L’affaire Giroud et la liberté de la presse : Le mauvais exemple ?

par JeanneMernan
vendredi 17 octobre 2014

Depuis plusieurs mois, le monde journalistique suisse est secoué par l'affaire dite "Giroud", du nom d'un encaveur et homme d'affaire valaisan. A la base une affaire de coupage de vin et de délit fiscal, l'affaire a pris une dimension nationale, voire internationale, suite à la campagne de presse menée par la principale chaine de télévision de Suisse Romande et des journaux francophone contre Dominique Giroud. La raison de ce déferlement, les vaines tentatives de l'encaveur d'empêcher la diffusion de reportages sur son entreprise et sa personne, reportages dont le contenu est farouchement contesté par l'entrepreneur, de même que les méthodes utilisées par certains journalistes.

En février 2014, la radiotélévision suisse ou RTS, ainsi que le journal romand Le Temps, diffuse et publie une première série de reportages et d'articles sur Dominique Giroud et sa société Giroud Vins. Les faits présentés sont accablants : faux, fraude fiscale ou encore coupage de vin. Le scoop est signé Yves Steiner et Marie Parvex, deux journalistes qui auraient travaillé plusieurs mois sur le sujet. La maison Giroud vacille et contre-attaque.

Le journal Le Temps, dont la journaliste Marie Parvex n'a fait qu'exploiter des informations publiques, échappe à la réaction du camp Giroud.

La RTS, elle, se retrouve devant les tribunaux du Canton du Valais. Dominique Giroud obtient, à titre de mesure provisionnelle, le retrait du site de la chaine d'un reportage à charge paru en ce début février.

Quelques mois plus tard, en mai 2014, Dominique Giroud, à nouveau à titre de mesure provisionnelle, obtient l'interdiction de diffuser un nouveau reportage sur sa personne et ses affaires.

L'encaveur monte au créneau, ces reportages sont diffamants, l'intention obscure. Yves Steiner a trompé certains de ses collaborateurs et amis, des documents ont été obtenus en violation du secret de fonction, du secret fiscal ou encore du secret de l'instruction. Les avocats de Dominique Giroud expliquent que le risque de dommage pour sa société et sa réputation est réel et le juge Lionel Henriot, du tribunal de district de Sion lui donne raison.

Coup de tonnerre dans le paisible paysage journalistique suisse. Les rédacteurs en chef et le patron de la RTS s'insurgent contre ce qu'ils décrivent comme une atteinte intolérable aux droits de la presse.

Une semaine plus tard, suivant une audience contradictoire, le juge Lionel Henriot décide d’autoriser la diffusion des documentaires.

Retour du droit et triomphe de la presse qui passe sous silence les protestations des avocats de Dominique Giroud au sujet du juge Lionel Henriot, lequel se trouve manifestement en situation de conflit d’intérêts compte tenu du fait que sa compagne travaille de longue date pour la chaine publique.

Passé sous silence également, les nombreuses violations du droit commises par le journaliste Yves Steiner et ses sources ou encore la jeune journaliste Marie Parvex qui, après un bref moment de gloire, disparait du paysage médiatique.

En août 2014, nouvelle victoire de la RTS contre Dominique Giroud, le Tribunal cantonal du Valais donne raison à la chaine publique qui peut à nouveau diffuser sur son site les reportages interdits en février.

La presse s'en réjouit, le contenu reste le même et les dégâts sur Dominique Giroud et ses affaires considérables.

A la fin de l'été, ce sont des centaines d'articles qui ont été publiés contre cet homme et son entreprise. Il est devenu la bête noire du journalisme suisse pour avoir tenté de sauver son affaire d'une presse sensationnaliste et d'un journaliste dont les motivations, et les commanditaires, n'étant pas la RTS, demeurent obscures.

Le droit à l'information et les droits des journalistes sont essentiel et la RTS devait se défendre. Toutefois, l'éthique journalistique et l'honneur d'un homme sont également des valeurs essentielles qu'il convient de respecter et de protéger.

Coincée entre ces impératifs supérieurs, la chaine publique Suisse n'aurait-elle pas dû jouer la carte de l'apaisement au lieu de jeter de l'huile sur le feu ?

Ne devrait-elle pas, elle aussi, faire son autocritique aux assises du journalisme au lieu de stigmatiser un individu seul ?

Quelques questions qui continueront d'alimenter la désormais célèbre affaire " Giroud".


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