Internet et présidentielle 2007 : au coeur de l’activisme politique en ligne (2)
par Yves-Marie Cann
mercredi 9 janvier 2008
Après l’état des lieux des activités politiques pratiquées sur la toile, voici notre deuxième article consacré au bilan de la netcampagne présidentielle : le profil de l’activisme politique sur Internet. Cette analyse est réalisée à partir des données reccueillies lors de l’enquête post-élection présidentielle à laquelle 1522 visiteurs du site www.election-presidentielle.fr avaient répondu à l’issue du scrutin.
Au-delà de leurs pratiques, qu’en est-il du profil des activistes politiques en ligne ? La classification en trois groupes opérée précédemment (cf. mon article précédent) selon le nombre d’activités politiques pratiquées sur la toile apporte de précieux éclaircissements et vient confirmer les éléments déjà perceptibles dans plusieurs enquêtes réalisées ces derniers mois.
D’un point de vue sociodémographique, professionnel et culturel, la probabilité de manifester un activisme politique en ligne élevé à l’occasion de l’élection présidentielle apparaît d’autant plus forte que l’internaute est un homme, issu des catégories socioprofessionnelles supérieures et titulaire d’un diplôme supérieur au niveau bac+2. En revanche, on n’observe pas d’écarts significatifs en termes d’âge ou de situation professionnelle.
En toute logique, l’activisme politique sur la toile apparaît principalement déterminé par l’intérêt exprimé pour la politique. On dénombre en effet 77% d’internautes s’intéressant « beaucoup » à la politique au sein du groupe manifestant un activisme politique élevé, contre 57% dans celui dont l’activisme est le plus faible.
Fait particulièrement intéressant, un activisme politique fort sur la toile s’accompagne d’un dynamisme politique comparable en dehors de celle-ci. Certes, la quasi-totalité des internautes ont parlé de la campagne avec leurs proches, indépendamment de leur degré d’activisme (activisme politique faible : 95% ; activisme politique modéré : 98,5% ; activisme politique fort : 100%). On observe toutefois d’importantes variations pour les autres activités testées : la majorité (60%) des participants à l’enquête manifestant un activisme fort ont assisté à une réunion ou un meeting lors de la campagne contre moins d’un cinquième (17%) des internautes dont l’activisme politique a été faible. De même, les premiers ont davantage tenté que les seconds de convaincre un de leurs proches de voter comme eux (94% contre 64%) et tendent à revendiquer une participation plus soutenue aux scrutins électoraux : 94% affirment avoir participé à toutes les élections depuis qu’ils sont en âge de voter contre 84%.
Le noyau dur de l’activisme politique en ligne apparaît donc étroitement lié à un activisme tout aussi élevé hors de l’Internet. Cela pourrait notamment s’expliquer par la présence de nombreux militants au sein de ce groupe. C’est en tout cas ce que laisse supposer la proportion d’internautes y affirmant être proche d’un parti ou d’une formation politique (78%), supérieure de 33 points à celle observée parmi le groupe manifestant l’activisme le plus faible.
Très intéressés par la politique, pratiquant des activités politiques à la fois « on » et « off line », fortement mobilisés lors des scrutins électoraux, les internautes manifestant l’activisme le plus élevé apparaissent également comme les plus intégrés au système politique français. Ainsi, l’opinion selon laquelle les hommes politiques sont honnêtes et/ou se préoccupent de ce que pensent les gens comme eux atteint chez ce public ses scores les plus élevés (quoique minoritaires). De plus, une majorité s’oppose à l’affirmation selon laquelle « les notions de gauche et de droite ne veulent plus dire grand-chose » alors que les jugements s’avèrent nettement plus partagés dans le groupe manifestant l’activité politique la plus faible au cours de la campagne présidentielle.
Les différences s’avèrent en revanche nettement moins perceptibles sur le plan des valeurs socio-économiques et culturelles. A titre d’exemple, le degré de confiance en l’avenir apparaît majoritairement positif dans chaque groupe (environ 60% des répondants). De même, chacun comprend une majorité d’internautes soutenant l’idée selon laquelle « l’Etat devrait accorder davantage de liberté aux entreprises ». Les trois sous-populations se rejoignent également sur la nécessité de mieux faire respecter l’autorité et rejettent majoritairement une éventuelle légalisation de la consommation du cannabis en France (avec toutefois une proportion d’internautes favorables à cette mesure légèrement plus élevée chez les internautes les plus actifs). Enfin, les participants à l’enquête font preuve d’un libéralisme culturel élevé quel que soit leur groupe d’appartenance : près de 80% des répondants considèrent que l’homosexualité est une façon acceptable de vivre sa sexualité.
Enfin, certaines questions cherchaient à déterminer les croyances associées à l’Internet en matière politique. Si les participants à l’enquête témoignent fréquemment d’une vision positive de l’Internet, certains écarts s’avèrent saisissants. Ainsi, plus l’activisme politique des répondants est élevé et plus ils tendent à créditer l’Internet de vertus démocratiques symbolisées par une plus grande transparence de l’information et une influence accrue des citoyens sur les affaires publiques. A titre d’exemple, 88% des internautes les plus actifs politiquement sur la toile estiment qu’avec Internet « on peut savoir plus facilement ce que l’on nous cache », soit un score supérieur de 20 points à celui observé auprès des internautes dont l’activisme politique a été faible au cours de la campagne présidentielle. De même, 76% des premiers considèrent que « les citoyens peuvent avoir plus d’influence politique » avec l’Internet contre 46% des seconds. Seule exception : la dangerosité potentielle d’Internet pour les plus jeunes, mise en exergue par 55% des internautes ayant été peu actifs sur la toile l’est aussi par une minorité non négligeable des plus actifs (44%).
Les activistes politiques sur la toile s’avèrent à bien des égards proches de ceux manifestant une activité politique tout aussi intense en dehors de l’espace numérique. L’analyse des résultats invite d’ailleurs à supposer sans grand risque qu’il doit s’agir fréquemment des mêmes individus, fréquemment prescripteurs d’opinion auprès de leur entourage. Surtout, s’ils expriment une vision enchantée de l’Internet politique, ils apparaissent nettement plus intégrés au système politique national que les internautes manifestant un activisme moindre.
(1) Une enquête comparable sera réalisée à l’occasion des élections municipales auprès d’un panel d’internautes volontaires via le site www.elections-municipales.net
A suivre...