Des journalistes aux ordres

par olivier cabanel
mardi 12 février 2019

 Macron semble s’être fait une idée précise de ce que doit être l’information... il choisit les journalistes habilités à l’interroger... ça rappelle des souvenirs... de pas très bons souvenirs.

Il y a plus d’un demi-siècle, l’un de ses prédécesseurs, le grand Charles, en l’occurrence, exerçait un contrôle affirmé sur la presse, parlée, vue ou écrite, au point que le journal télévisé devait être vu, et approuvé par lui avant parution.

De Gaulle savait le pouvoir des médias, et il avait fait ses premiers pas à Londres... sous le contrôle, (déjà) d’un certain Churchill. lien

En effet, à l’époque, le ministère de l’information britannique avait hésité avant d’autoriser l’appel du 18 juin. lien

De Gaulle allait s’en souvenir, et n’était pas le seul à avoir retenu la leçon, car, à l’époque, Ramadier, alors Président du Conseil, ne supportant pas les critiques venues de la gauche, avait suspendu les émissions critiques, comme celle de « la tribune des journalistes parlementaires ».

Plus tard, en 1956, le socialiste Guy Mollet justifiera une nouvelle suspension de cette fameuse « tribune des journalistes », en argumentant : « la revue de presse fait une place trop large à la critique dans un moment où le gouvernement a besoin, pour agir, dans les cadres des pleins pouvoirs qui lui sont accordés, du plus grand soutien possible de l’opinion publique  ». 

Mais revenons à De Gaulle..

Ceux qui osaient s’opposer au pouvoir subissaient le bannissement, et de Truffaut à Lavilliers, en passant par Louis Malle et Dali, ils ont été nombreux à avoir été punis. lien

Ce qui avait amené un certain Maurice Clavel à quitter le plateau de TV en déclarant son si célèbre : « messieurs les censeurs, bonsoir ». vidéo

Il faut dire qu’il avait eu l’outrecuidance d’évoquer dans son film les relations ambiguës de Georges Pompidou d’avec la résistance. lien

Les tentatives de libérer la presse du joug du pouvoir, lancées par Chaban Delmas, alors premier ministre de Pompidou, seront avortées, lequel avait déclaré que « l’ORTF, c’est la voix de la France  ».

Pour être plus précis, lors de son intervention, Pompidou avait rappelé qu’il avait supprimé le ministère de l’information, cher à De Gaulle, ajoutant : « je n’exige pas que ceux qui parlent sur les 2 chaines de télévision fassent l’éloge du gouvernement » (...) mais il demandaient aux journalistes « qu’ils adoptent une certaine hauteur de ton et de pensée  »...lien

Sous-entendu très clair du président d’alors : Vous, journalistes d’une radio/chaine d’état, ne pouvez traîner dans la boue, ceux qui dirigent votre pays... ou du moins vous devez les ménager... faisant ainsi la promotion d’une nouvelle pratique, l’autocensure.

L’intervention vidéo de l’intéressé.

On peut mettre au compte de Mitterrand la création des « radios libres », sauf que la télévision et la radio resteront sous le contrôle de l’administration...et que ces nouveaux médias, financés pour la plupart par de riches industriels, accepteront implicitement une censure qui ne disait pas son nom.

On sait aujourd’hui ce qu’il en est des grands groupes de presse, achetés par des milliardaires, au point qu’il devient difficile de valider le contenu des articles publiés.

Depuis 2017, ils sont dix milliardaires à s’être emparé de la presse française, et de Bouygues (TF1) à Lagardère (Europe 1, Paris Match, du JDD, Virgin Radio, RFM, Télé 7 jours), Bettencourt (l’Opinion), Marie Odile Amaury (l’Equipe), en passant par Bernard Arnaud (les Echos, le Parisien), la Famille Mohn (M6, RTL, Gaïa, Femme actuelle, VSD, Capital), Bolloré (Canal+) ces puissants ce sont donné les moyens d'influencer...lien

Quant aux journalistes impertinents, investigateurs, qui dérangent celui qui a acheté la chaine, ou le journal, on les prie gentiment d’aller voir ailleurs...

Exit le zapping de canal+...lien

Comment ne pas s’étonner dès lors du désintérêt croissant qu’ont les français pour cette presse, si peu crédible, et pour ces journalistes que des internautes n’hésitent pas à qualifier de « Journalopes ».

