L’ère du bavardage

par Nerban
lundi 23 octobre 2006

On retiendra du début du XXIe siècle qu’il a vu la naissance d’une nouvelle idéologie. Après Dieu, après le Volk, après la dictature du peuple, l’Occident s’est donné une nouvelle valeur suprême : le bavardage. De lui, et de lui seul, sortirait la vérité.

Comme toujours, cela a commencé par un progrès technologique. Dès l’apparition des premiers internautes, au début des années 1990, on a pu observer chez cette espèce un étrange instinct, comme un besoin compulsif de s’échanger des opinions, plus rarement des informations. La possibilité de donner son avis sur n’importe quel sujet, souvent dans le simple but d’observer les réactions, le tout dans un très confortable anonymat : voilà bien une perspective alléchante. Une des premières utilisations massives d’Internet fut le d’ailleurs le chat, mot qui ne signifie rien d’autre que bavardage. Rien de bien alarmant : il faut bien s’occuper, après tout. Jusque-là, si l’on peut dire, tout va bien.

Le mystère restera en revanche complet sur la façon dont ces innocents échanges ont si rapidement accédé au statut de débat. Par quelle étrange distorsion, par quelle aberrante erreur de langage a-t-on pu ainsi qualifier de vagues saillies bourrées de fautes s’apparentant fortement à l’ancien café du commerce ? Peut-être, pensent certains, cette surprenante montée en grade est-elle due à une acceptation tacite de la masse des internautes, espérant ainsi élever leur image. Peut-être aussi, hypothèse "Désir d’avenir", est-ce là une volonté politique d’abaisser le statut du débat, pour éviter toute remise en cause sérieuse. On ne sait pas.

Quoi qu’il en soit, une fois accepté et encouragé, le phénomène s’est prestement répandu dans les médias traditionnels. L’exemple le plus flagrant étant la quasi-disparition des émissions matinales de radio sous la masse des appels d’auditeurs. En lieu et place d’un débat entre deux spécialistes ayant consacré leur vie à l’étude d’un sujet, on trouve désormais un flot d’avis vagues et incertains, parfois involontairement comiques, et ceci sur tous les sujets. Cette situation étant bien entendu considérée comme bien meilleure, puisque plus proche des gens, donc participant à l’amélioration du vivre ensemble. Tout se monde se tait : le téléphone sonne !



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