Il fait sa mauvaise tête ...
par C’est Nabum
jeudi 1er octobre 2015
Caliméro vous salue bien
Certainement pas sur l'affiche !
Ils ne cessent de lui répéter qu'il fait sa mauvaise tête. La belle affaire que voilà ; à croire qu'il puisse avoir à sa disposition une autre tête pour les bons jours, une tête de rechange ou bien une tête de lecture pieuse. Sa trombine ne leur revient pas, c'est d'ailleurs pourquoi ils évitent de l'étaler dans leurs colonnes ou de lui tendre un porte-voix. Une parole sans retenue est trop risquée au pays des hypocrites et des jocrisses.
Ils ont mis sa tête à prix : un prix au rabais certainement, vu le peu de cas qu'ils font de cette tête de cochon. Il est curieux qu'ils ne cessent, de se payer sa gueule, de se gausser de ce curieux âne bâté qui dit tout haut ce qu'il conviendrait de braire. C'est sa langue qui est trop pendue, c'est la tête qui devrait suivre le même traitement, haut et court comme au temps des jolis lynchages qui fédéraient une communauté autour d'un bouc émissaire.
Le mât de misaine est tout indiqué pour lui faire des misères et lui faire enfin découvrir les secrets des nœuds marins. Une cravate de chanvre et le soufflé retombe sur les mots qui vont au vent mauvais d'une histoire obligée se plier à la farce qu'il convient d'exposer à la foule en délire. Les têtes de loups ne sont plus de mer, les coups de tabac tombent sur le coup de la loi Évin ; nulle échappatoire pour celui qui ne veut pas d'une tradition qui s'offre la tête du client et surtout sa bourse. Il sera mis en charpie celui qui souffle le vent de tempête…
Les seules cordes qui sont les siennes sont vocales ; il convient de lui couper le sifflet, de couvrir son savant babil par des propos sans fondement : une histoire revisitée par des marchands et des histrions de contrefaçon. Il est urgent de dresser un nouveau bûcher pour qu'il s'y brûle les ailes. Sur la croix plantée en son milieu, on lui clouera le bec pour le plus grand bonheur des thuriféraires de l'illusion factice ; on attisera les flammes de quelques poignées de sel.
Voilà qu'il est reparti, mais quand fera-t-il silence ? Les mots se plient à sa fantaisie et c'est toujours au détriment des gens importants : ces si respectables personnages qui ne tolèrent qu'une tête dans les rangs. Un autre a touché une corde sensible, en quelques touches maladroites, il a déclenché la colère des maîtres de céans, son soufflet a attisé les braises qui ont mis le feu aux poudres. Il fut banni lui aussi, l'eau ne coule que dans le sens de l'histoire sous les ponts de par ici.
Les têtes vont tomber dans un panier d'osier : c'est l'époque des champignons. Ce n'est pas le pied pour les rebelles et les pirates : une discipline de fer règne sur le pont et les soutes sont pleines de renégats et de proscrits. Il faut bien avoir en tête que l'ordre et la docilité sont les plus sûrs garants de la bonne marche du navire. Nul ici ne songe à virer de bord ; les souffleurs de vent n'ont pas leur place ici.
Ne coupez pas les cheveux en quatre, l'humour vous défrise tout autant que la liberté. Point de rébellion ni de mutinerie sur le radeau de votre méduse. Les flots sont lisses, le décor est factice, les marins dociles et la tête se gondole sur votre foire commerciale. Tapez-vous bien sur le ventre, riez et chantez, buvez et braillez tout votre saoul pourvu que ce soit bien graveleux, gentiment coquin, grassement grivois. Mais diantre, ne cherchez pas à faire des histoires ou même à vouloir en dire qui sortent du cadre figé dans un décor de pacotille.
Il faut mettre son mouchoir dans sa poche et le voile sur la mauvaise tête ; il convient de présenter un décor de carton-pâte et non une certaine idée d'un passé qui doit se plier aux exigences d'une légende dorée. La pilule est trop dure à avaler pour celui qui a sa tête des jours mauvais : il ne peut avaler sa salive et sa dignité pour se plier à la fiction qui sert vos intérêts.
Vous lui avez cherché des poux dans la tête, elle lui gratte, et le démange et il ne peut s'empêcher de vous tirer une langue qui n'est pas de bois, de vous faire une gueule qui fait six pieds de long pour le paiement des têtes qui se tournent, des oreilles qui se bouchent et des langues qui lui font le pied de nez.
Obscurément vôtre.