La comparaison indécente d’Alain Gresh

par Lilia Marsali
vendredi 14 décembre 2012

« Etrangement on se retrouve submergés par une analyse ubuesque comparant les couvertures médiatiques des rebelles syriens et les bombardements sur Gaza ».

Invité d’Oumma TV, Alain Gresh, journaliste français et directeur adjoint du mensuel Le Monde diplomatique, s’est exprimé sur les relations stratégiques entre la France et Israël. Sa contribution aussi noble et courageuse fut-elle sur la Palestine en ces moments d’extrêmes cruautés exercées continuellement par l’Etat hébreu a ouvert une porte (à la 10.13 minutes) fort désagréable sur ce qui apparaît être une prise de position différente du regard tiède antérieurement exprimé en meeting régionale ou en presse traditionnelle sur la révolution syrienne. A la question du journaliste d’Oumma TV « Alors vous êtes journaliste, quel regard portez-vous sur la façon dont les médias français traitent des bombardements sur Gaza ? » Alain Gresh, expert avisé en créations d’information répond à côté de ses pompes. A priori cette question pertinente concernait le mauvais traitement d’information des médias français lors de couverture des bombardements de l’armée israélienne sur Gaza ce mois de novembre 2012. En outre en réponse à cette question l’on s’attendait à une analyse comparative nationale et internationale assez pointue.

Etrangement on se retrouve submergés par une analyse ubuesque comparant les couvertures médiatiques des rebelles syriens et les bombardements sur Gaza. Il est somme toute important de rappeler que les révolutionnaires syriens ne sont guère responsables du mauvais traitement d’information des bombardements sur Gaza, ni du « deux poids deux mesures » s’il existe vraiment dans la comparaison d’Alain Gresh, qu’ils n’accaparent pas positivement toute l’attention méritée de l’audience française qu’elle soit nationale ou internationale ni n’engagent la subjectivité des journalistes tel qu’aime à le disproportionner Alain Gresh ; ces derniers étant entraînés à suivre plusieurs agendas politiques selon les règles de leurs éditeurs. Or la Syrie durant ces deux années ne pouvait être substituée aux priorités comme les pompeuses élections présidentielles aux Etats-Unis ou bien les constructions pharaoniques de mauvais goût des pays du Golfe quand ceux-là ne déversent pas toute leur générosité sur les grandes institutions artistiques, culturelles et cultuelles en France. Ecrire sur la Syrie était donc un léger acte révolutionnaire de la part des journalistes qui n’influençaient aucun intérêt politique dans la mesure où le peuple syrien subit un génocide dans un silence unanime. Penser que la médiatisation de la crise syrienne occupe une place éminente dans la presse traditionnelle française pour servir les intérêts de l’Etat hébreu au point d’en faire oublier la Palestine et toute la lâcheté médiatique derrière c’est penser bas.

Voici donc ce que révèle la couverture médiatique de la Syrie dans les presses traditionnelles françaises et médias alternatifs en ligne. La révolution syrienne est très peu médiatisée dans ce merveilleux site d’information qu’est Oumma.com par exemple. Cette pénible tâche incombe à René Naba du haut de son âge respectable aux teintes d’automne trop affirmées, qui s’érige en maître à penser du monde arabe et occupe la place de conseiller politique confuse en révolution syrienne. Rien de méchant a priori qui menacerait de plonger les 3 000 000 de lecteurs d’Oumma.com dans l’oubli de la Palestine.

Qu’en est-il du site internet du Monde Diplomatique ? Sur 59 articles édités de juin 2012 à Octobre 2012 seulement cinq articles concernaient la révolution syrienne : deux en octobre, un en septembre, deux en août et un en juin 2012. Pendant la période couvrant juin à septembre 2012 le rapport des visites était faible. Suivant la courbe d’audience sur 1 471 173 visiteurs en juin, 174 504 visiteurs n’ont pas consulté les pages du Monde Diplomatique en juillet 2012, seulement 17 332 visiteurs ont renfloué la barque d’audience en août 2012 puis 535 908 visiteurs l’ont hautement nivelée en octobre soit un total de 1 849 809 visiteurs. Oserions-nous conclure que les deux seuls articles en octobre sur la Syrie sont responsables de cet accroissement ? L’affirmer reviendrait à dire qu’écrire sur la Syrie rapporterait plus d’argent que les autres articles édités à la même période.

