DSK, l’alibi multi-faces !

par Georges Yang
lundi 23 mai 2011

Curieuses réactions dans la presse, à la télévision, sur les blogs. Chacun voit midi à sa porte et les interprétations vont bon train pour défendre sa chapelle. Peu importe la réalité et la gravité des faits reprochés à l’ancien directeur du FMI, DSK sert de catharsis et d’étendard, qu’il soit innocent ou coupable. Par contre, il n’est pas un député, un journaliste, un internaute qui n’ait son opinion sur l’affaire, et chacun de jouer au sociologue ou au moralisateur pour édifier les foules. Certaines femmes lèvent très haut le drapeau féministe et traquent le monstre dans ses derniers retranchements.

 Plusieurs écoles s’affrontent sur le champ médiatique. Les arguments sont puissants, étayés, contradictoires et cependant irréfutables, même s’ils ne sont pas obligatoirement de bonne foi. Chaque groupe s’enflamme et croit détenir la vérité. Les versions les plus surréalistes apparaissent au gré des imaginations, les esprits s’enflamment, mais encore aucun Zola n’est venu s’écrier « J’accuse  ». BHL n’en a hélas pas la carrure.

1. D’abord, les féministes, elles exultent, elles ont enfin « leur » coupable idéal, leur bête immonde ! DSK est un archétype, l’exemple du mâle dominant lubrique et violeur potentiel. Taureau ou chimpanzé en rut, satyre, Priape, tout le bestiaire érotique et mythologique va y passer. Chaque main au cul est un crime contre l’humanité et devrait être châtiée avec la même sévérité qu’un viol sans préservatif sous la menace d’un tournevis. Tous les hommes sont d’infâmes pourceaux ; il faut les menacer de la castration chimique dès la première incartade. Pour les pures et dures, l’attitude de DSK cautionne à elle seule la lapidation des femmes en Afghanistan, il faut donc être vigilantes et ne rien laisser passer. Bigard pourra-t-il encore sortir son lâcher de salopes sans se faire lyncher désormais ? Bref, le mâle n’a plus la cote. Le temps est fini de la grivoiserie. Il est temps de prendre sa revanche, le féminisme vaincra les violences faites aux femmes, plus ne sera comme avant, une fois DSK jugé, condamné, emprisonné puis banni.

2. Les antisémites ne sont pas loin, à l’affut, ils sortent de leur tanière. DSK est juif et la clique sioniste est derrière lui et le soutiendra jusqu’à l’inacceptable. De Zemmour à BHL tous ceux qui le protègent et lui trouvent des excuses sont des coreligionnaires. Le complot sioniste est à l’œuvre défendant l’indéfendable. La victime guinéenne, probablement musulmane, symbolise à elle seule le peuple palestinien humilié par l’arrogance d’Israël. On pense alors immédiatement à Michel Houellebecq et son prémonitoire, broute-moi la bande de Gaza mon petit colon juif dans la Carte et le Territoire. Anne Sinclair de son côté est suspecte parce qu’héritière, certains font déjà un rapprochement qui rappelle le gang des Barbares.

3. Les anti-antisémites de leur côté voient une résurgence des pires moments de notre histoire. Ils ne cessent de citer Drumont, Léon Daudet, Maurras, le journal Je suis partout. Il est évident qu’avant-guerre ceux qui en auraient voulu à DSK, aidés par la plume sulfureuse de Céline, auraient en leur temps dénoncé le sinistre youpin à la vindicte populaire, selon la dialectique antisémite et caricaturale de l’époque. Pour eux, ceux qui osent critiquer DSK n’ont en fait qu’une envie secrète, la réouverture des crématoires, pas moins que cela. Ces thuriféraires imaginent déjà DSK obligé de porter un pénis jaune cousu sur le revers de la veste pour le montrer à la vindicte de tout un peuple devenu subitement antisémite. Ils ressortent comme exemple le film de propagande nazie, le Juif Süss de Veit Harlan montrant à la fois l’appât du gain et la lubricité atavique de ce peuple, (défauts paraît-il réunis chez DSK), alors que le bon titre dans cette affaire serait plutôt, l’israélite qui s’est fait sucer. Pour la propagande qui trouve ses racines au plus profond du nazisme le juif est obscène et libidineux, il était autrefois perfide avant Vatican II. Raison donc de dire que Strauss-Kahn, nouveau Capitaine Dreyfus du braquemard, ne peut être qu’innocent parce que juif. Pour leurs adversaires, le raisonnement est exactement inverse. Peu importe les preuves (ou leur absence) et l’enquête. Associer le judaïsme de Strauss-Kahn à une innocence ou une culpabilité potentielle est aussi ridicule que de l’avoir préparé des morceau de viande bien trop gros devant la caméra.

4. Les anti-américains s’aperçoivent et font remarquer que malgré les séries télé et les « objection, votre Honneur », la justice américaine n’est pas une panacée. Et BHL qui était à quatre pattes devant les Etats-Unis se met à glapir que tout un système juridique inique est en train de salir et de détruire un saint homme. Les Américains sont puritains, les Français égrillards, tout est dit sans nuance. Cela dit, une flûte traversière sous le bureau et c’est l’émeute chez les yankees, alors que l’on peut abattre un intrus dans son jardin à l’arme de guerre si l’on a un port d’arme sans être particulièrement inquiété. En France, crever un œil à un cambrioleur à la onzième effraction et c’est les assises alors qu’il faut vraiment y aller fort dans les affaires de mœurs pour être inquiété jusqu’à présent (mais ça change).

