avec le cocaïnomane :
Jean-Luc Delarue et la cocaïne : pourquoi il est grave de se moquer de son addiction
Après la mort de Jean-Luc Delarue, j'ai lu beaucoup de propos qui m'ont choquée. Les attaques, les jugements moraux sur ce pauvre homme et sa consommation de cocaïne me semblent à la fois incongrus et graves.
D'autant qu’ils viennent parfois des professionnels des médias qui sont, je pense, très au fait de cette pathologie, puisque leur métier est connu pour être à risque, comme notamment tous les métiers de la communication, du show-business, des finances etc. Ce sont en effet des métiers stressants qui nécessitent toujours plus de performances et où la place de l’image est primordiale.
J’attendais un peu plus d’analyses médicales que d’appréciations morales, enjolivées par l’aspect "paillettes et financier" du problème. Je voudrais rappeler là qu’il s’agit d’une maladie grave et souvent tragique. Or, tous ces malades ont davantage besoin que l'on porte un regard médical sur eux, et non moqueur et stigmatisant, qui risquerait de les faire tomber dans une spirale infernale de la culpabilité et de la dépression. Le risque de négliger l’aspect pathologique est de le banaliser et d’en oublier les complications qui sont très graves.
Pour exemple, lors du procès des réseaux de drogues, "Le Monde" citait le dealer de l'animateur qui décrivait ses "exigences" : plus de 8.000 euros par mois, 20g par semaine… Où est la dimension médicale de l'affaire ? Nous, médecins, savons l’enfer que vivent ces personnes : il ne s’agit pas pour eux de dépenser tout cet argent pour le "fun", il s’agit de se procurer le produit par n’importe quel moyen pour ne pas souffrir du manque et de ses complications.
L'addiction à la cocaïne est une véritable maladie
La consommation de cocaïne est une vraie maladie, au même titre que le cancer. Mais, aujourd'hui, il est toujours plus "respectable" d'avoir un cancer qu'une addiction à des substances. Or, chacun sait qu’on ne cherche pas à devenir addict, comme on ne cherche pas à avoir un cancer.
Ce qui m'étonne également, c'est le silence des autorités de santé. Des organismes importants comme la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) ont lancé des grands plans de prévention, pour faire de la consommation de substances une priorité nationale. Un rapport de 2010 révélait d’ailleurs que 10% des salariés consommait des substances illicites en France (dont la cocaïne). C'est énorme. C’est un chiffre alarmant qui n’a appelé à aucune mesure de prévention spécifique urgente.
Malgré les efforts des professionnels des addictions en France, médecins, associations, Mildt ou autre, on se rend compte, à l'occasion de la mort de Jean-Luc Delarue, que c'est comme si rien n'avait été fait. Personne ne retient l'aspect médical de l'addiction.
Or, cette question est urgente car la consommation de cocaïne dépasse aujourd'hui très largement les seuls cercles branchés des métiers à risque ou autres milieux privilégiés. Elle s'est popularisée, ce qui veut dire qu'elle est moins chère et davantage coupée avec des substances que l'on ne connaît pas, qui sont toxiques.
Les vrais dangers de la cocaïne
La cocaïne est la drogue qui entraîne le plus de craving, c'est-à-dire l'envie irrépressible d'y retourner. Or, beaucoup de fantasmes entourent la cocaïne. On a longtemps dit, par exemple que cette drogue ne provoquait pas de manque physique, et que si on veut s’arrêter d’en consommer, on peut. C'est faux.
C'est également la drogue qui entraîne le plus de décès. Chez les cocaïnomanes, la consommation est de plus en plus importante, car, plus on en consomme, moins on en ressent les effets recherchés, c’est ce qu’on appelle la tolérance. Les patients nous disent souvent rechercher toujours l'effet de leur première fois, qu'ils ne retrouvent jamais.
On le sait, la cocaïne provoque une jouissance intense. Lorsque l'on écoute les accros, c'est une formidable publicité pour le produit : une sensation de toute puissance, une énergie intense, et une grande euphorie avec l'impression que tout est possible… Et ceci a une expression clinique .
