La presse est-elle morte ?
par worf
vendredi 9 avril 2010
Suite à l’émission de Taddeï, Ce soir ou jamais, de mercredi soir où 6 journalistes étaient invités à débattre sur le thème : Les journalistes sont-ils des auxiliaires de polices ?, je m’en vais, moi aussi, de mon commentaire, comme la plupart des bloggeurs car l’émission a dépassé le cadre de cette simple question.
Je ne reviendrai pas sur cette question qui a été déjà posée par d’autres internautes sur ce site mais simplement citer les arguments avancés par les invités.
La plupart ont refusé que les journalistes deviennent des indicateurs de la police, ils ont mentionné le code de déontologie et Joffrin s’est retranché derrière la charte du journalisme. L’un et l’autre ont tout de même reconnu que certains délits pouvaient heurter la personne qu’est aussi le journaliste à tel point que signaler ces délits et leur présumé coupable serait un devoir de citoyen envers la justice. On dit bien signaler. Y aurait-il une distinction à faire entre transmettre une information directement à la police et pousser le confessé à avouer ses crimes devant un inspecteur ? Garder l’information pour soi et ne la révéler que dans les colonnes d’un journal dont la police le découvrira à ce moment-là est-il si différent que de les informer de suite ? N’y a-t-il pas une différence entre les confessions d’un criminel et les révélations d’un simple témoin d’un délit ? N’est il pas hypocrite de se retrancher derrière le fait que le journaliste a publié l’information, il a fait son boulot, aux autres à faire le leur ? Le journaliste est-il qu’un simple communicateur d’information ou ne doit-il pas réfléchir à l’information qu’il détient, son implication, la manière de la présenter, à quel moment, voir la taire ?Ils ont bien sûr fait remarquer que le nom de l’émission, son format a une connotation policière mais il n’a pas fallu attendre la venue de la dite émission pour se rendre compte qu’il y a quelques similitudes entre les 2 professions : chacun mène des enquêtes, questionne, utilise des informateurs. La distinction n’est-elle pas dans le but recherché ?
Mais revenons à cette charte où le journaliste ne peut cacher sa profession au risque avancé qu’il y aurait collusion avec le travail de policier ou que cela provoquerait la confusion auprès des citoyens. J’aurais bien voulu leur rétorquer que voir débarquer une personne avec un micro & une autre avec une caméra devant vous tout en vous posant des questions, il n’est nul besoin de demander leur profession ! Mais plusieurs ont bien reconnu des exceptions à cette charte pour des cas où nul autre moyen n’aurait été possible de révéler une information, que leur entrée dans certains pays est impossible s’ils mentionnent leur profession. Elle commence à être percée cette charte rigide et Gavi lui préfère quelque chose de plus souple, un désir. D’autres cas comme un groupe de personnes fermé, une société peut refuser toute questionnement de la presse, le journaliste doit-il attendre qu’un des membres accepte de parler ou n’est-il pas tenté de les infiltrer ?
Malheureusement ils n’ont pas abordé le thème du reportage tronqué quand une société, un groupe de personne voire un état accepte ce principe que sous certaines conditions, en limitant les questions à des sujets ne les lésant pas, réduisant les éléments et lieux filmés qu’à ce qu’ils veulent bien montrer : information ou mensonge voire publicité ?
D’un autre côté, toute personne interviewée peut refuser de répondre à certaines questions, c’est son droit le plus strict (le cas Mélenchon est là pour le rappeler), et ils reconnaissent que les gens n’en font pas plus appel à ce veto. Par contre rien n’a été dit sur la manière dont les questions sont posées, le montage du reportage où parfois les paroles sont totalement déformées. Le journaliste peut-il garantir l’intégrité de son interview ? Les 2 parties ne doivent-elles pas être conscientes que chacun essaie de dire ou de faire dire ou de cacher certaines choses ?
Le sujet du financement de la presse n’a à peine été abordé, juste pour rappeler la situation déplorable de l’entre 2 guerres où la presse était achetée et que cette situation pourrait réapparaître et la problématique des annonceurs, du financement. Mais n’est-elle pas revenue d’une manière bien plus insidieuse quand les grands groupes de presse sont aux mains que de quelques personnes, industriels et autres ? L’indépendance et l’autonomie de la presse est-elle encore garantie ? Quand les journalistes ne s’intéressent pas à certaines rumeurs, buzz et vidéos circulant sur le net, préfèrent-ils fermer leurs yeux sur des sujets ne les motivant pas ou sont-ils "déviés" ? Ont-ils peur de découvrir que cette rumeur est fondée ? Pourquoi autant de gens ne croient plus ce qu’il est raconté dans les journaux ?
Concernant la presse écrite, tous ont reconnu que les tirages sont en chute libre mais cela fait déjà quelques années et que les journalistes en sont en partie responsables de son discrédit. Mais cumuler le nombre de lecteurs et d’internautes visitant leur site comme Joffrin le fait est une grave erreur pour avancer l’audience de son journal. Les visiteurs peuvent être aussi des acheteurs papier. Il a une grosse différence entre celui qui chaque jour passe une heure à lire un journal sur un site et celui qui le visite de façon totalement occasionnelle et de courte durée. Par contre ils reconnaissent que de nombreuses erreurs non corrigées, un manque de rigueur, un marketing à trop court terme dégradent la presse écrite et que le retour à plus de sérieux, être plus en phase avec le public sans tomber dans la presse people pourraient rendre plus de crédibilité à ce secteur en difficulté.
Quant à Internet, révolution aussi importante pour eux que celle de l’imprimerie et la profusion de sites consacrés à l’information, les blogs, même s’ils reconnaissent que certains sont très bien écrits, les bloggeurs ne produisent pas de l’information. Encore heureux, sinon à quoi servirait encore la presse ! Mais si les blogs, les sites d’information sont principalement consacrés aux commentaires, la plupart des articles de presse ne sont aussi que des commentaires. Le danger d’Internet n’est pas dans la gratuité de l’information comme le pense Joffrin ? Parfois communiquée par un internaute, dans Google News qui la relaie sans rien payer aux journaux, dans une presse à 2 niveaux, l’une de très haute qualité et pointue mais réservée qu’aux riches qui se développe et l’autre pour la populace. Pourtant les journaux ne payent l’information donnée par l’AFP à ce que je sache ! Certains voient dans Google, Apple, Orange... des ogres qui vont contrôler le net, ont-ils raison ?
En conclusion, j’ai assisté à une émission où les invités ne sont pas restés dans leur tour d’ivoire, ils sont venus débattre, reconnaître certains torts et lacunes. Même si certains aspects n’ont été que survolés ou escamotés, la durée trop courte pour ce genre de débat qui a dépassé largement la question initiale n’a pas permis de les aborder. On peut regretter l’absence d’un non journaliste, un bloggeur par exemple pour contrebalancer certains propos.
Quelle sera l’avenir de la presse et plus précisément écrite ? Dans une certaine presse de pointe, à haute valeur ajoutée mais très chère ? Dans une presse où se mêlent journalistes professionnels, amateurs, bloggeurs commentant l’information gratuite (AFP, vidéos de portable, revendication...) ? Un retour aux fondamentaux de la presse, plus de rigueur, aux reportages et enquêtes ?