Imaginer la licence globale

par Goldy
mercredi 11 avril 2007

Rêvons un peu. Suite à un commentaire dans l’article publié sur Agoravox de Pelletier Jean intitulé Défendre la copie privée, c’est défendre le droit des artistes, j’ai souhaité ouvrir une petite réflexion sur la licence globale, cette fameuse licence qui permettrait à tous, contre un paiement forfaitaire, d’accéder librement à la culture sur internet. Hors, comment réaliser un système qui soit à la fois équitable et économiquement viable ? J’ai personnellement ma petite idée.

Très tentant cette licence globale, pour beaucoup de gens, elle permettrait enfin de se débarrasser des tracasseries du droit d’auteur et assurerait à qui possède une connexion internet, l’accès libre et sans limite à la culture. Inspiré en grande partie de la licence globale radiophonique, elle permet aux stations de radio de diffuser n’importe quel morceau de musique contre un paiement forfaitaire.

L’idée semble simple, les internautes payent une somme tout les mois, cette somme étant ensuite reversé aux aillant-droits. Or, se pose alors un problème simple qu’est la répartition. C’est un soucis qui se pose aujourd’hui déjà avec la rémunération sur la copie privé. Cette taxe imposé sur tout les média vierges vendu en France est redistribué à 75 % aux artistes, interprètes et producteurs, et à 25 % pour le financement d’événements culturels. La méthode de redistribution est basé sur la vente de supports physiques et de diffusions radio, on estime alors que plus un auteur vend de disque et plus il passe à la radio, plus il est copié, donc plus la part à laquelle il a le droit est importante. Seulement, le nombres d’artistes touchant cette rémunération ne va pas plus loin que les 10 premiers du top 50i.

Si cela pouvait être une idée pour la redistribution de la licence globale, nous pouvons donc oublié cette méthode basée par rapport aux ventes de supports physiques, non seulement une petite quantité d’artistes risqueraient de toucher la quasi-totalité de cette redevance, et dans un monde où le support physique ne serait plus qu’un produit faiblement consommé que par une poignet de personnes attachées à l’objet, il ne serait plus évident de savoir qui vend le plus, et bien entendu, exclurait tout les artistes qui ne vendent pas de disques physiques. Cette méthode de redistribution est actuellement défendue dans le programme du Front National.

Seconde possibilité de redistribution, la quantité d’échange. C’est la méthode qui semble au premier abord être la plus équitable.

Imaginons que nous voudrions connaître le volume d’échange d’un fichier musical, on va se heurter à un grand nombre de problèmes :


1. La diversité des protocoles d’échange

Il est possible aujourd’hui de s’échanger de la musique par un très grand nombre de vecteurs différents, que ça soit par peer2peer, par email, par téléchargement sur un site web, par serveur FTP, ou bien encore par échange de CD gravés ou autres clés USB. Tout ces vecteurs sont à prendre en considérations si l’on souhaite mettre en place un système équitable au plus juste, or, il est techniquement très difficile, voir impossible, de surveiller le réseau de manière conventionnelle sous plusieurs protocoles différents, et si ce dernier devient crypté, alors la surveillance devient inexploitable.


2. La multiplications des fichiers et formats

Un autre soucis également qui s’ajoute au premier est la multiplicité des formats de fichiers ainsi que les différentes copies. Pour identifier un fichier sur un réseau il existe une méthode standard qui est l’empreinte numérique. On l’appelle CRC ou hash, selon l’algorithme utilisé, il se présente sous la forme d’un code de chiffre et de lettre qui est quasi-unique pour chaque fichiers. Or, imaginons que nous analysons le réseau sur les bases d’une base de données contenant des empreintes pour identifier les chansons, deux encodages d’une même chanson en mp3 ne donneront pas la même empreinte, donc impossible via cette méthode de savoir qui échange quoi.

Mais il existe une solution, l’empreinte sonore, basé sur le même principe mais en utilisant le contenu du fichier (à savoir la musique), plutôt que le fichier en lui même (les données binaires qui le constituent). C’est la méthode utilisé depuis longtemps pour analyser les diffusions des radios FM, redistribuer la licence globale de ces dernières et aussi voir si elles respectent leurs quotas de diffusions.

3. Le respect de la vie privée

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’apporter plus de précision à ce quoi engagerait, sur le plan de la vie privée, une surveillance totale d’internet.


4. Le cout

Imaginons qu’on arrive à mettre en place un système de surveillance totale dans l’unique but de savoir qui s’échange quoi et de redistribuer dans des proportions équitables la licence globale, alors les coûts engendrés par une telle chose seraient tellement important que le montant même de la licence globale ne permettrait pas de couvrir la dépense.

Cela apporte également une réflexion sur la diversité, si nous privilégions un mode de redistribution simple comme celui que je viens d’énoncer basé sur la quantité d’échange, nous risquerions alors de privilégier très fortement les blockbusters de la part des majors du disque qui risqueraient de formater encore plus leurs productions de manière à ce que celle-ci s’échangent le plus, en plus grands nombres, en laissant alors réellement tomber les artistes au public plus restreint dont les bénéfices financiers seraient proche du zéro absolu.

