France Monde : concentration à la french !
par Stéphane W.
mardi 11 mars 2008
Le 1er octobre dernier, j’écrivais un billet sur une chaîne BBC à la french : « Jacques Chirac a voulu d’une "CNN à la Française" et France 24 fut le résultat. Une chaîne à 99 % publique se voulant le reflet des valeurs frenchies à l’étranger, mais qui forcement est un puits quantique, synonyme de gouffre financier : 80 millions d’euros par an. Bien que son approche citoyenne en fasse un des acteurs médias les plus modernes de son époque, il reste que lancer pareille machine n’aurait jamais dû être accepté surtout vu l’état des finances d’une France pourtant en "faillite". »
SIPA ¦ Christine Ockrent en octobre 2007
Il s’agissait d’une idée à cette époque. Depuis de l’encre a coulé, Georges-Marc Benamou, conseiller de Nicolas Sarkozy a rendu le rapport de sa mission sur la télévision française, France Monde a vu le jour, Alain de Pouzilhac a été nommé président du holding et surtout... Christine Ockrent a obtenu le poste de directeur général de France Monde. Et l’encre a de nouveau coulé. Les syndicats et le milieu médiatique ont critiqué un peu cette nomination, reprochant à la nouvelle directrice sa proximité avec les décideurs. Son mari n’est autre que Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, mais aussi ministre de tutelle du futur holding. La nouvelle directrice n’a pas hésité à réagir « Ce projet m’excite. Alors, que voulez-vous ? Que je divorce ? ». Certains croient qu’elle est très compétente pour le poste, alors que d’autres comme Philipe Cohen de Marianne est plutôt dubitatif et la croit « surtout incompétente ». Mais finalement, on a appris dans un sondage récent commandé par L’Express que les Français approuvaient cette nomination à 80 %.
Revenons à France Monde. L’objectif serait donc de regrouper RFI (Radio France Internationale, 130,21 M€.), TV5 Monde (70 M€) et France 24 (80 M€). Selon Jacques Bertoin de Jeune Afrique, « il s’agit aussi de réaliser des économies dans un contexte budgétaire défavorable et, à cet effet, de ne pas hésiter à restructurer et à opter des concentrations et des mutualisation d’entreprises... sans sacrifier pour autant la nécessaire souplesse qui doit permettre une approche différenciée de chaque groupe d’auditeurs ou de téléspectateurs ! » Bref faire encore mieux avec beaucoup moins. Devenir l’équivalent français de CNN, BBC World, Al-Jazira ou Tele Sur.
L’opposition la plus médiatique est venue du côté de TV5 Monde, fruit depuis 1984 d’une collaboration française, belge, suisse, canadienne et québécoise. C’est la télévision de la francophonie. Normal qu’ils boudent tous, vous me direz. Sauf que la France finance à 86 % le budget de TV5 Monde et on ne saurait donc critiquer la France de vouloir faire ce qu’elle veut de son argent...
Qu’arrivera-t-il à de nombreuses émissions et productions canadiennes et québécoises comme l’émission Le 3950 présenté par Luck Mervil et produite par Renée Claude Brazeau ? Toujours est-il que d’ici peu, les sites internet des trois chaînes devraient fusionner en un seul. Un rapport parlait aussi de la suppression de 180 emplois. Mais la nouvelle a aussitôt été démentie par M. télévision de l’Élysée, M. Benamou.
Est-ce que France-Monde deviendra la chaîne de la francophonie (comme peut se définir aujourd’hui TV5 Monde) ou ne deviendra-t-elle pas « une filiale de la France » comme le pense le SG de la Francophonie Abdou Diouf (JA No 2460) ?
Et si les autres partenaires de TV5-Monde lassés décidaient de se réunir pour créer une réelle chaîne d’information francophone internationale ?
Et si France Monde ne marchait pas ?
Et si Nicolas Sarkozy avait perdu les élections ?
Que de questions qui ne servent donc à rien. Il faudra faire avec. France Monde à juste titre deviendra la vitrine internationale de la France. Il faut juste espérer qu’elle préserve le savoir-faire de ses trois composantes. Par contre, ne lui demandons surtout pas de batailler avec ses concurrents CNN, Al-Jazira ou BBC. Ils ne sont et ne seront jamais du même calibre.