Les symptômes les plus reconnaissables sont la logorrhée (les consommateurs parlent très vite), l’insomnie, l’anorexie et l’amaigrissement, des tics nerveux très reconnaissables, parfois une forme de paranoïa. Et sur le plan somatique, une accélération du rythme cardiaque et respiratoire, Ce sont bien là des signes médicaux. Consommer de la cocaïne, ce n'est pas seulement un acte de délinquance, c'est un fait médical.
Le moment le plus délicat que les patients redoutent est la fin de l’effet de la cocaïne, cela s’appelle la "descente". C’est un moment très anxiogène car l’euphorie disparaît. La personne peut manifester une véritable crise d’angoisse, souvent très forte, avoir une dysphorie qui est une humeur triste, proche de la dépression. Il arrive également que la personne ait des idées suicidaires. Certains, pour "amortir" cette descente consomment de l’héroïne en même temps, c’est ce qui est appelé "le speedball". Cependant ce que l'on constate de plus en plus, c'est l'association alcool-cocaïne, dans le même but de mieux supporter la descente.
Aujourd'hui, nous ne pouvons établir de lien entre la cocaïne elle-même et le cancer digestif qui a emporté l'animateur, mais l'on sait que certaines substances avec lesquelles la cocaïne est coupée peuvent être à l'origine de cancers. La cocaïne, elle, affecte de façon certaine les conduits ORL.
L'addiction, le mal du siècle
Outre les signes cliniques décrits plus haut, les troubles du comportement et ou du caractère relèvent aussi de la consommation de cocaïne. C'est sans doute ce dont a souffert Jean-Luc Delarue dans l'épisode de l'avion ou des "Globes de cristal", dont on a beaucoup entendu parler.
Contrairement à l'héroïne, les traitements contre la dépendance à la cocaïne ne sont pas au point. Nous ne connaissons pas encore de substituts.
Devant ce type de patients, il est indispensable de poser les bons diagnostics : ceux de la consommation bien sûr (quantité, fréquence, contexte…), mais aussi chercher ce que l’on appelle en psychiatrie, les comorbidités psychiatriques.
Existait-il un trouble psychique que le patient a tenté d’automédiquer par le produit ? Existe-t-il un trouble concomitant de la consommation, ou en complication de celle-ci ? Quoi qu’il en soit, il est impératif de traiter ce trouble pour limiter les risques de rechutes. On retrouve souvent des troubles dépressifs ou anxieux, surtout à type de phobie sociale (cette forte timidité qui entrave le lien avec les autres), mais aussi d’autres types de troubles anxieux.
Loin de moi l’idée de faire des diagnostics à l’emporte-pièces : je ne connais pas cet homme que l’on doit maintenant laisser reposer en paix. Pour autant, au lieu des railleries, j’aurais préféré que l’on s’interroge sur ce dont souffrait Jean-Luc Delarue qui ait pu le pousser à consommer ce poison.
Le seul traitement de cette addiction, aujourd’hui, reste symptomatique, et dépend de cures de sevrage en milieu médicalisé. Les médicaments sont les antidépresseurs, les anxiolytiques et parfois les neuroleptiques. La recommandation est l’abstinence totale et définitive et une prise en charge globale : médico-psychologique individuelle et/ou en groupe. Je crois beaucoup aux groupes de parole qui apportent une aide d’un autre type aux patients puisqu’il s’agit de dialogues entre consommateurs et ainsi d’échanges d’astuces pour permettre de s’en sortir.
"Pourquoi tombe-t-on dans la dépendance", nous demandent souvent nos patients ? La réponse qu’ils comprennent le mieux est la suivante :
L'addiction, c'est la rencontre d'un individu avec un produit, dans un environnement particulier. C'est pour cela que l’addictologie est une spécialité multidisciplinaire. Ce qui est sûr, c'est que les addicts ont besoin de ces produits pour survivre.
La fascination du public autour de la cocaïne a une origine très fondée, puisque l'addiction et les pathologies du passage à l’acte, avec la dépression sont LES maladies psychiques du siècle. Les réactions ironiques sont donc naturellement une façon de se protéger contre l'angoisse. Chacun a, dans sa famille, une personne touchée par l'addiction. C'est un mal qui peut toucher n'importe qui : nous, nos enfants…
Un ambassadeur de la prévention qui ne devrait pas être moqué
Je suis surprise de n’avoir pas lu ou entendu de responsables des autorités de santé s’exprimer autour de cette disparition tant médiatisée. Car la cocaïne est de plus en plus consommée en France, et les jeunes sont de plus en plus nombreux à l’expérimenter.
