La loi du talion revisitée par France 2
par keiser
jeudi 18 novembre 2010
Mardi 9 Novembre, France 2 atteint les sommets de la qualité télévisuelle avec l’émission "Prise Directe" produite par Emmanuel Chain et présentée par Béatrice Schönberg.
Le thème de ce chef d’oeuvre primesautier était : « Face à l’injustice, des hommes et des femmes hors la loi »
N’essayons pas de trouver ici un discours sur l’injustice sociale, non, il s’agit bien de justice privée et d’auto-défense.
Nous avions donc là des gens, qui lassés des lenteurs de l’appareil judiciaire et policier, se sont substitués au droit de notre pays pour se faire justice eux mêmes, oo quand la loi du talion est honorée par les médias publics.
France 2 a donc décidé de franchir le cap du populisme racoleur cher à notre gouvernance.
Dans ce panel de justicier, se trouvait un monsieur que je connais, celui-ci a commis l’irréparable et tenait sans doute à gagner quelques indulgences par l’intermédiaire de la communion des saints patrons de bistrots.
Peut-être avec ce petit résumé, est-il préférable d’affranchir les lecteurs des faits qui lui sont reprochés.
Dans la petite ville ou j’habite, il y a un bar-tabac, avec évidemment un patron de bar.
Ce patron que je connais est un type correct, disons qu’il n’a rien de particulier dans son comportement et jusque-là, rien que de très normal.
Cette personne s’aperçoit que les barreaux d’une des fenêtres du bar on été sciés, il prévient donc la gendarmerie mais ne fait pas refaire la protection de son affaire.
La police organise une surveillance mais ne peut camper devant le tabac.
La police organise une surveillance mais ne peut camper devant le tabac.
Pendant ce temps, le gentil patron s’organise aussi, il ne fait pas ressouder les barreaux mais tend des ficelles dans son établissement et dort sur un lit de camp dans la réserve.
Ce qui doit arriver arrive : Deux jeunes débarquent une nuit, le patron les surprend, tire sans sommations sur les deux intrus mais, un seul parvient à s’enfuir.
Le premier voleur de dix sept ans est tué sur le coup. Il ne devait pas être là, il s’est juste trouvé sur le chemin de son complice et s’est laissé entrainer dans cette stupidité.
Vous me direz que c’est un "fait d’hiver" courant mais attendez la suite.
La victime est un garçon de la ville scolarisé, sans problème et il n’y a absolument rien de grave à dire à son sujet.
Le tireur est donc mis en examen pour homicide et tentative d’homicide, le procureur déclare qu’il y avait mille façons de régler cette affaire avant d’en arriver là.
Evidemment la machine réactionnaire se met en marche : pétitions des commerçants pour sa libération immédiate, une amie qui travaille à la mairie est assiégée de coups de téléphone de toutes les organisations d’auto-défense de France, certaines exigent même que la mairie organise une manifestation en soutien de ce patron.
L’avocat fait appel de la décision d’incarcération, dix jours se passent. La mère de la victime ne pouvant se payer un ténor du barreaux, son avocat d’office ne vient pas à l’appel et le patron est libéré le soir de noël pour qu’il puisse passer les fêtes en famille.
Il y a aussi un autre fait laxatif qui m’a troublé quand le bar a réouvert deux jours après, sans attendre l’enterrement du jeune, sans même attendre que cela se calme tout simplement.
La mère du jeune qui avait trouvé le travail qu’elle cherchait depuis longtemps en a été renvoyée au motif que devant les faits, elle ne pouvait être disponible à son poste. Elle est aussi harcelée de coups de téléphone xénophobe, elle est d’origine africaine et son fils métis.
Les jeunes de la ville ont eu une attitude exemplaire en appelant au calme pour ne pas faire de tort à la famille.
La ville est divisée en deux camps et devinez lequel crie le plus fort ?
Et voilà donc que par l’intermédiaire d’un média national, ce monsieur, au mépris du secret de l’instruction, vient justifier son acte.
Est-il utile de rappeler que dernièrement, le ministère de la justice a déclaré la fin prochaine de ce secret.
En effet, la disparition des juges d’instruction rend cette loi caduque.
France 2 aurait donc décidé de devancer le gouvernement en passant outre la simple logique de bienséance propre au respect des victimes.
Mais peut-être que dans notre société de la réforme effrénée, les bourreaux vont-ils devenir des victimes en venant nous expliquer par l’intermédiaire des médias, que devant le laxisme du droit, il faut s’armer et pas de patience.
Quel est donc le but recherché par cette chaine qui ne nous avait pas habitué à de tels spectacles contestables ?
Commencerait-on à banaliser le déni des droits les plus élémentaires qui rendent notre société vivable, malgré ses imperfections.
Sans oublier les effets pernicieux qui en découlent.
Et oui !... Si je passe à la télé pour m’être fait justice, bientôt les intervenants vont se bousculer aux portillons de notre chaine national.
La banalisation de l’horreur par Emmanuel Chain et Béatrice Schônberg se prépare de beaux jours et M6/ TF1 ont du souci à se faire.
Gageons qu’ils trouveront d’autres sujets populistes et tendancieux pour ce faire.