Le quotidien en ligne Le Monde a consacré 59 articles pour abonnées à la Syrie parmi 102 articles édités du 2 novembre au 11 décembre 2012. Une tolérance est laissée aux observations de Fabrice Balanche Maître de conférences à l’Université Lyon 2 et directeur du Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à la Maison de l’Orient aux analyses également rendues manifeste dans l’Express et dans le Nouvel Observateur dont le positionnement à l’égard du régime syrien ne laisse paraitre aucune ambiguïté. Il n’y est possiblement pas affirmé de manière canonique que les rebelles « (ils) prennent en otage la population » néanmoins les interrogations d’une internaute posée au dénommé Balanche lors d’un chat organisé par le Monde « Pourquoi les reportages ne parlent-ils jamais des Syriens qui ne sont pas du côté des rebelles ? » laisse entrevoir un champ large d’expression dans lequel la comparaison d’Alain Gresh expérimenterait les joies de l’apesanteur. Est-ce que tous les journalistes sont « du côté des rebelles contre un pouvoir autoritaire »  ? Nous n’en sommes pas si sûrs finalement.

Du côté des médias alternatifs cela n’est guère mieux. Réputé propagande du régime sanguinaire syrien le site InfoSyrie.com diffusent en continue de la désinformation. Il est évident qu’aucun des pseudos journalistes online ne mettront « en lumière l’utilisation par l’armée syrienne de l’aviation, ou des hélicoptères et la différence de rapport de force » ni en « appellent à armer l’opposition syrienne ». A cette propagande pro régime syrien viennent s’ajouter celle du site Investig’ation.com de Michel Collon avec 48 articles édités de février 2011 à décembre 2012, celle du site Réseaux Voltaire de Thierry Meyssan avec approximativement 307 articles sur la Syrie. La palme d’or revenant au site d’Alain Soral avec 98 pages soit près de 831 articles depuis mai 2010 relayant la propagande du régime syrien. Une contribution qui assure indubitablement son succès soit 20 000 visites quotidiennes. Laissons le soin à Alain Gresh de calculer le nombre de visites par mois et l’injection de propagande à la seconde. Effrayant n’est-ce pas ? Inutile de rappeler que tous sont reliés à Twitter et Facebook où ils trouvent une très large audience et enfin celle du site Novopress.info (la presse des Identitaires). Quel florilège défendant l'honneur du régime génocidaire syrien : une réelle « Assadosphère » ! Enfin d'autres contributions à la télévision et à la radio : celles de l'inoubliable Bassam Tahhan qui intervient plus souvent que des chercheurs de renom fortement censurés par la télévision française.

Comment diantre Alain Gresh en est venu à cette sordide comparaison qui n’a aucun sens lorsque l’on sait qu’il a négligé des forces médiatiques en présence représentées par les deux journalistes : le très apprécié palestinien Yousef Al Helou qui a couvert en anglais les bombardements sur Gaza pour la chaîne El Etejah TV et l’égyptien Ayman Mohyeldin pour NBC. La logique lui aurait insufflé de dénoncer ce traitement pitoyable des bombardements sur Gaza de manière à argumenter une comparaison entre les médias français et les médias étrangers en utilisant les références citées qui lui auraient fourni des éléments de réponses indiscutables. Alain Gresh n’a pas non plus saisi l’opportunité d’entrevoir une réelle action contre les médias français en proposant de manifester devant leur locaux en guise de protestation contre leur mauvais traitement des bombardements sur Gaza comme il a été fait ailleurs devant les locaux de la BBC. Enfin Alain Gresh n’a nullement mentionné la difficulté des activistes israéliens du Comité contre les Démolitions des Maisons des Palestiniens à relater la réalité de milliers de palestiniens, à montrer des images que jamais nous ne verrons dans nos écrans de télévision. Malheureusement Alain Gresh a utilisé la situation syrienne pour justifier son argument de départ « faut-il armer la résistance palestinienne ? » tout en occultant le fond du problème. Il est par conséquent inutile de se cacher derrière la résistance Palestinienne qui elle n’hésite pas à brandir le drapeau syrien de libération en guise de message d’union et de fraternité éternelle entre ces deux admirables peuples.

Il y a sans conteste mauvais traitement de l’information sur les bombardements de Gaza de la part des médias français mais pas dans le sens qu’Alain Gresh a voulu lui prêter à travers un procédé qui manque d’éthique.

HOMS, DERAA, ALEP… majestueuses villes du Bilad Shâm anéanties par le régime génocidaire syrien à coup de bombardements, étrangement oubliées dans la comparaison d’Alain Gresh.

 

Lilia Marsali.


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