Intox sur France 2 : Bigard et Kassovitz face à de « soi-disant » journalistes

par William Castel
jeudi 29 octobre 2009

Pour discréditer une étude du scientifique Niels Harrit, le journaliste Hervé Gattegno a usé d’un argument fallacieux. Mathieu Kassovitz le lui a fait remarquer en direct. Mais Gattegno a campé sur sa position, assurant qu’il basait son attaque sur la lecture même de l’étude de Harrit.

Guillaume Durand organisait, mercredi en fin de soirée, dans son émission L’objet du scandale, un débat sur le 11-Septembre. Préalablement conçu pour accueillir Jean-Marie Bigard, Mathieu Kassovitz, le scientifique danois Niels Harrit et le grand reporter Eric Laurent, mis aux prises, on pouvait l’imaginer, avec plusieurs contradicteurs, il s’est finalement résumé à un affrontement houleux - et disons-le tout net, sans aucun intérêt - entre les deux saltimbanques et deux journalistes, Frédéric Bonnaud et Hervé Gattegno, chef du service investigation au Point, conseiller éditorial de l’émission.
 
Exit les spécialistes, Harrit et Laurent, désinvités pour éviter, selon les propres mots de Guillaume Durand, "la bataille d’experts !" Alors que c’est précisément ce que nombre de gens attendent aujourd’hui ! Le producteur de l’émission Stéphane Simon déclarait lui aussi, chez Jean-Marc Morandini, ne pas vouloir proposer "une querelle de spécialistes". Et à la question de Morandini "vous ne risquez pas de mettre le doute Stéphane Simon ce soir ?", il répondit, très clairement : "Je ne crois pas, au contraire... je ne pense pas qu’à l’issue de l’émission on pourra se dire que le doute plane." Le débat était donc biaisé d’entrée, le but étant d’imposer une vision des choses ; d’où la nécessité d’exclure les invités les plus compétents, Eric Laurent et Niels Harrit.
 
 
Mais venons-en au coeur du scandale, lorsque justement les deux journalistes questionnent les deux comédiens sur les détails scientifiques de l’étude de Niels Harrit, qui n’est donc pas là pour répondre lui-même, et sur lesquels Bigard et Kassovitz sont, comme ils le reconnaissent eux-mêmes fort honnêtement, incapables de répondre. Rappelons que cette étude prétendait montrer la présence de nanothermite dans les poussières du World Trade Center. Hervé Gattegno va, pour décrédibiliser l’étude du scientifique absent, sortir un argument massue. Il affirme que les prélèvements réalisés par celui que Durand avait déjà qualifié, au préalable, de "soi-disant scientifique" avaient été effectués entre 2006 et 2008 ! Ce qui les rendait bien sûr inexploitables, compte tenu de toutes les altérations qu’ils avaient pu subir en cinq ans. Extrait :
 
Gattegno : "Alors il faut savoir, vous avez lu l’article, sans doute, comme moi, et donc vous avez découvert dans cet article que les prélèvements sur les poussières du World Trade Center qu’il invoque datent de 2006 à 2008, c’est-à-dire qu’on est allé prélever dans les poussières, ou dans ce qu’il en reste, 5 ans, 6 ans, 7 ans [protestation de Kassovitz]... si si, parfaitement, c’est écrit dans l’article..."
Kassovitz : "Ils ont analysé en 2005, elles ont été récupérées, certaines le jour même, le lendemain, d’autres deux semaines après..."
Gattegno : "Non, non, pas du tout, c’est faux, c’est inexact, ce que vous dites est inexact, les prélèvements, c’est écrit dans l’article, de 2006 à 2008, c’est-à-dire des années après..."
 
Ce grand moment a lieu à la 35e minute de cette vidéo :
 


La contestation de Kassovitz pesait sans doute bien peu pour le public face à la confiance qu’inspire un journaliste du Point, à la conscience professionnelle irréprochable, et qui, lui, est allé à la source de l’information pour la vérifier.
 
