L’étrange bienveillance de certains médias pour le FN

par Laurent Herblay
mercredi 2 avril 2014

Bien sûr, le FN a signé son meilleur résultat aux municipales, avec une dizaine de villes conquises. Mais en prenant du recul, comme rue 89, on constate qu’il bat à peine les scores de 1995 et ne fait pas mieux que le FG. Du coup, pourquoi en a-t-on parlé dans une proportion sans la moindre commune mesure avec le poids électoral du parti d’extrême-droite de la famille Le Pen lors de ces élections ?

Rien de nouveau sous le soleil
 
Bien sûr, jamais le FN n’avait présenté autant de candidats, participé à autant de seconds tours ou gagné autant de villes. Du coup, on pourrait le traitement médiatique logique. Mais, chiffres en main, on en vient à la conclusion inverse. D’abord, il faut rappeler qu’il a réuni moins de 5% des suffrages et qu’il était présent dans 2% des villes (et moins de 1% au second tour). Ensuite, il faut prendre en compte le facteur temporel. La base de référence, 2008, était la plus basse depuis 1983, comme le montre Laurent de Boissieu. Et les résultats globaux ne sont pas si éloignés de ceux de 1995, il y a tout de même 19 ans. Fallait-il autant parler d’une si faible progression depuis pourtant près de 20 ans ?
 
L’autre facteur relativisant est la comparaison avec les résultats du FG, comme développé dans un papier publié sur le site Figarovox. Certains soulignent que le FG bénéficie d’une implantation plus ancienne et d’un jeu d’alliance important. Mais le FN n’est pas un nouveau parti. Il a eu 42 ans pour s’implanter localement… Et le remplacement du père par la fille à sa tête est un signe de continuité, tout comme la place gardé par le père, les déclarations de la fille aux rapatriés sur la guerre d’Algérie, ou son rappel que le FN n’est pas gaulliste. Et si le jeu d’alliance a aidé le FG, le fait que le FN ne bénéficie pas d’une telle situation en dit aussi très long sur la nature et les limites de ce parti d’extrême-droite.
 
Magie noire médiatique

Mais alors, pourquoi a-t-on autant parlé du FN, comparativement au FG ou pas ? Pourquoi une partie des médias, le Monde notamment, qui a parlé de triomphe, a autant servi la soupe à Marine Le Pen ? Elle n’avait souvent rien à redire sur la manière dont son parti était traité puisque cela correspondait peu ou prou à l’histoire qu’elle et ses communiquants veulent raconter aux Français. Que n’aurait-elle pas dit si certains journalistes avaient pris plus de recul et dit que le FN revenait seulement aux scores de 1995 et ne faisait pas mieux que le FG de Jean-Luc Mélenchon ? Pourquoi des médias a priori opposés au FN se transforment-ils, consciemment ou pas, en ses attachés de presse ?

Ce mystère a sans doute de nombreuses raisons. D’abord, on peut y voir une conséquence des choix de communication du PS, qui avait entamé le grand cirque anti-fasciste dès avant le premier tour quand Jean-Marc Ayrault a appelé au « front républicain ». On peut aussi y voir un phénomène de courte vue analytique, avec l’oubli que le FN s’était effondré en 2008. On peut enfin y voir une crainte sincère de certains qui voulaient alors prendre la France à témoin. Mais on peut se demander si cet extraordinaire barouf sur les scores du FN ne l’a pas plus servi qu’autre chose, même si les résultats du second tour n’indiquent pas la moindre progression significative par rapport au premier tour.

Le traitement surréaliste du FN depuis quelques jours pose deux problèmes. D’abord, il ne correspond pas à la réalité du vote (moins de 3% des Français et 5% des électeurs ont voté pour lui, il reste marginal dans les municipalités et moins présent que le FG). Ensuite, cette exposition, qui pourrait lui profiter aux élections européennes, caricature l’offre politique de notre pays, et pas pour le meilleur.


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