Les addictions sont une problématique de santé publique : il ne faut surtout pas juger les malades, en revanche, il faut parler, agir et prévenir les maladies.
Même si je ne suis pas une grande fan de l'animateur qu'il était, j'ai trouvé Jean-Luc Delarue très courageux ces deux dernières années, lorsqu'il a pris son bus pour faire de la prévention auprès des jeunes, notamment. Car lui savait le danger qu’ils encouraient, s’ils y touchaient ne serait-ce qu’une fois.
C'est ce que l'on devrait retenir de lui : il a mené une action concrète, avec ses moyens, pour la prévention. Il a donné un peu de lui.
FIN
En tout cas, je regrette la disproportion des réactions dans le verbe, dans les deux sens, que génère la mort de JLD.
Je regrette les amalgames, les jugements médisants et fielleux que j’ai lus et qui me font honte d’être français. Ces Français que je reconnais bien là, et pour lesquels j'écrivais l'autre jour sur mon mur :
"Quelle formidable cohérence que celle qui rend les gens capables de vouer un individu aux gémonies, pour lors de sa mort, nous abreuver de leurs hypocrites larmichettes de convention. Je préfère encore le côté théâtral des pleureuses italiennes qu'on embauche lors des enterrements, c'est 1000 fois plus drôle et tout en étant factice, c'est nettement plus cohérent..."
Ces Français qui ont un raisonnement d'une logique implacable et qu'on pourrait résumer comme suit :
"Je suis désolé mais il ne méritait pas qu'on l'encense à ce point, il ne faut pas exagérer, ils le mettent sur un piédestal alors que c'était une merde qui faisait de la merde (il est étrange de constater comment le cerveau se sent dans l'obligation de répondre par opposition à "piédestal", par le terme "merde")
Alors qu'ils pourraient simplement dire :
Ils le mettent à tort sur un piédestal et l'encensent beaucoup trop. Il ne le mérite pas. C'est injuste. (sans forcément trouver une opposition extrémiste et l'assassiner dans sa..."globalité"... et sur l'accident de vie dans lequel ses failles l'ont plongé).
Mais dans les deux cas, j'ai une question intéressante à poser : c'est qui "ils" ?
Ce sont "les gens"...
N'est-ce pas à eux qu'il faudrait s'en prendre et pas à la supposée merde qu'est JLD ?
Ce dernier n'y est pour rien.
Qu'on l'encense ou qu'on le mette sur un piédestal, il n'a rien demandé, lui.
Ne pas se tromper de cible.
Parce que les cons qui crient au quasi génie, à savoir les mêmes qui criaient au diable, il y a quelques mois, ceux précisément qui mettent les antiDelarue (ou du moins ceux qui ont rendu les jaimepasDelarue en antiDelarue) en colère de tant de propos dithyrambiques, et qui délient les langues aujourd’hui, ce sont EUX.
Ces cons n'attisent-ils pas ce mépris, cette méchanceté et ces propos qui sont tout sauf objectifs ?
Et c'est à cause d'eux que JLD, qui maintenant est au boulevard des allongés doit en prendre plein la gueule ?
Qu'on le critique, cela ne me pose pas de problème, il n'est pas mon ami, je ne suis pas son avocat, je l'aimais beaucoup, il a accompagné mon téléviseur pendant 20 ans, et j'aimais beaucoup "ça se discute". Point.
Mais qu'on ne l'assassine pas pour les mauvaises raisons, alors qu'il est déjà mort. Car je veux croire que si le ramassis de journalistes imbéciles avait appelé un chat un chat, l'opinion publique aurait peut-être été au moins un peu plus objective et un peu moins injustement virulente à son égard.
Je fais le constat une fois de plus qu'on nous manipule, et ça marche.
