Fiction

Nous sommes le mercredi 31 mars 2011, il est 8h30.
 

Machinalement j’ai allumé ma TV en appuyant sur la touche 2 de ma télécommande. Je pensais voir la toute fin du journal mais c’est déjà trop tard. Après quelques annonces sur les programmes de la semaine on passe directement à l’émission suivante. J’ai encore du mal à m’habituer à l’absence de publicité alors que cela fait plus de deux ans qu’elle a été bannie des écrans du service public. Comme c’est mercredi c’est la demi-heure des émissions d’intérêt général ; en résumé la mise en valeur de la parole gouvernementale et/ou d’initiatives citoyennes et responsables pour reprendre la terminologie officielle. En général c’est totalement insipide et inintéressant et le téléspectateur fuit sur les autres chaînes remplissant les poches de TF1 et de M6 avec des écrans pub complètement saturés. Mais ce soir j’ai décidé de regarder car le programme est intriguant : tout d’abord Frédéric Lefebvre, le nouveau patron des députés UMP, est censé nous expliquer les mérites de la filière « détection, prévention et répression de la délinquance des mineurs » en place depuis quelques mois au sein de l’Education Nationale. Cela commence avec des tests dès la maternelle pour identifier les « enfants à risque », puis ensuite ave les programmes d’accompagnement en primaire avec encadrement « renforcé » pour les plus rétifs, et enfin avec un emprisonnement possible dès 12 ans et dès 10 ans en cas de récidive…Puis sans transition on passe à une émission sur la prévention du Sida avec en guest star la première dame herself, Carla Bruni-Sarkozy, en tant qu’ambassadrice du Fonds mondial de lutte contre le sida ; messages toujours utiles mais rien de bien neuf…
 

Alors je zappe… sur la 3 il y a une vague émission régionale sur les transports dans ma ville – France 3 National a disparu et les différentes rédactions régionales ont dû s’associer avec des groupes de presse locaux -, Canal est toujours crypté et je ne suis pas abonné, sur la Cinq – ironie de l’histoire France 5 a été privatisée en 2010, vendue à un tandem composé du groupe Bolloré et de Mediaset, propriété de la famille Berlusconi… plus de vingt ans après la première incursion du Sua Emittenza en France sous Mitterrand – une série américaine…et ainsi de suite…
 

Désormais il est près de 21h10…Pour finir j’appuie sur le 1 : je tombe sur le visage de Bernard Tapie. A 68 ans, l’ex homme d’affaires est dans une forme éblouissante. Depuis l’arbitrage en sa faveur dans l’affaire du Crédit Lyonnais/Adidas qui en a (re)fait un homme très très riche, il connaît une seconde jeunesse. Il est omniprésent au théâtre, au cinéma et à nouveau à la télé. Il a repris un vieux concept datant de 1986 intitulé « Ambitions ». L’idée est de mettre à l’honneur des français qui souhaitent entreprendre. L’émission a été actualisée à grands renfort de high-tech (effets spéciaux, hologrammes) et de plaidoyers écologiques. L’invité du soir est Jean François Copé, Ministre de l’Economie depuis le remaniement de 2010 et principal candidat au poste de Premier Ministre en cas de réélection de Nicolas Sarkozy en 2012. Le premier projet consiste à offrir des services de sécurité aux personnes âgées en milieu rural avec un système de rondes en voiture, mais bien sûr avec des véhicules propres. Un peu fatigué je préfère éteindre ma TV.
 

Je me dirige vers ma chambre et allume mon PC ; je vais consulter mes mails. Ca commence mal…mon copain Jérôme confirme qu’il a été condamné en appel dans le cadre de la dernière mouture de la loi Hadopi. Non seulement son accès Internet va être coupé mais en plus il a droit à une lourde amende. Il est un peu effondré. Bien sûr il va essayer de contester la décision au niveau européen – la légalité de cette loi au regard du droit européen est très douteuse malgré tous les efforts de la France – mais cela va prendre des mois et en attendant il doit payer. Décidément la soirée n’est pas très gaie.

Je préfère me changer les idées en allant sur www.agoravox.be ; désormais le site opère depuis la Belgique puisque en France une activité régulière sur le Net de type Blog – à laquelle est assimilé Agoravox – requiert une carte de presse. Concrètement tous les contributeurs devraient avoir un statut de journaliste dans le cadre de la loi française. Comme on l’imagine c’est une demande très raisonnable. Le site a donc été obligé de se délocaliser en Belgique au plus près de la Fondation Agoravox. Cela lui a permis de continuer à fonctionner et de poursuivre sa croissance.
 

Par curiosité je cherche un de mes vieux articles, il avait été écrit en 2008 et s’appelait « Fiction ».