La peur des écrans I : les mythes

par HappyPeng
lundi 28 juillet 2008

Les réjouissances de nombreux individus face à ce qui est considéré comme le succès de la semaine sans écran devrait inévitablement nous pousser à nous interroger sur la raison qui fait que, décennie après décennie, l’écran, vu comme symbole de la technologie moderne, reste désigné comme une origine fondamentale des maux de notre société, là où, ailleurs, il est aussi banal qu’un aspirateur ou un robinet.

La télé magique

Leurs détracteurs considèrent les écrans comme des objets spéciaux, qui auraient pour propriété d’exercer sur les individus, en particulier sur les plus vulnérables d’entre eux, les enfants, un pouvoir d’attraction et de fascination tels que rien ne saurait être à même de les en éloigner, à part un sevrage forcé, similaire à celui par lequel les drogués se séparent de leurs addictions. Il serait donc dangereux de banaliser l’écran, de la même façon qu’il serait dangereux de laisser en vente libre une drogue dure.

La violence des images

De nombreux commentateurs n’hésitent pas à répéter sans cesse que les écrans propagent quasi-exclusivement des images de violence, et que c’est donc là leur principale fonction pour leurs utilisateurs. Ce fait est le plus fréquemment expliqué à nouveau par des caractères intrinsèques à ce type de scènes : par leur rythme, leurs mouvements, elles auraient un effet spécifique sur le cerveau humain et agiraient comme une drogue. Cette addiction, en se développant, pousserait ensuite les téléspectateurs à augmenter la puissance de leur consommation, et donc à passer eux-mêmes à l’acte dans la réalité, ce qui constituerait le principal danger de l’écran pour la société.

Les pulsions refoulées

Une autre explication serait que cette violence ferait écho à des pulsions instinctives présentes en chaque individu, et aurait pour effet de les développer, puis de les libérer. La théorie serait donc que nous sommes tous naturellement plus ou moins violents, et que nous nous devons de nous réprimer, notamment par la morale et donc une censure de nos écrans.

Mysticisme et réalité

Toutes ces explications ont un point commun : elles se bornent à tenter d’expliquer un phénomène, la violence ou les problèmes liés à un excès de temps passé devant un écran, par des propriétés intrinsèques d’un objet, qu’il s’agisse de l’écran, des images ou du spectateur, dont la véritable compréhension scientifique est repoussée à jamais, et constitue en définitive un mystère.

Il n’est à partir de là nécessaire que d’avoir un peu de rigueur intellectuelle, de désir de comprendre et de connaissance de l’histoire des idées erronées pour se rendre compte du fait que ces explications ne peuvent en aucun cas être satisfaisantes, et se rattachent en fait à des idées mystiques, obscurantistes, empêchant la perception du réel.

La mécanique du désir

Le désir pour quelque chose ou quelqu’un est un phénomène purement lié à la perception de l’individu qui le ressent. Il est en réalité impossible qu’un objet crée un désir chez quelqu’un, comme si cela était de sa seule initiative ; il ne devient objet de désir que parce que ses propriétés répondent à quelque chose qui se trouve déjà en l’individu.

Chercher à expliquer l’attractivité de l’écran par lui-même ou par les images qu’il diffuse est donc insuffisant ; il faut également se demander à quoi répondent chez l’humain ces propriétés pour qu’elles puissent créer un désir.

Mais c’est également une erreur de conclure de ce raisonnement qu’un objet est objet du désir parce que ses propriétés répondent directement à une pulsion fondamentale, qui serait intrinsèque, naturelle, biologique.

En effet, par opposition aux animaux, il y a autant de moyens de satisfaire les besoins humains que d’humains sur terre, et un individu qui n’a jamais vécu en société ne peut que mourir de ne pas savoir y répondre. Le lien entre les besoins humains et les objets de désir relève donc de la culture et non de la nature, ils sont acquis non innés. L’attraction de certains humains vers des images violentes ne peut donc en aucun cas vouloir dire qu’il existe une pulsion naturelle de l’homme vers la violence, pas plus que l’attrait pour l’écran ne peut être expliqué de façon biologique.

Conclusion

L’expérience humaine suffit à montrer que l’explication de l’attraction comme du rejet pour les écrans ne peut se contenter d’une étude de ces objets, ou de ce qu’ils diffusent, ou de la nature de ceux qui les observent, et que cela ne peut mener qu’à des erreurs qui sont la plupart du temps, comme nous le verrons, très néfastes ; mais que tous ces éléments doivent être replacés au sein du tout que forme la société humaine.

La prochaine partie de cet article examinera comment nous pouvons percevoir la réalité du point de vue des télévores.


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