La dignité ne se trouve pas toujours là où on croit
par Icks PEY
lundi 31 mars 2008
Le cas dramatique de Chantal Sébire a défrayé la chronique de ces dernières semaines. Avec cette question difficile sur la fin de vie choisie. Malheureusement, le dénouement de cette triste affaire laisse apparaître une non moins triste réalité : pour attirer la sympathie de l’opinion publique, des mensonges ont été proférés. Pas très digne comme méthode...
Loin de moi l’idée de relancer un débat sur l’euthanasie ou sur le suicide assisté.
J’aimerai plutôt donner de l’audience à des informations tardives qui ne feront plus la une des journaux maintenant que le rouleau compresseur de l’actualité brûlante est passé à autre chose.
On a menti aux Français. Oui, la vérité a été déformée.
Pourquoi ? Tout simplement pour accentuer encore un peu la dimension dramatique et poignante d’une situation humaine mise au service d’une cause. L’opinion publique a été manipulée pour mieux faire passer des idées. Un mal pour un bien diront ses promoteurs ?
Chantal Sébire voulait partir dans la dignité. Est-ce réellement le cas lorsqu’on part dans le mensonge ? Je n’en suis pas sûr.
Instrumentalisée ou pas, toujours est-il que le discours était rodé : il faut dire stop à la souffrance. Car le thème de la souffrance reste l’argument choc des pro-euthanasie. Et c’est sans aucun doute l’argument qui fait mouche dans le cœur des Français. Aujourd’hui, la souffrance est inacceptable et intolérable. A fortiori lorsqu’elle est gratuite et que les perspectives de rétablissement du malade sont nulles.
La souffrance était donc le thème récurrent de la démarche de Chantal Sébire. Mais cette souffrance-là était-elle bien réelle ?
Je pose cette question indécente et iconoclaste car le problème vient d’apparaître dans deux articles (1) qui relèvent, bien entendu, d’une presse de conviction et que je suis assez impatient de lire dans la presse généraliste : Chantal Sébire souffrait non pas parce que les traitements médicaux étaient inefficaces mais parce qu’elle refusait de les prendre. Le seul traitement qui avait grâce à ses yeux était du paracétamol.
Le paracétamol est un antalgique de palier 1 selon la classification de l’OMS (même niveau qu’un cachet d’aspirine) (4) bien connu sous des marques comme le Doliprane, Dafalgan, Efferalgan, etc. Autrement dit, face à la situation médicale de madame Sébire, ce n’était rien. Autant partir à la chasse aux éléphants avec un couteau en plastique.
C’est le docteur Jean-Louis Béal, chef de l’unité de soins palliatifs du CHU de Dijon, qui l’affirme : sur le sujet de la prise en charge des douleurs de madame Sébire "certaines vérités ont largement été tronquées.
Depuis que l’affaire a été médiatisée, on a entendu dire que cette
patiente souffrait de douleurs que rien ne permettait de soulager au
niveau médical. Et que donc la seule solution possible était qu’on
l’aide à mourir. Pour accréditer cette thèse, certains ont même dit
qu’elle avait une allergie à la morphine. Tout cela est inexact". (1)
Chantal Sébire, elle-même, invoquera sa souffrance dans la requête qu’elle adressera au tribunal de Dijon : "ses douleurs physiques ne peuvent pas être soulagées par la morphine" ou encore "les souffrances intenses et permanentes qui sont aujourd’hui les siennes (...) amènent madame Sébire à vous saisir d’une demande (...)". (2)
Pourtant, le témoignage du docteur Béal, spécialiste de la douleur et donc moins susceptible de se faire manipuler sur le sujet, est très net : "Chantal Sébire a refusé tous les traitements antalgiques que je lui proposais, arguant d’effets secondaires qu’elle estimait intolérables."
Des effets, secondaires ? Lesquels ? Le docteur poursuit : "Elle considérait que ces médicaments allaient la rendre somnolente et lui faire perdre le contrôle de sa volonté. La seule chose qu’elle acceptait de prendre, c’était du paracétamol."
Enfin, ce médecin, qui avait rencontré madame Sébire quelques semaines avant les faits, fin 2007, achève son propos en écartant les arguments d’allergie à la morphine parfois évoqués : "Simplement, elle ne voulait pas prendre ce produit. Elle m’a dit que la morphine, c’était de la chimie, donc du poison."
Etrange comportement que de refuser de prendre un "poison" quelques semaines avant de demander qu’on lui en administre...
Madame Sébire souffrait donc, effectivement. Cela n’est pas contestable. Mais parce qu’elle refusait de se soigner. Son cas n’était donc pas le cas insoluble pour la science que certains esprits ont bien voulu nous montrer, l’ADMD de monsieur Roméro en tête ("le TGI de Dijon impose à madame Sébire une peine de souffrance à vie") (3).
On nous a menti. L’opinion publique a été désinformée pour rendre la cause de madame Sébire plus à même de fédérer autour d’elle des gens de bonne foi. Car l’objectif de tout cela était bel et bien de déformer la réalité pour la rendre plus percutante d’un point de vue médiatique. Plus incisive.
La fin justifie-t-elle les moyens ?
Icks PEY
Références :
(1) http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2333211&rubId=4076
voir également :
http://www.genethique.org/revues/revues/2008/mars/20080328.1.asp
(2) http://leblogdeladmd.hautetfort.com/media/02/01/870372081.pdf
(3) http://leblogdeladmd.hautetfort.com/media/01/00/762699639.pdf
(4) http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pharmaco/medicaments_de_la_douleur.htm