La gauche peut gagner, voilą pourquoi
par Charles-Pierre Halary
mercredi 21 mars 2007
Les règles d’apparition sur les grands médias régulés par le CSA vont changer. Il y a maintenant une certitude d’au moins douze candidats. Or, ceux-ci vont bénéficier d’une équité dans les temps de prise de parole. Une analyse rapide montre que les voix de gauche et les voix de femmes, toutes à gauche, vont être mieux entendues. Et en symétrie, l’absence de femmes à droite ainsi que le discours machiste va pousser les femmes françaises à la gauche de l’échiquier politique.
Sur douze candidats, trois (Besancenot, Laguillier et Schivardi) sont plus ou moins trotskystes (25% !), et trois autres peuvent être considérés comme à la gauche du PS (Bové, Buffet et et Voynet). Cela fait 50% de candidats pour une gauche d’un vieux parti, le PS, que les observateurs s’accordent encore à voir à la gauche de l’échiquier politique.
De l’autre côté, nous avons 5 candidats qui sont plus ou moins à droite dans une cohorte emmenée par Sarkozy, Bayrou et Le Pen. Les autres sont des marginaux de droite à portée locale comme de Villiers et le candidat de chasse et pêche.
Avec le système de répartition de temps de parole qui s’applique maintenant, le discours de gauche sera beaucoup plus présent qu’avant. Cela ne manquera pas d’avoir une influence très grande sur les couches populaires qui ne commenceront à s’intéresser à cette élection qu’au cours du mois d’avril. Le premier effet de cette campagne véritable sera de replacer Bayrou là où il est, à droite.
Ceci va démontrer en même temps que les sondages actuels sont superficiels car ils ne montrent pas 1) que Le Pen est très fort en discours et 2) que la gauche peut gagner ces élections. La force de conviction de Le Pen réside uniquement dans son excellent maniement de notre langue. Il a un rapport à la langue française qui constitue dans son esprit une arme politique majeure. Ce discours est cependant immédiatement identifié à son contexte par la majorité des auditeurs qui regrettent siimplement l’absence de tribuns à gauche, à droite ou au centre. Là où le contenu du discours est lié au contexte du programme et de l’équipe, le performance de Le Pen ne peut convaincre. Il n’en reste pas moins que les sondages le sous estiment. Il s’agit dans ce cas de "votes discrets" qui se portent actuellement sur Sarkozy surtout et ensuite sur n’importe quel autre candidat ou dans le refus de s’exprimer. Le Pen est encore un vote dont seuls les convaincus de longue date sont fiers de l’affirmer au téléphone. Le Pen a donc un taux d’assurance supérieur à tous les autres dans les techniques actuelles de sondage.
Le Pen fait partie d’une offre politique permise par notre système de sélection des candidats à la présidentielle (500 signature d’élus). Ce système de désignation des candidats à l’élection présidentielle fait partie de notre Constitution et doit être préservé. Par ailleurs, des primaires devraient être encouragées pour arriver à diminuer le nombre des candidat de manière consensuelle. C"est possible et Ségolène Royal en a fait la démonstration. Le réel problème est la structure du système des médias de masse en France. Le duel Royal/Sarkozy avait été prédéterminé par ces médias dans l’espoir de voir triompher facilement Sarkozy. Cette idée machiste a immédiatement été vue et dénoncée, entre autres par Bayrou qui en a fait un levier d’ascension politique. Il profite lui-même maintenant de ce phénomène destiné cette fois à éliminer Ségolène Royal non plus au second mais au premier tour.
Nous allons voir maintenant les limites de ce système médiatique centralisé dans les semaines qui viennent. Ce système est de moins en moins regardé pour se faire une opinion dans une période où les fidélités sont issues de réunions réelles familiales et personnelles. Le système centralisé des médias a les avantages et les inconvénients des spectacles. Grande attention sur le moment et oubli le surlendemain. Dans la configuration définie aujourd’hui par le Conseil constitutionnle (12 candidats), un tel rapport médiatique est plus ou moins mis en échec. La multiplication des interventions de gauche alliée à une disponibilité sur Internet des discours surtout pour les jeunes des milieux populaires (Dailymotion) va probablement contribuer à les ramener vers les bureaux de vote. C’est la première fois qu’une élection française fait un usage massif de la vidéo disponible à la demande sur Internet. Il faut aussi noter qu’il y a un nouveau corps électoral par rapport à 2002 dont le comportement est peu étudié.
L’échéance arrive et le vote devient sérieux. C’est pourquoi, Ségolène Royal a raison de dire que la 6e République arrive. Même si rien ne change sur le plan constitutionnel, ce qui ne sera pas le cas, la nouvelle génération des 40-60 ans qui prend le pouvoir ne pourra ni ne voudra gouverner comme avant. Et dans ce changement, une femme représente un atout de stabilité dans le changement. Cet atout est à gauche, avec Ségolène Royal, bien sûr, mais aussi avec Mmes Buffet, Voynet et Laguillier qui, outre leurs idées politiques qu’on peut ne pas partager, représentent une percée féminine sans équivalent à droite. Là se fera la différence. Avec, en plus une caution interne discrète de Simone Veil qui critique déjà Sarkozy (désaccord sur l’union entre immigration et identité nationale) et Bayrou ("le pire de tous"), le camp de la droite est bien machistement isolé.
