Journalisme professionnel et journalistes citoyens

par Jean-Michel Aphatie
jeudi 22 novembre 2007

Assez régulièrement ces derniers temps, des articles que j’écris sur mon blog paraissent également sur Agoravox. Ces articles suscitent des commentaires dont la tonalité mérite quelques commentaires.

Voilà trois ans maintenant que je tiens un blog, inspiré de l’actualité et du traitement que j’en fais sur RTL, notamment à l’occasion de l’entretien que j’anime sur l’antenne, tous les jours, à 7 h 50. Parfois, les responsables d’Agoravox m’informent de leur décision de reprendre cet article et de le publier sur leur site. A quel moment cette pratique s’est-elle instaurée ? Je l’ai oublié. Pour ma part, j’observe dans l’affaire la plus grande passivité. Je ne demande rien, ne reçoit rien en retour, je le précise au passage, et me contente d’enregistrer le souhait émis par Agoravox. En revanche, et même si je n’y réponds pas, je suis attentif aux commentaires que suscitent mes articles sur Agoravox. D’où mon souhait, ce matin, de commenter les commentaires.

Je suis surpris, pas choqué, surpris, par la tonalité agressive des lecteurs des articles repris sur mon blog. Mal rédigés, vides, creux, sans intérêt, nuls, seraient les caractéristiques principales de ces écrits. Je m’étonne même que des gens qui détestent à ce point, c’est bien leur droit, prennent le temps et se donnent la peine de laisser un commentaire. En fait, et c’est bien cela qui est important, ce qui est refusé sur Agoravox, par des utilisateurs réguliers d’Agoravox, par des internautes visiblement attachés à Agoravox, c’est l’intrusion d’un journaliste professionnel dans un espace qu’ils estiment dédié au "journalisme citoyen".

En s’exprimant aussi durement à l’égard de mes papiers, de manière outrancière car si ces articles n’ont certes pas vocation à renouveler de fond en comble la pensée occidentale, ils ne sont pas non plus le désastre absolu que certains décrivent, ces internautes répètent la défiance, la rage, et pour tout dire le refus, qu’ils éprouvent de toute parole prétendument institutionnelle, et en tout cas présentée comme professionnelle. Ils disent, avec d’autres et après d’autres, le rejet de toutes les représentations qui ne leur apparaissent plus que comme des impostures et des mensonges. Le constat, qu’il faut faire de manière froide et sans se sentir impliqué personnellement, recoupe et renforce ce que l’on constate si souvent et depuis si longtemps dans la société française.

En même temps, ces jugements abrupts portés sur ces articles renseignent sur ce qu’est souvent la blogosphère. L’espace se nourrit beaucoup, beaucoup trop sans doute, du soupçon, soupçon à l’égard de tout, de tous, on nous ment, on nous manipule. Du coup, il en oublie ces choses essentielles de la vie, le recul, la distance, l’humour. Et, sans le vouloir assurément, sans même sans rendre compte vraiment, c’est tout un espace qui verse dans le refus de la différence, et donc dans le sectarisme. Voilà bien le pire de tout : il y a peu de bonheur, de joie, d’amusement dans ces prises de parole et, au contraire, beaucoup d’amertume et de tristesse.

Je m’interroge, pour finir, sur l’attitude que je dois adopter. Personnellement, je n’ai aucune envie d’indisposer des gens qui occupent un espace où ils pensent que je n’ai rien à y faire. Pour cela, je demanderai bien aux responsables d’Agoravox de cesser de reproduire des articles qui, je le répète, ont seulement vocation à figurer sur mon blog. Mais en même temps, je me dis qu’il est dommage de céder à un esprit certes collectif, mais que peut-être les individus pris séparément ne partagent pas vraiment.

J’en suis là ce matin. Je suis sûr que vos commentaires m’éclaireront.


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