François Bayrou fait fausse route sur les médias

par LA TELE EN CLAIR
jeudi 22 février 2007

Lors de sa prestation chez Christine Ockrent sur France 3, François Bayrou a réexprimé sa ferme intention d’interdire de diffusion les chaînes qui auraient un rapport direct avec l’Etat. Pour lui, ce n’est pas plus compliqué que cela, il rappelle que les chaînes autorisées à diffuser disposent gratuitement d’un bien public que sont les fréquences, un octroi qui implique en contrepartie une exigence de pluralisme.

Si la deuxième partie des déclarations n’est pas trop fausse, elle mérite d’être toutefois précisée. Dans la loi actuelle, c’est le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui est garant du pluralisme, et non pas les chaînes elles-mêmes. La gratuité d’usage des fréquences de diffusion audiovisuelle est une disposition règlementaire et non pas législative, c’est une disposition exceptionnelle appliquée à l’audiovisuel en contrepartie d’obligations définies dans la loi et qui visent principalement à défendre des intérêts nationaux et européens en matière de production et de diffusion d’oeuvres audiovisuelles. Ces contreparties sont rappelées et précisées de manière qualitative et quantitative dans les conventions passées entre les chaînes privées et le CSA. Pour les chaînes du secteur public, c’est l’Etat actionnaire qui définit et détermine les règles applicables, d’une part à travers un cahier des charges, d’autre part à travers un plan à cinq ans d’objectifs et de moyens. Pour le reste, et en particulier pour le traitement de l’information, ce sont les règles déontologiques du métier de journaliste et des rédactions des chaînes qui s’imposent.


En fait, ce qui semble surtout préoccuper François Bayrou, ce sont les risques de collusions et de connivences dès lors qu’un groupe privé audiovisuel entretient par ailleurs des relations ou intérêts communs avec l’Etat. Un phénomène que l’on appelle maintenant le "berlusconisme", en référence à l’époque où Silvio Berlusconi, patron de l’empire Médiaset, devenait président du Conseil en Italie.

En fait personne ne nie ce risque de collusion entre les médias et le politique, au sens de la démocratie d’opinion et de l’indépendance de l’information, mais ce n’est pas le seul aspect du débat. Le clientélisme exercé par les chaînes privées peut en effet être tourné vers l’Etat, c’est ce qu’on appelle le "lobby", un phénomène d’ailleurs non spécifique au secteur audiovisuel, mais c’est surtout le clientélisme exercé auprès du marché publicitaire. Il ne faut pas oublier que les grandes chaînes privées à forte audience vivent exclusivement de la publicité, et donc dépendent des grands annonceurs nationaux, dont la plupart font d’ailleurs partie des grandes entreprises du Cac 40, seules capables d’accéder aux tarifs élevés de la publicité à la télévision. Il est donc normal, du moins compréhensible, que l’intérêt des chaînes soit aussi de ne pas froisser cette clientèle, surtout en période électorale où, comme on le voit, les enjeux économiques et sociaux sont devenus majeurs dans notre société.

Plutôt que de fustiger les grandes chaînes privées de notre paysage audiovisuel français, on pourra regretter que François Bayrou n’ait pas évoqué les nouvelles perspectives et le nouveau positionnement qu’il envisage pour la pléthore de chaînes du secteur public alimentées à la fois par la redevance audiovisuelle et par la publicité ; une situation dont l’ambiguïté reste grande, d’autant plus que le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions n’a toujours pas été renouvelé depuis 2000.


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