Je vais caricaturer mais on nous énerve à l'encenser à tort, ce qui finit par nous énerver à un tel point, qu'on finit par s'énerver sur JLD lui même, qui le malheureux, n'a jamais demandé à ce qu'on l'encense. Du coup, c'est lui qui morfle plus qu'il ne devrait. Cherchez l'erreur...A méditer...
Des gens ont mal vécu qu’on n’en fasse pas autant pour Neil Armstrong. Je les rejoins et les soutiens. La Justice, c’est aussi de dire qu’il n’est pas normal de rendre un hommage de deux heures à un présentateur TV et rien sur Neil Armstrong. Là, il y a vraiment de quoi se poser des questions. Pourtant, regardons là en face notre Société, la réponse, nous l’avons et ça aussi, c'est un autre grand débat.
Enfin, puisque nous sommes dans le sujet de la télé, je voudrais finir par dire une chose sur le noir et blanc et la couleur.
Beaucoup de personnes pensent en noir et blanc, c'est à dire de façon binaire : bien ou mal, vrai ou faux, 1 ou 0.
Les conséquences du mode de pensée binaire sont le dualisme, l'absence de nuances, l'intolérance, et finalement la violence et les guerres.
Un progrès réalisé par de plus en plus de personnes consiste à penser en "niveaux de gris", c'est à dire à distinguer des nuances entre les opposés. Des nuances de gris apparaissent alors entre le noir et le blanc. Cela permet à la réflexion de devenir un peu plus subtile, et aussi, un peu plus proche de la vérité.
Mais l'idéal est de parvenir à voir la réalité EN COULEUR.
Il ne reste plus ensuite qu'à augmenter la précision de notre représentation de la réalité (la "résolution" de l'image), afin de percevoir le monde avec toutes ses nuances, sa complexité, et sa beauté...
Après cet article, j’ai envie de dire que JLD est le prétexte de mon sujet.
Bien sûr, j’ai voulu montrer qu’il y avait bien plus à dire qu’on le croit sur lui et son travail et encore ma participation est bien modeste.
Mais pour dire le vrai, toutes ces lignes révèlent davantage celui que je suis.
Ceux qui me connaissent n'auront rien appris de nouveau.
Les autres me découvriront.
Cette réaction quasi épidermique est bien plus une rencontre entre le Monde et certaines de mes valeurs, qu’une apologie de JLD. Et je ne m'excuserai jamais d'avoir l'empathie qui me caractérise, unique raison, avec le besoin de Justice, qui m'a encouragé à écrire ces lignes.
Autant que faire se peut, je m'efforce de ne pas juger, de ne pas condamner. J'ai appris à, ou plutôt devrais-je dire, j'apprends à, car c'est un processus permanent...Et c'est entre autres, le message que j'entends faire passer ici.
Après cet article, j’ai l’impression d’avoir remis la mémoire de JLD à la place qui lui est due, non pas celle d’un héros qu’il n’est pas, ni celle d’une merde qu’il n’est pas, mais celle d’un homme qui sans nul doute a participé à faire entrer dans les salons de Mr et Mme Toutlemonde la Société telle qu’elle est, et non pas telle qu’on croyait qu’elle était, et par là même, à faire reculer l’ignorance, la méconnaissance qui en découle et toutes les conséquences qui vont avec.
Un homme qui en donnant la parole à des anonymes, a contribué à ce que ces derniers, pour certains, tirent davantage profit du côté –pourquoi pas- thérapeutique de leur témoignage plutôt que du côté stérile du « je passe à la télé, j’ai eu mon heure de gloire ».
Un homme avec ses failles, un homme qui à un moment donné, est tombé.
Une merde ou pas, un homme, avec ou sans la majuscule, à l’appréciation subjective ou objective de chacun, à tort ou à raison.
Après, c’est pas grave, le client est Roi dit-on ?
Ici, le Public est Juge…
Et pour ma part, Justice est faite.
« Chacun a en soi un parasite qui n’agit pas dans son intérêt ». (William S. BURROUGHS)
« Il m’a expliqué en souriant que rien n’est blanc ou noir et que le blanc, c’est souvent le noir qui se cache, et le noir c’est parfois le blanc qui s’est fait avoir » (Romain Gary)