Du coups, on risque alors de réellement porter un coups dur à la diversité, détruisant les indés, la musique risquant de n’être réellement rentable que si elle plaît « à tout le monde ».

Alors comment réaliser un système de rémunération vraiment équitable, qui ne risque pas de faire plus de mal à la culture qu’il n’est censé la rendre accessible à tous ?

Il existe une dernière forme possible, nous la connaissons tous si nous payons des impôts, il s’agit d’un système déclaratif.

J’en vois certain conspuer, qui voudrait déclarer ses téléchargements tout les mois ? C’est n’importe quoi ! Mais... mais laissez moi terminer... Il serait possible d’utiliser une méthode que j’ai décris plus haut pour automatiser la chose, l’empreinte sonore.

L’idée serait alors que toute personne soumise à la licence globale soit tenue de déclarer à intervalle régulier les morceaux dont il a pris possession, et pour cela, un outil facultatif lui serait mis à disposition. L’outil pourrait prendre la forme d’un logiciel à installer sur le ou les ordinateurs de la personne qui aurait comme fonction d’écouter les fichiers présents sur le disque dur de l’utilisateur. De cette écoute résulterait une empreinte correspondant au contenu sonore du fichier, le logiciel se synchroniserait alors à une base de donnée contenant la totalité des empreintes communiquées par les aillant-droits souhaitant bénéficier de la licence globale (une telle liste existe déjà pour d’autres applications).

Cela aurait pour intérêt d’être extrêmement simple et transparent pour l’internaute, il sait proportionnellement à qui va être redistribué le montant qu’il paie et pourra même s’il le souhaite, enlever certains artistes de la listes dont-il ne souhaite pas conserver les fichiers au delà de leur première déclaration, au plus aura-t-il à déclarer quelques morceaux supplémentaires qu’il aura éventuellement acquis hors ligne directement dans le logiciels. Et un respect de la vie privée, tout fichiers audio qui seraient personnels ne représenteraient qu’un code à partir duquel il serait impossible de recréer le contenu.

Le logiciel serait bien entendu opensource et portable sur toute les plate-formes existantes, windows, mac ou bien linux.

« D’accord, avec cette méthode, on peut savoir qui télécharge quoi, mais cela ne règle pas le problème de la diversité abordé plus haut. » Justement, j’y viens.

Comment faire alors pour éviter que par cette méthode le top 50 ne rafle 98% du montant de la licence globale, laissant sur la paille des artistes plus modestes mais aillant droit à leur part du gâteau ?

L’idée que je vais avancer est expérimental, j’invite donc au débat dessus. L’idée serait d’imaginer un système de proportions de pourcentage entre les blockbusters et les autres. Pour aller vite, plus un artiste est téléchargé, plus le pourcentage de redistribution locale diminue.

Pour donner un exemple clair, imaginons que sur mon disque dur j’aie 3 morceaux, un titre de la star’ac, très téléchargé, un morceau d’un groupe de rap underground, succès correct auprès d’un public plus ou moins conséquent, et un autre d’un groupe amateur n’aillant aucune prétention de vente, mais diffusant leur morceau sous licence globale.

Imaginons pour l’exemple que le montant de la licence globale soit de 9 €. Dans un système dit équitable, le montant de ma licence serait alors redistribué à 33 % chacun, donc 3 euro pour tous. Or, l’idée serait de redressé les parts de manière à ce que ceux qui sont le plus téléchargés touchent un pourcentage inférieur à ceux qui le sont nettement moins. Ainsi, ce résultat multiplié par le nombres d’internautes permettrait de réduire l’impacte des blockbusters et ainsi permettre à des artistes plus modeste de toucher une part suffisamment conséquente de la licence globale pour que cela soit rentable pour eux.

Ainsi, les très gros blockbusters gagneraient moins pour permettre à d’autres artistes de pouvoir vivre de leur musique.

Il est également possible d’imaginer un système permettant d’ajuster automatiquement dans des proportions raisonnables le montant de la licence globale en fonction du nombre d’échanges, qui permettrait de mettre en place un système de barème que l’on pourrait respecter et qui serait plus sûr que l’autre méthode.

Ainsi, avec cette licence, non seulement il pourrait être possible de sauver la diversité, mais en plus de permettre à des gens qui ne vivaient pas de leur musique auparavant d’envisager un circuit professionnel. Après, c’est débats économiques et calculs compliqués qui sont bien en dehors de ma porté de simple internaute.

i Il s’agit d’une estimation, les sociétés chargée de collecter la redevance à la copie privée redistribuent les sommes aux sociétés de gestions collective de droit comme la SACEM qui font leur propre tambouille selon les chiffres de diffusions radio et de ventes de disques. http://www.scam.fr/Telecharger/DocumentsAdministratifs/ReglesRepartitions/TCH_redevance_cp.pdf


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