La voici justement, la source de l’information : l’article Active Thermitic Material Discovered in Dust from the 9/11 World Trade Center Catastrophe, publié le 3 avril 2009 dans la revue The Open Chemical Physics Journal. Inutile de lire toute l’étude, l’origine des échantillons prélevés par Harrit et son équipe de huit chercheurs est en effet abordée dès le tout début. Gattegno n’a pas eu à aller très loin pour réaliser son scrupuleux travail de journaliste d’investigation. Pour les non anglophones, "dust" signifie "poussière", "sample" signifie "échantillon" ou "prélèvement". L’essentiel est mis en gras et n’est pas trop difficile à comprendre (voici un dico au cas où), et je l’explicite en français juste après. En rouge, j’ai marqué les dates des différents prélèvements étudiés par les scientifiques.
 
Page 8, un résumé :

MATERIALS AND METHODS

1. Provenance of the Samples Analyzed for this Report

In a paper presented first online in autumn 2006 regarding anomalies observed in the World Trade Center destruction [6], a general request was issued for samples of the WTC dust. The expectation at that time was that a careful examination of the dust might yield evidence to support the hypothesis that explosive materials other than jet fuel caused the extraordinarily rapid and essentially total destruction of the WTC buildings.

It was learned that a number of people had saved samples of the copious, dense dust, which spread and settled across Manhattan. Several of these people sent portions of their samples to members of this research group. This paper discusses four separate dust samples collected on or shortly after 9/11/2001. Each sample was found to contain red/gray chips.
 
Page 9, le détail :
 
The earliest-collected sample came from Mr. Frank Delessio who, according to his videotaped testimony [17], was on the Manhattan side of the Brooklyn Bridge about the time the second tower, the North Tower, fell to the ground. He saw the tower fall and was enveloped by the resulting thick dust which settled throughout the area. He swept a handful of the dust from a rail on the pedestrian walkway near the end of the bridge, about ten minutes after the fall of the North Tower. He then went to visit his friend, Mr. Tom Breidenbach, carrying the dust in his hand, and the two of them discussed the dust and decided to save it in a plastic bag. On 11/15/2007, Breidenbach sent a portion of this dust to Dr. Jones for analysis. Breidenbach has also recorded his testimony about the collection of this dust sample on videotape [17]. Thus, the Delessio/Breidenbach sample was collected about ten minutes after the second tower collapsed. It was, therefore, definitely not contaminated by the steelcutting or clean-up operations at Ground Zero, which began later. Furthermore, it is not mixed with dust from WTC 7, which fell hours later.

On the morning of 9/12/2001, Mr. Stephen White of New York City entered a room in his apartment on the 8th floor of 1 Hudson Street, about five blocks from the WTC. He found a layer of dust about an inch thick on a stack of folded laundry near a window which was open about 4 inches (10 cm). Evidently the open window had allowed a significant amount of dust from the WTC destruction the day before to enter the room and cover the laundry. He saved some of the dust and, on 2/02/2008, sent a sample directly to Dr. Jones for analysis.

Another sample was collected from the apartment building at 16 Hudson Street by Mr. Jody Intermont at about 2 pm on 9/12/2001. Two small samples of this dust were simultaneously sent to Dr. Jones and to Kevin Ryan on 2/02/2008 for analysis. Intermont sent a signed affidavit with each sample verifying that he had personally collected the (nowsplit) sample ; he wrote :

“This dust, which came from the ‘collapsed’ World Trade Center Towers, was collected from my loft at the corner of Reade Street and Hudson Street on September 12, 2001. I give permission to use my name in connection to this evidence”. [Signed 31 January 2008 in the presence of a witness who also signed his name].

On the morning of 9/11/2001, Ms. Janette MacKinlay was in her fourth-floor apartment at 113 Cedar St./110 Liberty St. in New York City, across the street from the WTC plaza. As the South Tower collapsed, the flowing cloud of dust and debris caused windows of her apartment to break inward and dust filled her apartment. She escaped by quickly wrapping a wet towel around her head and exiting the building. The building was closed for entry for about a week. As soon as Ms. MacKinlay was allowed to re-enter her apartment, she did so and began cleaning up. There was a thick layer of dust on the floor. She collected some of it into a large sealable plastic bag for possible later use in an art piece. Ms. MacKinlay responded to the request in the 2006 paper by Dr. Jones by sending him a dust sample. In November 2006, Dr. Jones traveled to California to visit Ms. MacKinlay at her new location, and in the company of several witnesses collected a second sample of the WTC dust directly from her large plastic bag where the dust was stored. She has also sent samples directly to Dr. Jeffrey Farrer and Kevin Ryan. Results from their studies form part of this report.

