L’impossibilité du compromis - Si on est pas comme Jacques Séguéla, on a raté sa vie ? (4)

par Jonathan Moadab
mercredi 1er février 2012

Suite de mes réfléxions sur le métier de communicant :
1 Les propagandistes
2 Être un pion au passer son chemin 
3 La CNIL : une institution controversée
 

N’avez-vous jamais remarqué que les experts invités sur les plateaux télés sont souvent les mêmes ? Si on parle d’économie, on appelle Jacques Attali (572 invitations en 2011 ! – notez qu’il désire un gouvernement mondial avec Jérusalem comme capitale[1]-), et lorsque l’on a besoin d’un homme animer les soirées, on appelle… Jacques Séguéla ! Dans l’espace médiatique, il est le publicitaire de service, le trublion du PAF : il donne des conseils à ses collègues d’EURO RSCG sur l’affaire DSK[2], il dit que « le net est la plus grande saloperie qu’aient inventé les Hommes »[3], il s’offusque qu’on se fasse un scandale du Président bling-bling car pour lui, si on n’a pas une Rolex à 50 ans, « on a raté sa vie  »[4]… Il est garanti 100% en accord avec le système, et c’est bien pour cela qu’il continue de pouvoir arpenter les plateaux télés et donner des cours. Il contribue à maintenir la population dans l’illusion de la nécessité de vénérer l’économie de marché.

Mais certains sujets le concernant ne font pas l’objet de débat public, Jacques Séguéla est pourtant un personnage intéressant à plus d’un point de vue.

Magistral retourneur de veste dans l’entre-deux tours en 2007 (il avait laissé tomber Ségolène Royal dont il était le soutien), Séguéla a du flair et sait à quels saints se vouer. A vrai dire, il n’est pas très difficile. Voici quelques uns de ceux qui furent ses clients personnels : François Mitterrand (1981-1988), Lionel Jospin, Paul Biya (Cameroun,1992), Omar Bongo (Gabon, 1997), Gnassingbé Eyadema (Togo, 1997), Alekssander Kwasniewski (Pologne, 1995), Ehud Barak (Israël, 1999), Ricardo Lagos (Chili, 1999), et Abdou Diouf (Sénégal, 2000).

Cela dit, il arrive quelques fois où il se fait remettre à sa place. Le « fils de pub » avait fait de larmoyantes excuses en parlant de « sa belle connerie  »[5] concernant sa sortie sur la Rolex, et a une droit à une critique au vitriol de son dernier livre Le pouvoir dans la peau par Audrey Pulvar[6]. Néanmoins, cette critique a ses limites. Car lorsque Jacques Séguéla s’écrie « C’est le sponsor de la démocratie la publicité ! C’est elle qui défend le pluralisme ! Dans les pays totalitaires la publicité est interdite, donc laissez la vivre ! Ne l’attaquez pas systématiquement bêtement. » , Audrey Pulvar (qui rate ici l’épicentre du phénomène) cède à la manipulation et réplique : « Mais on n’attaque pas systématiquement la publicité, on attaque la communication qui tue la politique, ce n’est pas la même chose. » On ne mord pas la main qui nous donne à manger…

Jacques Séguéla ne semble pas être représentatif de la pluralité des profils des communicants, il en est pourtant l’un des seuls représentant de cette profession dans l’espace médiatique. Ne devrait-on pas s’interroger sur la raison de la présence d’une voix unique, celle du libéralisme ? Dans son livre, Séguéla proclame : « Nous sommes tous dans une époque Alzheimer. On oublie les infos au fur et à mesure qu'elles arrivent. Nous sommes en perfusion d'info dès notre réveil, et au moment ou nous nous couchons.  »[7] Force est de constater qu’Internet lui, n’oublie rien !

On pourrait promouvoir davantage les initiatives de ceux qui ont critères d’éthique plus élevés que les multinationales de la propagande (Omnicom, Publicis…). Ainsi, un cabinet de recrutement m’avait opposé un refus car celui-ci ne travaillait ni pour l’industrie du tabac, ni pour les fast food. Il serait je crois intéressant de faire émerger la communication éthique dans l’espace médiatique afin d’encourager les comportements vertueux.


Pour conclure cette partie, je dirais que notre propagande est subtile. Elle ment par omission, et lui permet de manipuler des dizaines de milliers de jeunes fraîchement diplômés et endoctrinés pour œuvrer à la domination des puissants. En entrant dans ce métier, les communicants sont obligés de se corrompre pour avancer. Ils sont condamnés à n’être que de simples « pions sur l’échiquier ». 


A suivre...

Jonathan Moadab

La Gazette d'un Humaniste

[1] ATTALI, J. (2011) Conversations d’avenir : Jérusalem, Public Sénat. Visionnable sur http://www.youtube.com/watch?v=wr_yHoUTMEo&feature=related

[2] Sur BFM TV face à Denis Jeambar (2011) : http://www.youtube.com/watch?v=AcMdxtlFkqg

[3] SEGUELA, J. (2009), On n’est pas couché : http://www.youtube.com/watch?v=mCLsIqPGd5k

[4] SEGUELA, J. (13/02/2009), Télé Matin, Les 4 Vérités, France 2 http://www.dailymotion.com/video/k4KplxYH9nWMMwWXrP#from=embed

[5] http://www.ozap.com/actu/seguela-rolex-excuses-connerie-carriere-video/259492

[6] PULVAR, A. (01/10/11), On n’est pas couché  : http://www.youtube.com/watch?v=Q6Gn_aX3He8

[7] SEGUELA, J. (2011), Le pouvoir dans la peau, Plon. Cité par : http://henrikaufman.typepad.com/et_si_lon_parlait_marketi/2011/12/jacques-s%C3%A9gu%C3%A9la-le-pouvoir-dans-la-peau.html


Lire l'article complet, et les commentaires