Europe 1 promet une rentrée surprenante. Vraiment ?

par Fab Dz
lundi 10 septembre 2007

Pour les « fans » de radio, c’est Europe 1 qui, pour cette rentrée 2007, crée le plus d’attentes. Bloquée en cinquième position des radios dans le classement Médiamétrie d’avril-juin 2007, la radio généraliste historique du groupe Lagardère peine à retrouver les faveurs de ses auditeurs.

Alors, coincé au pied du mur, son PDG Jean-Pierre Elkabbach, promettait dès la fin juillet une "rentrée surprenante"[i]. Dès mercredi, il faudra tendre l’oreille.

Une radio écornée par la présidentielle

Le moral de la rédaction d’Europe 1 n’était déjà pas au beau avant les élections présidentielles. Les révélations du Canard enchaîné dans son numéro du 22 février 2006 laissaient entendre que pour le recrutement d’un journaliste politique à la rédaction, Jean-Pierre Elkabbach n’avait pas mieux fait que de consulter le président de l’UMP, soit Nicolas Sarkozy.

Le brouhaha d’explications, de réactions autour de cette embauche n’a jamais permis de savoir le fond réel de cette histoire, plus particulièrement l’influence du président de l’UMP. Il n’en reste pas moins que Jean-Pierre Elkabbach, face à l’inquiétude de sa rédaction, avait alors avoué à ses journalistes l’avoir effectivement consulté, tout en réaffirmant son indépendance face à la rédaction : "C’est nous qui tranchons. Le journaliste choisi sera indiscutable et incontestable"[ii].

Passera l’élection et l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence. Entre-temps, sous le regard des Guignols de Canal+, Jean-Pierre Elkabbach se sera transformé en porte-parole d’un futur président et président d’une radio haut-parleur d’une France "umpisée". Côté rédaction d’Europe 1, le mal était là et la crédibilité de l’information affaiblie. L’audience est à la baisse. Et à cette morosité ambiante, il faut ajouter un plan de départ volontaire, touchant une trentaine de salariés sur les quelque 400 employés par la station, soit presque 10 %.

Le départ des voix

Après cet épisode de crise, le mal poursuit peu à peu sa course, laissant derrière lui quelques blessures. La matinale d’Europe 1 peine à se trouver un "leader". La saison 2006-2007 a vu la prise de commande de Christophe Delay au 7/8. Pourtant, dès la fin mai, il était déjà parti pour BFM TV. Lui succédait de 8 à 9 heures, Nicolas Charbonneau. Pendant une semaine, le journaliste Martial You s’est essayé au 7/8. L’animation de la tranche lui a été reprise au bout d’une semaine pour ne garder que la présentation du journal de 7 heures, Nicolas Charbonneau prenant les commandes du 7/9.

Cette fin de saison chaotique a certainement été perturbante pour la rédaction, mais aussi pour l’auditeur. Pendant ce temps, la porte des départs claque toujours et c’est, cette fois, Vincent Parizot, en charge du journal de 8 heures, le plus écouté du matin en radio, dont on apprend le départ pour RTL et la présentation du journal de 18 h. Nicolas Charbonneau est lui aussi partant, direction I-Télé. La tranche matinale est exsangue... Laurent Guimier et Mathieu Delahousse ont eux aussi quitté la rédaction.

En journée, la débandade se poursuit

Si le reste des émissions du matin ne voit pas de modifications ; à savoir Jacques Pradel et Jean-Marc Morandini, l’un dans le rôle d’historien-voyageur-naturaliste-etc., l’autre dans celui de "snipper-chevalier blanc" des programmes télé ; la grille de l’après-midi est, elle aussi, en proie à de nouvelles convulsions, voyant même l’arrivée fin janvier de la directrice de la Star-Ac, Alexia Laroche-Joubert, à la tête d’une émission d’échange avec les auditeurs, où elle faisait suite à deux animatrices "maison" qu’étaient Caroline Dublanche et Pascal Lafitte-Certa. Peopolisation, quand tu nous tiens !

Le 18/20 de la saison précédente, conduit par Pierre-Marie Christin (passé par RTL, puis France Culture) aura lui aussi peiné à trouver ses marques. Difficile de succéder à un Pierre-Louis Basse, figure de la station, s’il en est. Journaliste pluridisciplinaire, tout aussi éclairant qu’éclairé, Pierre-Marie Christin n’avait visiblement pas le ton Europe.

