Je suis allé voir « Merci Patron »

par Croa
mardi 5 avril 2016

Ça raconte une histoire mais ce n'est pas du roman. Comme ça raconte une histoire ce n'est pas non plus un documentaire. Ce n'est pas vraiment un reportage bien que les personnages soient vrais car ils sont complices. Bref, ce film est à part, juste très révélateur des réalités de notre époque et c'est ça qui est important. La violence des rapports sociaux y est édifiante mais cela ne doit pas nous effrayer car, ainsi que le suggère le titre, tout cela finit bien. C'est donc finalement un film revigorant et plaisant. Les gens modestes y sont très authentiques et on ne peut que les aimer. Par ailleurs, « Poix-Du-Nord » ça existe vraiment !

 Le film est à l'Utopia de Bordeaux depuis la sortie du film et même avant puisque les bordelais ont eu droit en cette salle à une avant-première. L'Utopia est un cinéma un peu à part fréquenté, dit-on, uniquement par des bobos. À l'Utopia le film est un succès comme partout ailleurs en France sauf en Gironde où il n'est tout simplement pas au programme des salles à deux exceptions près... Pour le moment (enfin j'espère :  Rien n'était prévu sur le Bassin par exemple jusqu'à hier.) La gironde ce n'est pas prolo, enfin pas très et ça dépend où. Là, les organisateurs ont eu une drôle d'idée qui fut de programmer une séance avec débat à Léognan (!) un dimanche après-midi.
Précisons tout de suite à l'attention des non-girondins que Léognan c'est des vignes et des vins réputés mais qu'il n'y a que ça, que c'est plutôt petit comme patelin et assez loin de Bordeaux tout au bout d'une ligne d'autobus mal cadencée (Le tram ne va pas jusque là-bas bien que l'ancien tramway de Bordeaux, c'est à dire celui de l'avant-Chaban-Delmas, arrivait tout de même jusqu'à Léognan.)

Pour savoir qu'il y avait cette séance avec débat il fallait bien la chercher. Internet permet bien des choses mais ce qui ne saute pas à vous dès la première page d'un résultat de recherche, échappe à beaucoup de gens et c'était le cas. Moi le film je voulais vraiment aller le voir, de préférence à une de ces séances avec débats. Il se trouvait que j'avais déjà raté l'avant-première : Je n'était pas libre ce jour là. De toute façon, pour un non-bordelais se rendre à l'Utopia est assez galère ! Aussi, dès que j'ai su -je ne sais plus trop comment- que le film serait projeté à Léognan avec la présence de Sylvain Laporte, journaliste à Fakir, je réservai mon dimanche après-midi !


Léognan n'est pas tout près quand on habite le cœur du Bassin (aux non-girondins : Le cœur c'est quand on n'est ni d'Arcachon ou de ses environs - ça c'est le Sud-Bassin-, ni d'Andernos ou de ses environs - ça c'est le Nord-Bassin -.) Mais le chemin est assez direct. Ce n'est que de la route tranquille ; Il y a juste deux patelins à traverser dont Cestas avec les soubresauts de ses trois bosses, avec ses nombreux et renversants petits rond-points, mais tout cela n'est rien comparé aux embarras des vrais villes. Arrivé, rapidement donc, au Centre Culturel Georges Brassens, il y a tout ce qu'il faut pour garer l'automobile.

La séance a commencé avec le petit retard de rigueur en terres bordelaises (on appelle ça le quart d'heure bordelais mais celui-ci a duré moins de dix minutes.) Le public était assez clairsemé et les premiers rangs étaient totalement vides. C'est dommage car le film mérite d'être vu et qu'il y a peu de chance de le voir un jour autrement qu'en salle et en tout cas sûrement pas à la télé ( une personne qui en a exprimé le souhait au cours du débat nous a fait tous sourire !)

Je ne vais surtout pas vous raconter l'histoire : Cela ne se fait pas ! Mais je peux tout de même vous dire que le contenu en est détonant et détonnant - on peut dire les deux (!) - ou vous parler d'une création explosive et insolente ( C'est pareil.)
Ce film est même si dénonciateur de certaines réalités qu'il faudrait le cacher à tout prix. C'est ce que révèle entre autre le « scandale Renault » qui tourne abondamment actuellement sur la toile et autres réseaux (mais évidemment pas sur les médias "autorisés" !)

 Et aussi que ça ne s'arrange pas avec le développement de la sous-traitance ! Dans Merci Patron le prolétariat n'en est qu'à la case poubelle après exploitation directe. Aujourd'hui que les grosses boites exploitent les plus petites c'est bien mieux pour les grands patrons devenus ainsi totalement irresponsables. Votre patron vous tutoie mais le pouvoir suprême est ailleurs, quelque part dans une tour d'ivoire, hors de toute atteinte et au sommet d'une mafia structurée subtilement impitoyable.
Dans Merci Patron les choses finissent bien. Pour autant il ne faut pas exagérer et les réalités des rapports de classes demeurent. Aujourd'hui les classes ne sont pas de seulement deux sortes, bourgeoises ou prolétaires, mais en déclinaisons presque infinies même si celle qui se trouve au sommet n'est quasiment rien en nombre et limitée à quelques personnages hyper puissants. D'ailleurs y en a-t-il eu seulement deux déclinaisons un jour ?

Pour en revenir au film et en ce qui concerne l'accueil du public, Léognan est une exception je pense. De plus, cette exception me paraît toute relative car ceux qui sont tout de même venus sont repartis enthousiastes. Et si la Gironde est, au départ, une exception en ce qui concerne la faible diffusion du film, il paraît que cela tient au moins en partie du manque de demande des directeurs de salles. C'est en tout cas ce que nous a dit Sylvain à l'occasion du débat.
À ceux qui auraient le bras un peu long auprès de ces directeurs : Vous savez ce qu'il vous reste à faire !

 

Le film dans les salles métropolitaines.


Lire l'article complet, et les commentaires