Du côté des "jeunes", il n’y en a qu’un dans la liste des candidats : Olivier Besancenot (31 ans quand même), et il est à la gauche de la gauche. Donc, ces messages de gauche au nombre de 7, médiatisés en respectant les règles du CSA, dans un climat de recherche de solutions concrètes, voire de ruptures avec le passif UMP-PS vont nécessairement avoir un impact sur le corps électoral. Ce sera visible dès la première semaine du mois d’avril.
Ensuite, le rapport à l’Internet permettra d’y voir se confronter deux catégories d’âge : les retraités qui disposent de temps libre pour y intervenir avec une bonne expérience de l’écrit politique et les jeunes qui sont plus familiers avec les machines qu’avec la tradition politique. L’évolution des opinions sera alors toujours aussi complexe à mesurer que maintenant car les instituts de sondages sont très obscurs sur leur méthodologie. Leur idée du "secret professionnel" pour établir leur chiffrage ne semble pas résister à l’analyse et engendre une vague forte de soupçons. D’autant plus que Mme Parisot qui joue un rôle majeur dans la campagne possède en propre un institut de sondage. Sur cette question, il serait important que des sociologues puissent constituer un comité scientifique et d’éthique qui vérifierait tous les sondages publiés dans la grande presse par les grands instituts. Une sorte de CSA des sondages. Comme ceux-ci ont été inventés par des sociologues autrichiens émigrés aux États-Unis pour fuir le nazisme, on rétablirait la crédibilité d’une science née à gauche et trop galvaudée actuellement par un marketing de droite. Il serait bon de veiller à surveiller les instituts de sondage. IPSOS semble déjà l’avoir compris en proposant des résultats quotidiens.
Manifestement, la gauche doit faire une travail sociologique scientifique pour élaborer des outils plus conformes au réel. Comme l’INSEE est en train de le proposer pour mesurer l’augmentation du coût monétaires des moyens de notre existence. On sait que l’analyse des médias est cruciale pour faire de la politique aujourd’hui. Les techniques sont encore peu fiables et peu surveillées cependant. Les instituts misent sur 1000 personnes, au mieux, pour construite un échantillon représentatif de la population électorale. Ce qui est, par exemple, le même échantillon pour le Québec (7,5 millions d’habitants) que pour la France (64 millions). Le Québec aura ses élections législatives provinciales le 26 mars prochain et les sondeurs procèdent à leurs analyses avec des échantillons semblables à ceux de la France.
Or, les sondages, partout, se fondent sur une population qui dispose de téléphones fixes ce qui définit une strate de la population qui tend à exclure les utilisateurs de mobile et de forfaits de type Livebox, par exemple. Comme les études internationales considèrent que ces nouveaux moyens de communication sont utilisés surtout par des jeunes dynamiques mais peu argentés, on voit que ces couches sont exclues des sondages. La technique des sondages a donc peu à peu perdu de sa fiabilité au cours des années 90 pour des élections avec de nombreux candidats comme celle de la présidentielle en France au 1er tour.
De toutes les candidatures, celle de Ségolène Royal a, dès le début, cherché à utiliser les ressources procurés par Internet. Mais cette campagne de la Blogosphère "Désirs d’avenir" n’est de facto pas visible dans les sondages des instituts qui ont pignon sur rue. De plus, il est difficile de traiter par sondages sociologiques une population mobile dont l’adresse réside parfois uniquement dans son numéro de cellulaire.
Quand on regarde l’offre de candidature de la droite, elle correspond à la tradition masculine qui propose des arrivistes, de rassurants et des excités. Les progrès de la médecine permettent aujourd’hui de présenter des excités septuagénaires, ce qui est un bon signe pour l’avenir du genre humain mais dans le cas de l’offre politique actuelle une exception française dans l’incarnation de l’extrême droite.
La gauche française peut gagner ces élections présidentielles en conséquence de la structure médiatique qui découle de la liste de candidats dévoilée aujourd’hui, du fait que les femmes y jouent un rôle accru grâce à la gauche et aux idées libérales qui structurent notre vie quotidienne et que la jeunesse pourra se définir une opinion en cours de campagne avec des des critères non perceptibles par les techniques actuelles de sondage. De sa participation effective au vote final dépendra la victoire de Ségolène Royal. Or, si la gauche a toutes les chances de l’emporter selon l’analyse développée ici, elle ne s’est pas donnée les moyens de vérifier la portée de son action. Là est le défaut de la cuirasse. Elle a misé et mise encore sur les grands médias de masse pour avoir des retours quantifiés de ses performances. Et cela peut lui faire perdre confiancve en elle-même. On le voit actuellement au sein du PS. Ce qui fait dire à Ségolène Royal que tout va dépendre d’elle et d’elle seule. Elle fait ainsi de mauvaise fortune bon coeur car il lui manque un outil de vérification fiable de son impact électoral. Pourra-t-elle le construire en quelques semaines en dehors des sphères de pouvoir central, là où Jospin disposant de Matignon avait lamentablement échoué ? Une possibilité, n’est pas une probabilité. Même une forte probabilité est loin d’être une certitude. Une chose est sûre, elle a eu l’intuition qu’il fallait chercher dans cette direction et qu’ainsi elle pourrait faire gagner la gauche aux présidentielles et effacer 2002. Le comportement de Simone Veil à droite est un précieux indicateur de la pression qui commence à s’exercer sur les femmes pour glisser à gauche de l’échiquier politique.