Another dust sample was collected by an individual from a window sill of a building on Potter Street in NYC. He has not given permission for his name to be disclosed, therefore his material is not included in this study. That sample, however, contained red/gray chips of the same general composition as the samples described here.
 
On lit donc que les quatre prélèvements de poussières ont été réalisés les 11 et 12 septembre 2001. On lit encore qu’un premier article traitant des anomalies de l’effondrement des tours a été publié en 2006, et que c’est à cette occasion qu’un appel a été lancé auprès des lecteurs qui disposaient d’échantillons de poussières du WTC. Cet appel visait à confirmer expérimentalement l’hypothèse selon laquelle des explosifs auraient pu être utilisés. Autre épisode datant de 2006 : la visite de Steven Jones, l’un des co-auteurs de l’étude, à l’un des détenteurs de poussières, qui lui avait déjà envoyé un échantillon, et qui lui en cédera un autre (conservé dans un sac plastique) à ce moment-là. C’est donc la collecte des prélèvements qui a commencé en 2006 (et qui s’est poursuivie jusqu’en 2008), mais pas les prélèvements eux-mêmes, qui datent des premières heures post-attentats.
 
Mathieu Kassovitz, à quelques approximations près, avait donc raison. Et Gattegno, lui, qui prétendait avoir lu l’article de Harrit, avait tout faux. Soit donc Hervé Gattegno ment, soit il ne sait pas lire... soit il a mal compris ce qu’on lui soufflait dans son oreillette. En effet, durant l’émission, Gattegno perdit son oreillette... On se demande bien à quoi elle pouvait lui servir... Si Durand qualifiait Harrit de "soi-disant scientifique", on est en droit de se demander si lui-même, Gattegno et Bonnaud ne pourraient pas être qualifiés de "soi-disant" journalistes.
 
Toute l’émission mériterait sans doute d’être analysée et critiquée, car les erreurs ne se limitent pas à celle qu’on a mise à nu ici. On en relèvera une seule autre, lorsque Guillaume Durand prétendit qu’aucun homme politique ou journaliste américain ne partageait les doutes de ses invités. On le renverra au site Patriots Question 9/11. Il y découvrira un nombre considérable de politiques américains, et même des journalistes, qui ont émis des doutes sur la version officielle du 11-Septembre et réclamé une vraie enquête.
 
L’une de ces politiques était d’ailleurs récemment à Paris, en compagnie de Niels Harrit : il s’agit de Cynthia McKinney, ancienne représentante démocrate, pendant douze ans, au Congrès américain et candidate aux élections présidentielles de 2008 pour le parti des Verts. La Télé Libre de John Paul Lepers a rendu compte de sa visite à la mairie du IIe arrondissement de Paris.
 
 
 ***
 
Mise à jour : Jeudi midi, Jean-Marie Bigard est intervenu dans L’Edition Spéciale de Canal Plus. Il a expliqué en quoi il avait été piégé par Guillaume Durand et son équipe. Il a déploré que Niels Harrit et Eric Laurent aient été désinvités 48 heures avant l’émission, pour ne laisser place qu’à deux people, qui posaient sans doute moins de problèmes et suffisaient pour assurer l’audimat. Le vrai débat contradictoire qu’il continue d’appeler de ses voeux est un débat entre experts, et pas entre people et journalistes manifestement très ignorants du sujet.
 
Auparavant, c’est Frédéric Bonnaud qui a réagi à sa prestation de la veille, qualifiant au passage Bigard et Kassovitz d’illuminés et leurs propos d’absurdités. Il s’est réjoui d’avoir créé le clash, qui a empêché les deux comédiens de pouvoir parler trop librement. Un moindre mal, selon lui.
 
Enfin, l’inénarrable Bruce Toussaint a loué les mérites de Hervé Gattegno, "grand journaliste d’investigation du Point, qui avait des arguments extrêmement fiables, qui a démonté la plupart des doutes de ces deux personnalités..." On a vu la qualité du principal argument trouvé par Gattegno pour couler Niels Harrit... Une belle intox !
 

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