5. Les anticolonialistes et altermondialistes voient dans cette histoire une parabole, celle du FMI obligeant l’Afrique à s’agenouiller devant ses diktats. La jeune femme Guinéenne est l’esclave soumise par les contraintes économiques imposées par les magnats de la finance, obligée à sucer la queue du grand capital. Des représentants autoproclamés de la communauté guinéenne basée à New-York demandent déjà réparation pour l’humiliation subie par l’Afrique. Le directeur du FMI, instance suprême du capitalisme mondial arrogant, est un blanc, riche, connu, impudent et dominateur, la victime est une femme de ménage noire, une damnée de la terre, elle est à elle seule la métaphore du prolétariat écrasé et d’un continent meurtri par l’esclavagisme, la colonisation et les multinationales.

6. Les socialistes et une certaine gauche se sentent obligés à une solidarité de clan. Et Jack Lang de dire qu’il n’y a pas eu mort d’homme. Et Ségolène Royal de déclarer qu’elle pense à l’homme derrière l’affaire. Elle qui lors du débat de 2007 réclamait devant Sarkozy médusé que l’on raccompagne chez elles les fonctionnaires de police de sexe féminin pour éviter les viols serait dorénavant sur le point de vanter les mérites d’une petite sodomie participative, conclue par un 69 gagnant-gagnant. Hollande, Aubry et les autres se sentent gênés et mal à l’aise, ce n’est pas le Dominique que l’on connait. Harlem Désir somme Sarkozy d’intervenir.

 7. Restent, au dessus du lot les partisans de la théorie du complot. Pour eux, il s’agit d’un nouveau 11 Septembre. DSK est innocent, il a été manipulé, pire, l’information est manipulée, orientée à charge pour faire tomber le héros. Les auteurs de cette forfaiture sont la grande finance, aidée par la CIA, les gens de Davos, le groupe de Biedelberg, les Bones & Skulls ou les Tea party. Plus franco-français dans leur analyse, certains voient dans l’affaire le machiavélisme de Sarkozy qui a demandé aux RG et à une officine privée chargée des basses œuvres aux Etats-Unis de recruter une Mata-Hari africaine avec une irrésistible bouche à plume, probablement nue sous sa blouse de soubrette. D’autres envisage un complot Franc-maçon ou un dernier coup tordu de Pasqua et ses sbires. Si le soufflé ne retombe pas, nous aurons droit bientôt au Ku-Klux-Klan, aux Raéliens ou aux Martiens. Les plus prudents en sont pour l’instant à la théorie du piège ou du traquenard, mais cela peut évoluer.

8. Quant aux magazines people et à la presse féminine, ils ont déjà senti l’aubaine et les retombées financières que peut générer Anne Sinclair, nouvelle Hillary Clinton cocue digne et altière malgré son porc altier. Elle va faire pleurer dans les chaumières, la sœur Anne qui n’aurait rien vu venir. Et de s’apitoyer sur sa ménopause et ses jambes en poteau, les hommes sont vraiment ingrats pour ne pas dire goujats. Une ex-belle femme riche et aimante méritait mieux que cette ingratitude. Décidément, DSK est un sujet vendeur, si l’affaire s’éternise, il faudrait la coter en bourse. Anne Sinclair va faire un tabac, là où Sylvie Brunel n’avait fait qu’un bide avec son volage Eric Besson. Nous n’avons pas encore l’analyse du thème astral et l’horoscope de DSK, mais cela va venir, n’ayez crainte.

Et si tout ce tintamarre n’était finalement qu’une simple histoire de cul qui a mal tournée ! Cela se passe régulièrement dans les hôtels entre certains clients et le personnel féminin, qu’il s’agisse de palaces ou de lieu de passage pour des VRP. Un quiproquo, un mot ou un geste un peu leste et ça dérape. Cela se finit en général par une engueulade, des gifles, des excuses et un gros pourboire, au pire par l’éviction du malotru par le personnel de l’hôtel. Il n’est certes pas question de cautionner ce genre de comportement, mais de le remettre à sa place et dans son contexte. Ce qui vient d’arriver n’est ni le Pacte Molotov-Ribbentrop, ni Yalta ni même l’assassinat de Kennedy. Tout juste un fait divers minable comme il en arrive souvent avec des protagonistes anonymes. Quand cela arrive en justice, les cas qui ne passent pas en première instance sont reportés au pénal dans la discrétion, le temps que le calme soit revenu entre plaideurs, défenseurs et opinion publique (quand elle est informée).

Mais, les meilleures choses ont un début. D’ici quelques jours, il sera nécessaire de passer à autre chose, car l’opinion va se lasser et il faudra vendre du neuf. Qui parle encore du Japon, de Kadhafi, de Ben Laden. Notons enfin le silence relatif des écolos. En dehors de quelques glapissements féministes dans leurs rangs, ils ne savent trop quoi dire. Le climat politique peut-il être pollué par une fellation durable ? Cohn-Bendit en reste coi. François Bayrou, spécialiste d’Henri IV, quant à lui sait que le Vert Galant n’était pas écolo ! Par contre, si DSK puait l’ail, Christian Jacob serait prêt à l’absoudre reconnaissant en lui un représentant de la France qu’on aime. Ah, la bonne vieille sodomie rurale, celle des terroirs si chers à Jean-Pierre Pernault, ça a nettement plus de goût et de charme dans la paille d’une étable bien française que pratiquée dans un gratte-ciel à New-York ou à Washington !

Aragon est définitivement dépassé, la plume n’est plus l’avenir de l’homme !


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