« Google News : prime à l’original », mais où est l’information ?

par citoyen
mercredi 5 septembre 2007

Depuis l’émergence d’Internet comme nouveau vecteur de l’information, régulièrement les médias classiques, les journalistes, les philosophes et même désormais tout citoyen, notamment ceux qui se sont lancés dans l’aventure du blog ou du weblog et plus particulièrement du journalisme citoyen, s’interrogent sur le devenir de l’information. La « vraie » question n’est-elle pas : mais où est l’information ? Un média citoyen comme Agoravox produit-il de l’information ?

Ainsi, combien de fois l’avenir de la presse écrite a-t-il été annoncé comme celui de la crise et de sa disparition ? Même si en France, la baisse du lectorat conduit de fait à une diminution des recettes publicitaires, puis par conséquent à une diminution du nombre de points de vente, il faut bien noter qu’à côté des quotidiens classiques ayant eu « pignon » sur rue, se sont développés d’autres sources d’information comme les quotidiens gratuits, phénomène contredisant le diagnostic. La crise de la presse écrite est donc bien à relativiser (voir à ce sujet : « L’avenir de la presse écrite : Bild donne son image en exemple »). Pour autant, les quotidiens ou magazines papier ont tous (en France seul l’exemple du Canard enchaîné fait peut-être encore exception avec un site des plus rustiques) développé des sites Internet, au départ en simple fonction miroir de leur édition papier puis, très rapidement - comprenant qu’Internet est le nouveau média -, en ont fait leur vitrine.


Plus récemment, ces mêmes médias se sont emparés du phénomène des blogs et du journalisme citoyen pour ouvrir leur site et leurs articles en ligne à l’internaute pour lui permettre de « commenter », voire d’ouvrir son propre blog sur leur site.

Du côté des commentaires, il faut reconnaître que l’expérience est à ce jour mitigée tant les réactions des internautes tournent rapidement selon le sujet de l’article aux invectives et à la polémique sans permettre un débat construit et constructif. A tel point que l’on peut s’interroger sur le réel intérêt de cette possibilité ainsi offerte aux internautes de transcrire sur la toile leurs discussions de « bistrot ». Pour les internautes eux-mêmes, c’est leur faire croire que « leur » avis compte selon le précepte indéniable du « au moins on l’aura dit ». Et il est vrai que cette nouvelle forme d’expression, bien que peu pertinente d’un point de vue informatif (au sens où l’information doit être « originale » voire « originelle », ce qui est loin d’être le cas de ces commentaires au fil de l’eau) donne l’occasion de « mesurer » le climat de l’Opinion - prise comme entité comme dans les sondages - face à l’opinion du journaliste, lequel parfois - mais ce n’est pas toujours le cas - prend « position » sur cette information « brute » et « originale » ou « originelle ». Le grand avantage de cette porte ouverte aux commentaires est d’attirer l’internaute sur le site car il se sent « acteur » et « faiseur d’information ». Au passage, les statisticiens des agences publicitaires auront calculé les probabilités relatives aux nombres de clics sur leurs petits messages de plus en plus sophistiqués afin de définir leur stratégie avec l’idée que plus l’internaute restera sur le site plus il y a de chance qu’il finisse par cliquer sur une publicité.

