L’indécente charge de l’Obs contre Zineb El Rhazoui

par Laurent Herblay
samedi 7 décembre 2019

Je n’ai jamais acheté l’Obs, ne partageant guère ses idées, mais il y a des moments où il est difficile de ne pas s’intéresser à ce qu’il ose publier. Dans un papier sur « Les ExMuslims, ces anciens musulmans qui fustigent l’islam », les pires communautaristes semblent avoir trouvé un port d’attache, dans un nouvel exemple de ce que Fatiha Agag-Boudjahlat dénonce bien dans ces livres.

 

Quand les « bien pensants » deviennent des racistes intolérants
 
Le journaliste co-auteur de l’article évoque sur Twitter « d’anciens musulmans qui défendent leur droit à l’apostasie et à la critique de l’islam. En France, ses principales figures flirtent avec l’extrême droite et la fachosphère », une photo de Zineb El Razoui, l’ancienne journaliste de Charlie Hebdo illustrant le torchon papier, auquel Céline Pina a bien répondu. Comment ne pas être pris de vertige devant une telle synthèse ? En bref, pour l’Obs, la caractéristique principale des anciens musulmans, dont Zineb El Rhazoui serait la principale figure, serait de flirter avec l’extrême-droite et la fachosphère. Défendre l’apostasie et critiquer une religion deviendrait donc une caractéristique d’extrême-droite !
 
 
Sur le fond, un tel discours est révoltant, pour ne pas dire plus... Extrême-droitiser l’ex-journaliste de Charlie Hebdo, qui a échappé à la mort, qui a vu tant d’amis tués par des islamistes parce qu’ils avaient critiqué l’Islam, toujours menacée aujourd’hui parce qu’elle ose critiquer une religion, est sidérant. La critique des religions est un droit dans un pays comme le nôtre, une liberté légitime que les journalistes de Charlie Hebdo ont défendu au prix de leur sang. Et ce n’est pas parce que des personnes d’extrême-droite, dont la laïcité est souvent à géométrie variable, reprennent de telles critiques que cela en fait des propos d’extrême-droite. Elisabeth Badinter défend des idées souvent proches.
 
Je voudrai rappeler ici à l’Obs que Zineb El Rhazoui est encore menacée de mort et que le discours qu’ils tiennent est probablement, qu’ils le veuillent ou non, une forme d’encouragement pour les islamistes les plus radicaux qui veulent s’en prendre à elle. Comment ne peuvent-ils pas se rendre compte qu’en la traitant de la sorte, ils contribuent peut-être à la mettre plus encore en danger ? Bien sûr, les différences d’opinion sont légitimes et le débat aussi. C’est ce que Charlie Hebdo représente aussi, mais ici, l’Obs me semble avoir franchi une dangereuse ligne jaune en adoptant de facto un discours qui apporte de l’eau au moulin des islamistes les plus radicaux qui la prennent à partie régulièrement.
 
Le « reductio ad hitlerum » est totalement extravagant à l’encontre d’une personne qui est plutôt de gauche et démontre autant la faiblesse intellectuelle qu’une intolérance crasse. Faiblesse intellectuelle car ce procédé est le réflexe paresseux des libertaires et des anti-républicains pour tenter de disqualifier leurs adversaires, en réalité, également un moyen d’éviter un véritable débat, en se contentant d’envoyer des noms d’oiseau au cas adverse plutôt que débattre de manière ouverte. Mais c’est aussi un signe d’intolérance et de manque d’ouverture totalement contradictoires avec la façon dont ses gens se présentent, eux qui se disent ouverts, à l’opposé des fermés.
 
En réalité, l’Obs devrait s’intéresser de manière positive à ces personnes, les écouter, leur ouvrir ses colonnes pour faire vivre le débat. Mais ce qui apparaît ici, c’est une volonté de faire taire tout ceux qui ne pensent pas comme eux. Le « reductio ad hitlerum » est un moyen de dire qu’il ne faut pas écouter ces personnes, révélant le caractère volontiers totalitaire de ces pseudo-centristes, comme l’admettait la presse anglosaxonne il y a quelques mois, pour qui les centristes sont en réalité finalement moins démocrates que les radicaux de gauche ou de droite. Pour bien des tenants de la pensée politico-médiatique dominante, le débat contradictoire semble une option indésirable.
 
 
Critiquer toute religion est un droit bien naturel dans notre pays. Il faut remercier Zineb El Rhazoui pour continuer à le faire dans le contexte actuel, à défendre le droit des femmes, et plus largement, à défendre les valeurs de la France que piétinent au pied encore trop de personnes. Avec d’autres, comme Fatiha Bagag-Boudjahlat, vous êtes une Marianne des temps modernes.

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