Nouveau, surprenant...  ?

Voici donc qu’arrive la rentrée. Fait bizarre (Contrainte de temps ? Problèmes de recrutements ?...), elle n’aura pas lieu le lundi 3 septembre, en début de semaine, mais le mercredi 5, en milieu de semaine. Une manière de se prévenir d’ajustements et de remaniements à faire en urgence ? Allez savoir.

Il n’en reste pas moins que la bande annonce d’Europe 1 pour la rentrée vient préciser la nouvelle donne. En semaine, le 5/7 est attribué à Thierry Fréret. Un animateur maison. Le numéro 2 de la météo d’Europe 1 prend la tête des petits matins. La voix est connue des auditeurs et sa météo était agréable et concise. Espérons qu’il réussisse !

Et pour la suite ? Jean-Pierre Elkabbach a finalement demandé à Jacques Pradel de prendre les commandes d’un 7/11. Espérons pour les auditeurs qu’il soit tonique. Il enchaînera la tranche info, en en étant le fil rouge, puis poursuivra avec son émission de découverte et de voyage. Il semble que c’est Laurent Delahousse que Jean-Pierre Elkabbach souhaitait voir à ce poste. Offre pour le moment déclinée par l’intéressé.

Jean-Marc Morandini, dont la vie audiovisuelle reste tumultueuse, même si elle s’est assagie depuis qu’il présente son émission sur la télévision sur Europe 1, a pris en charge le 11/14. Toujours de la télé, puis le journal de la mi-journée en fil rouge, avant d’enchaîner sur l’interactivité avec les auditeurs et leurs réactions sur l’actualité. Hum... Pas convaincu. Autant il peut-être amusant d’entendre ses commentaires sur les médias, autant, il ne semble pas le mieux placer pour des échanges constructifs avec les auditeurs. Sauf à ce que la mauvaise foi soit érigée comme outil de débat ? La rédaction, elle, se montre méfiante.[iii]

Passons l’après-midi sur laquelle on ne sait pas grand-chose. Ah, si. Jean-Pierre Elkabbach a réussi à conserver Laurent Ruquier, en partance, courant mai, pour la rue d’en face, à savoir la rue Bayard et RTL. Question de personne ? On va se gêner ! reste un produit phare pour Europe sur la tranche de Ruquier. Difficile de s’en priver. Il restera et l’annonce par communiqué d’Europe 1 sera tonitruante.

Reste la soirée. Celui que beaucoup qualifient d’ "agaçant" prend sous sa coupe le 18/20 et le dialogue sur l’actualité avec les auditeurs. Espérons que la journaliste Hélène Zélany, si elle présente toujours le journal de 18 h, puisse continuer en toute tranquillité et avec la fraîcheur dont elle a toujours su faire preuve, depuis son arrivée dans le groupe Lagardère (Hélène Zélany a débuté sur Europe 2).

La rédaction, pour sa part, aura à la rentrée, un nouveau directeur en la personne de Benoît Duquesne. Une radio qu’il connaît pour y avoir fait ses classes en tant que reporter et présentateur des journaux de 1982 à 1988. Espérons qu’il saura être à l’écoute de journalistes qui semblent fatigués de se faire tirer dessus, par la faute d’un président trop proche du pouvoir.

Inversion de rapports...

Si la radio a longtemps été le passage obligé avant la télévision, il semble que le besoin de vedettes pousse certaines radios à prendre le chemin inverse et cherche ses nouvelles grandes figures à la télévision, sans être nouvelles... Est-ce cela la fameuse "convergence", c’est-à-dire le rassemblement des médias, toutes formes confondues, vers l’uni-média ?

Subir en permanence les mêmes figures ? Europe 1 pourrait, à ce petit jeu, ne pas faire preuve d’innovation, mais bien se lancer dans une simple course au médiamat et auditeurs perdus.

Pendant ce temps, la réorganisation du pôle média du groupe Lagardère se poursuit. Il paraît qu’on peut faire du neuf avec du vieux... Ah ? "Osons !", disait Jean-Pierre Elkabbach, alors président de France Télévisions... Avec les revers que l’on connaît.



[i] - Le Parisien - samedi 21 juillet 2007

[ii] - Le communiqué interne de la société des rédacteurs d’Europe 1

et la réaction de Nicolas Sarkozy

[iii] Le Monde - 28 août 2007

Et l’aide précieuse de l’excellent site www.imedias.biz


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