L’image vérité III (fin) : la star, c’est vous
par Philippakos
vendredi 19 octobre 2007
Comme on l’a bien compris dans les magazines « people », l’heure n’est plus aux stars drapées dans leur dignité, vissées sur un piédestal comme le furent jadis Rita Hayworth ou Greta Garbo, assimilées à une inaccessible divinité. C’est peut-être là le grand virage médiatique du XXe siècle : une distance trop grande est incompatible avec une projection du public vers son adoration. Le portrait idéalisé, peint ou retouché, n’intéresse plus personne. On le trouve figé, inexpressif. Il est devenu indispensable que le héros reste dans les limites de l’humain, avec ses faiblesses et ses défauts.
Passée la petite enfance, difficile de se prendre pour Superman ou Harry Potter. Pour se projeter, il faut donc s’identifier et la photographie devient l’outil indispensable en jouant, une fois encore, le rôle réaliste qu’on attend d’elle : le personnage existe vraiment et, de plus, il nous ressemble, mais il possède des attributs que nous n’avons pas et en cela nous l’admirons. Comme si on avait besoin de rêver, mais qu’il fallait que le rêve demeure dans les limites du raisonnable. Un rêve qui, par un très heureux concours de circonstances, aurait même des chances de se réaliser. Quoi de mieux que la photographie « réaliste » pour rendre humains et proches ceux qui pourraient passer pour divins (les familles royales) ou trop éloignés (célébrités confinés dans des univers clos et surprotégés) ? Quoi de plus efficace que ces instantanés volés qui montrent des personnages oniriques dans une attitude peu glorieuse ou même défavorable pour anéantir la distance qui s’étend entre eux et nous ? L’image opère alors un nivellement, en insinuant au spectateur qu’il pourrait lui-même devenir le héros si...
Il
est intéressant d’étudier l’attitude d’une star soudain démunie de ses
pouvoirs. L’identification acquise, mais la projection du public
disparue. On les reconnaît dans la rue, mais sans aucune référence à
leur présent. Les auras envolées, il ne reste plus qu’une enveloppe
familière dénuée de sens. Beaucoup de footballeurs célèbres tournent
mal (toxicomanie, dépression), les acteurs peinent à décrocher,
beaucoup de suicides chez les chanteurs. En règle général, la star
supporte mal son déclin. Le public la remplace immédiatement et ne fait
que précipiter la dégringolade.
La recette de la représentation réaliste est vieille comme le monde. Les religions l’ont utilisée abondamment. Jésus, auteur de miracles, et en même temps homme, si humble sur les représentations, torturé sur la croix. En même temps anéanti comme un pauvre hère, mais ressuscité au troisième jour. Bouddha, si riche, mais reniant ses privilèges pour se mêler au bas-peuple. Une image de nous-mêmes, mais avec des pouvoirs en plus. Pourquoi, dans les religions contemporaines, autant de messies, prophètes et aussi peu de Dieux représentés ? Pourquoi utilise-t-on si fréquemment l’image de l’intermédiaire à forme humaine (Jésus, Mahomet, Bouddha), si ce n’est pour enclencher le phénomène d’identification et transmettre les idéologies ? On s’égare... Toutefois la photographie a remplacé le portrait en adjoignant à la représentation un statut de preuve irréfutable indispensable à une bonne assimilation. Et il semblerait, à travers les âges, que le genre humain ait un besoin profond de s’identifier à ses héros. Toute la médiatisation contemporaine, en prenant pour témoin la photographie et le réalisme qui l’accompagne, consistera à mettre en place des modèles crédibles, adaptés à chaque tranche d’âge, capables de séduire un public de plus en plus large, demandeur et acheteur infatigable.
En cliquant sur ce lien, vous constaterez que la star, c’est vous...
Illustration : Nicole Kidman et Keith Urban "après la nuit de noce" (tabloïd italien)