Lors de l’acte XIII, combien de journalistes avaient mis en doute les chiffres donnés par la préfecture (51 400 manifestants) en soulignant que les manifestants avaient annoncé un chiffre deux fois plus important ? lien

L’avocat François Sureau se permet l’insolence, en déclarant : « peut-être un jour devra-t-on passer un permis de manifester ».

De l’autre côté de l’Atlantique, Trump désigne les journalistes qui ont le droit de l’interroger, et n’hésite pas à les étriller à l’occasion (lien)... et en France, récemment, Macron a choisi les journalistes dignes de recueillir les mannes de sa pensée.

Ce n’est pas une surprise, puisque, dès son élection, Macron avait décidé de choisir les journalistes qui seraient honorés de l’accompagner dans ses déplacements. lien

Il explique sa position en soupçonnant les journalistes « d’être un pouvoir médiatique qui voudrait devenir un pouvoir judiciaire ». lien

Bref, des rapports tendus dans le genre : « je t’aime, moi non plus »...

Quitte à récolter un « point Godwin », il n’est pas inutile de se remettre en mémoire comment Hitler agissait avec la presse.

C’est ce qu’on découvre dans le n° 2423 de l’hebdo « Le Point », sous la plume de François-Guillaume Lorrain, lequel raconte comment le dictateur allemand endormait la presse.

Un certain Éric Branca avait regroupé 16 interviews données entre 1923 et 1940, et l’on découvre quelle stratégie le chancelier avait mis en place pour museler la presse internationale.

Ainsi il avait obtenu de l’Associated Press, la principale agence américaine, qu’elle signe un document dans lequel elle s’engageait à ne rien publier qui « porterait atteinte à la force du Reich  ».

C’est ainsi que cette agence fut la seule autorisée à travailler en Allemagne après 1943.

Les correspondants du Daily Mail n’étaient pas en reste, d’autant que le propriétaire du journal, Lord Rothermere, était proche des fascistes anglais et activiste du mouvement nazi.

Et quid pour la France ?

En 1936 on pouvait lire dans les colonnes de « Paris Soir » sous la plume d’une certaine : Titayna qui écrivait : « quoi !, cet homme si simple, qui parle doucement, raisonnablement, gentiment, est-ce là le redoutable meneur de foule en qui le monde entier a cru voir un jour une menace de guerre ? ».

Quand à Robert Chenevier, quand il se déplace en Allemagne pour rencontrer Hitler, juste après l’Anschluss, pour le compte de « L’illustration  », c’est pour lui parler d’architecture... lien

Mais revenons à Macron et à sa vision de ce que devrait être un « bon journaliste »...

Après la honteuse tentative de perquisition des locaux de Médiapart, voulue par le gouvernement, c’est le secret des sources que Macron essaye de faire lever. lien

L’un de ses prédécesseurs, Sarkösi en l’occurrence, avait, par l’intermédiaire de sa ministre Dati, sorti une loi, en 2010, sur le secret des sources. lien

Cette loi semblait le défendre, mais c'était oublier’un amendement très ambigu, qui limitait le secret des sources, s’il menaçait « les intérêts supérieurs de la nation ». lien

Du coup, cette perquisition ratée pose la question : est-ce que les révélations de Médiapart « menaçaient les intérêts supérieurs de la nation » ?

Est-ce que ça reviendrait à dire que finalement, l’affaire Benalla menace « les intérêts supérieurs de la nation » ?

Car, cet homme, qui avait toute la confiance du chef de l’état, qui était bien plus qu’un « garde du corps », qui a menti aux parlementaires alors qu’il avait prêté serment, utilisé des passeports auxquels il n’avait plus droit, avait un téléphone crypté, rencontré des dignitaires africains, quelques jours à peine avant que Macron ne se rende en Afrique, et dont l’ami, Crase, semble traiter de grosses affaires avec des maffias russes, est-il seulement un sous-fifre qui a dérapé, ou un sous-marin du pouvoir présidentiel ? lien

Les dernières nouvelles vont plus loin, puisque, grâce à Médiapart, on apprend que les contrats signés avec des oligarques russes, s’élèvent déjà à plus de 2 millions d’euros. Lien

Et Macron doit faire face à une autre démission liée probablement à l'affaire Benalla. lien

Décidément, ce nouveau gouvernement n’en finit pas de nous surprendre : né d’un parti de « marcheurs », il semble qu’il ait raté une marche.

Et les chutes d’escaliers font parfois de gros dommages.

Comme dit mon vieil ami africain : « un vieux balais nettoie mieux qu’un jeune  ».

Le dessin illustrant l’article vient de aumilieuduvillage

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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