La Macronie : République (des copains) exemplaire

par PaulA
mardi 7 juillet 2020

 

La Macronie a, depuis ses débuts, poussé le régime des copains — ou des conjoints — jusqu’à son paroxysme. Chacun se souvient d’Yves Lévy, mari de notre regrettée ministre de la Santé et candidate malheureuse à la Mairie de Paris, dont le renouvellement de mandat à la tête de l’INSERM aurait été très largement poussé par sa femme. Face au tollé médiatique, il finira par y renoncer, mais sera finalement nommé conseiller d’État extraordinaire du gouvernement, sans aucune expérience du droit public. Mais la Macronie a d’autres tours dans son sac. Déjà longue, la liste des pistonnés pourrait encore s’étoffer.

Une habitude bien française

La France a une particularité. Elle compte, sans doute plus que les autres pays européens, une myriade de comités, de commissions, de cabinets et d’agences supposément indépendants. Un mille-feuille très pratique pour offrir à des proches des postes à responsabilité et, surtout, la rémunération qui va avec. Bien souvent, chauffeurs ou voitures de fonction accompagnent ces postes de direction. Quand toutes ces structures sont remplies, il suffit de créer des postes de conseillers. La méthode, vieille comme la France, a fait ses preuves et suffit à s’assurer la fidélité de long-terme de personnalités influentes. Dans tous les cas, le contribuable paye les frais de ces petits arrangements entre amis.

Certes, en cherchant à placer son fils Jean à la tête de l’Etablissement public d’aménagement de la Défense (EPAD), Nicolas Sarkozy avait dépassé toutes les limites de ce qu’il était, un temps, communément nommé «  moralité publique  ». François Hollande n’a pas démérité non plus. Certains auraient pu, à juste titre, attendre du «  Nouveau Monde  » promis par notre Président actuel un changement de matrice dans les nominations aux hautes fonctions de l’État. Mais, visiblement, le processus d’accès à la Présidence de la République oblige à quelques sacrifices moraux. Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron n’a pas hésité à remercier ses soutiens les plus fidèles en les plaçant à la tête d’institutions à l’utilité parfois douteuse, mais dont les postes de direction offrent des rémunérations la plupart du temps très confortables. Ou au moins, suffisantes pour se remettre du chagrin résultant de l’absence de consécration qu’est la nomination à un poste de ministre ou secrétaire d’État.

La longue liste des recasés

Chantal Jouanno, par exemple, ancienne député centriste de Paris et proche de la mouvance LR des «  constructifs  », s’est vue propulsée à la tête de la Commission nationale du débat public. Le salaire, confortable, est de 6 000 euros par mois. Arnaud Leroy, un ancien proche de Montebourg ayant rejoint Macron, a été propulsé à la tête de l’agence de l’environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME). Salaire : 164 000 euros annuels. Bien payé pour avoir flairé le bon coup «  En Marche  ! ». Passons à Sylvie Goulard. Venue du MODEM, brièvement ministre des Armées après sa démission dans le cadre l’affaire des assistants parlementaires du parti, Sylvie Goulard a été nommée second sous-gouverneur de la Banque de France. Rémunération : plus de 300 000 euros annuels. Juliette Méadel, ancienne socialiste devenue secrétaire d’État chargée de l’Aide aux Victimes, un ministère créé ad hoc après les attentats du Bataclan, a été nommée conseillère référendaire à la Cour des Comptes.

Autre vivier à recasés, les inspections générales. Il en existe pour à peu près tout. Les armées, la police, l’Éducation, les bibliothèques, les affaires sociales. Il existe même une Inspection générale de l’administration. Dans le monde orwellien dans lequel nous vivons, une inspection générale des inspections ne serait même plus une surprise. Thierry Lepaon, ancien secrétaire général de la CGT, a choisi l’Inspection Générale de la Jeunesse et des Sports, grâce à Emmanuel Macron et Édouard Philippe. Mieux que Valls, qui l’avait recasé à la tête de l’Agence Nationale de lutte contre l’Illettrisme (ANCIL), dont l’auteur de ces lignes ignorait parfaitement l’existence jusqu’à maintenant. Une belle récompense après le scandale des frais de fonction gracieusement «  piqués  » dans la caisse des adhérents du syndicat qui, sans doute, ont dû être surpris de la destinée de leurs cotisations mensuelles.

Prochain poste en vue : France Télévisions avec Frédéric Mion ?

Le service public de l’audiovisuel est, lui aussi, au cœur des tractations interpersonnelles qui régissent les services rendus au sein de nos chères élites. En effet, le poste est stratégique. Placer un ami à la tête de l’audiovisuel public revient à s’assurer les bonnes grâces d’une personne qui vous sera redevable. Médiatiquement parlant, il serait bien dommage de se priver de la bienveillance des chaînes publiques, qui restent en tête des audiences. Matignon a ainsi très fortement souhaité placer l’un des siens à la tête d’Arte, comme l'a révélé le Canard Enchainé il y'a quelques semaines dans son article "Matignon et les étranges lucarnes". Olivier Courson, qui a occupé le poste stratégique de conseiller d’Édouard Philippe, voulait absolument prendre la tête de la chaîne franco-allemande. Et, en coulisse, Matignon s’est ardemment mobilisé. Finalement, Bruno Patino, un ancien de la chaîne, lui a été préféré. Face à cet échec, Édouard Philippe, alors encore Premier Ministre, s’est tourné vers France Télévisions, où l’on recherche encore un successeur à Delphine Ernotte, si cette dernière n’est pas renommée à son poste fin juillet. Frédéric Mion, actuel patron de Sciences Po et ancien « copain de promo  » d’Édouard Philippe de l’époque «  rue Saint-Guillaume  », semble bien positionné. Un changement à attendre avec le remaniement et le départ d'Edouard Philippe ? A voir...

Pour changer ces méthodes, la meilleure méthode reste d’aboutir à une libération de la politique du copinage qui dicte encore, beaucoup trop, les nominations au mépris du droit de contrôle des citoyens. Vaste programme…

 


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