L’ouverture des sites Internet aux blogs est conditionnée quant à elle à un autre principe. Celui, non plus du superficiel ou du vite fait, mais de l’analyse, de l’information apportant une valeur complémentaire aux articles des journalistes « attitrés » dans l’idée que ces blogs construisent progressivement un « contenu informatif » certes différemment des articles classiques, plus proche du narratif ou de l’avis personnel, mais qui en raison de leur « originalité » vont créer du sens auprès d’un certain lectorat, lequel n’est pas forcément celui du site principal auquel ses blogs sont rattachés. Ici, la stratégie est donc d’attirer l’internaute par « ricochet ». Ainsi, on trouve attaché au site de Libération un psychiatre responsable de l’unité de thérapie familiale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, de nouveaux élus, un passionné de cinéma agissant sous le pseudo de Le Cinoque alias Edouard Waintrop, et bien d’autres. Sur le site du journal Le Monde, le style est différent mais l’objectif est le même : donner l’occasion à l’internaute qui se « promène » de « tomber » sur une information plus personnelle et qui quelque part sonnera plus « vraie » : on y trouve un professeur de géographie, un site écolo tenu de manière « anonyme », la Biosphère, le blog des correcteurs du Monde très intéressant, et bien d’autres. Ailleurs, on trouve plus des blogs de journalistes ou de personnalités connues et participant régulièrement à l’édition papier, tel le site de L’Express : Ze French, le blog de Christophe Barbier, le blog de Jacques Attali intitulé « Conversations avec...  ». Certains d’entre eux sont soit indépendants, soit travaillent pour plusieurs journaux et participent parfois à des sites dits « médias citoyens » comme Agoravox telle Hélène Constanty. Le phénomène est donc maintenant très largement répandu mais toujours dans cette volonté d’attirer autour du site principal une multitude d’autres intervenants qui vont donner une orientation « originale » à partir d’une information ou d’un point de vue qui leur est personnel.

Dans cette perspective, l’annonce faite par Google sur le fait que quatre grandes agences de presse - l’Agence France presse (AFP) et l’américaine Associated Press, l’agence britannique Press Association (PA), l’agence canadienne The Canadian Press - viennent de conclure avec Google un contrat qui va permettre à ces fournisseurs d’information d’être rémunérés en contrepartie de la diffusion de leurs contenus via l’agrégateur d’informations Google News correspond à une démarche qui relève du même principe : « prendre » ou « accéder » à l’information brute « originale » ou « originelle ».

Mais ce faisant, si Google News « pactise » manifestement avec les agences de presse dont l’intérêt est effectivement de voir les flux d’internautes se diriger vers leurs sites et non vers des sites se contentant de reproduire textuellement le flash de l’agence de presse (contrairement à ce que l’on voudrait bien nous faire croire, cette pratique n’est pas le seul « apanage » du blogueur fainéant, fatigué ou en manque d’inspiration, mais aussi de médias tout à fait « sérieux », il suffit de lire les titres des brèves sur différents sites pour s’en convaincre), l’agrégateur d’informations de Google pose par là une question fondamentale résumée par un commentaire laissé suite à l’article de Christophe Alix, journaliste à Libération : « Google News : prime à l’original  » : mais où est l’information ?

Qu’est-ce que l’information ? Qu’est-ce qu’une information originale ? Le fait brut constitue-t-il une information en soi ? Ne confondons-nous pas « originale » avec « originelle » ? Et au final, nous pouvons nous demander où est l’information. De là, on en revient au rôle du journaliste dont le métier est (si je ne me trompe pas mais je ne suis pas journaliste) de « digérer » l’information et de lui donner du sens. Certes, il arrive fréquemment que par ce biais, le journaliste « masque » une partie de l’information ou l’oriente mais n’est-ce pas là son travail ? Au lecteur de ne pas être dupe de ce tour de passe-passe, car s’il est une chose dont nous pouvons être certains c’est que l’information « vraie » n’existe pas en tant que telle. Tout dépend de la subjectivité de celui l’édite, de celui qui la lit et de celui qui la commente. Un site comme celui d’Agoravox, dont le principe même est au coeur de ces enjeux en se définissant comme média citoyen, produit-il ainsi de l’information ?

Merci en tout cas à TourdeFrance pour son commentaire qui m’a inspiré cette brève originale, j’espère. Et merci à Christophe Alix dont le titre de son article m’a tout autant inspiré...

« Le bon côté du Google News actuel c’est que, en renvoyant vers des articles de presse, il donne de l’épaisseur à l’information. La dépêche d’agence doit être reliée à une situation, ou replacée dans une réflexion, pour avoir du sens. C’est d’ailleurs la raison d’être pour un journal comme Libération. Le slogan "Prime à l’original" n’est qu’un cache-misère, il invite à l’illusion que le fait brut c’est de l’information. » (Source : commentaire en réaction à l’article de Christophe Alix)


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