L’entreprise 2.0 ou la mutation à l’œuvre

par matthieu mingasson
jeudi 29 juin 2006

Les nouveaux usages du Web remettent profondément en cause les applications professionnelles au sein de l’entreprise, alors que celles-ci viennent à peine de se stabiliser. À nouveau, les applications Web grand public montrent le chemin au monde de l’entreprise.

Entre 1995 et 1997, durant la première grande vague d’innovations, des professionnels et des chercheurs, passionnés par les nouvelles technologies de l’information, se mirent à développer des applications dans les domaines de la communication, de la publication et du multimédia. Des outils de courrier électronique, de messagerie instantanée, de forum de discussion, et de système de gestion de contenu furent rendus accessibles au grand public. Ces innovations se répandirent tout d’abord au sein de la société civile avant d’atteindre des zones moins promptes au changement, à savoir les entreprises, et plus tard encore, les institutions publiques. A la fin des années 1990, les entreprises commencèrent à intégrer peu à peu les mutations informatiques à l’œuvre dans la société. Les systèmes de gestion de l’information, très lourds, hérités de l’informatique des années 1970, furent progressivement remplacés par des systèmes Web plus puissants, plus rapides, plus souples et, ce n’est pas le moindre des avantages, moins coûteux.

Depuis quelques mois, Dion Hinchcliffe, expert du Web 2.0, s’interroge sur l’application, au sein de l’entreprise, des modèles et des principes à l’œuvre sur le Web collaboratif grand public. Force est de constater que les internautes ont pris à bras le corps l’ensemble des nouveaux moyens mis à leur disposition par les modèles émergents du Web, pour publier, échanger et partager de l’information. Le blog fait aujourd’hui partie de la panoplie de l’internaute moyen, alors qu’il y a trois ans à peine, le même mot provoquait parfois moqueries et condescendance... Le Wiki, mode de publication de contenu collaboratif et rapide, a trouvé son public à travers l’encyclopédie Wikipedia. Les systèmes d’échanges de contenus (photos, audio et vidéo) explosent aux États-Unis. Flickr revendique une communauté de 37 millions d’utilisateurs actifs sur son service de publication de photos.

Face à ces changements de grande ampleur dans les usages du Web, comment l’entreprise va-t-elle réagir ? Et quels sont les outils à sa disposition pour effectuer la transformation ? Lors de la Conférence sur les technologies collaboratives, qui s’est tenue à Boston du 19 au 22 juin dernier, Andrew Mc Afee, chercheur dans les nouvelles technologies à l’Université de Harvard, s’est exprimé sur l’émergence des applications collaboratives au sein de l’entreprise. Selon lui, “Wikis, blogs, et applications de messageries peuvent transformer une plate-forme intranet en une structure en changement permanent, édifiée par des contributeurs autonomes, et reflétant exactement l’évolution du travail en cours”. Certaines grandes entreprises, plus conscientes que d’autres des enjeux d’une telle évolution, ont pris autant la mesure des possibilités offertes par ces nouvelles technologies collaboratives, que celle des enjeux à l’œuvre dans la mutation des entreprises vers un mode de fonctionnement basé sur la participation active du plus grand nombre.

De grands groupes, comme Schlumberger, ont développé des plates-formes intranet très complexes, basées sur la première génération d’applications Web. Elles fonctionnent principalement sur un schéma unilatéral. Les connaissances "métiers" sont publiées sur la plate-forme sous forme de mini-sites sectoriels qui ne permettent pas un croisement des informations. La plate-forme devient alors un immense répertoire dont l’arborescence se complexifie progressivement.
A l’inverse, ce qu’autorise la seconde génération d’applications collaboratives, c’est un traitement interactif de l’information [Voir ce schéma sur la gestion collaborative de l’information]. Le va-et-vient permanent qui s’effectue au sein même de la masse des utilisateurs devient une source d’information.
Andrew Mc Afee cite en exemple la banque Dresdner Kleinwort Wasserstein qui, à l’automne 2005, termina la mise en oeuvre d’une nouvelle plate-forme intranet basée sur les technologies du blog, du Wiki et de la messagerie instantanée, et qui réalisa très vite que le système manquait d’une fonctionnalité cruciale, permettant de connaître en temps réel la disponibilité des utilisateurs connectés. 64 minutes plus tard, et cela sans définition de projet ni même de planning, une petite communauté d’employés avait développé un outil répondant à ce besoin. La technologie collaborative avait joué à plein son rôle d’outil communautaire.

Relever le défi de la mutation collaborative est crucial pour les entreprises qui basent leur fonctionnement sur l’échange et la mise en commun des savoirs et de l’expérience acquis par les utilisateurs. En s’appropriant ces nouveaux usages, l’entreprise créera un second champ d’exploration des technologies collaboratives, dont le grand public bénéficiera en retour, comme ce fut le cas pour la première génération d’applications Web.


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