La radio se veut numérique

par Denis Florent
jeudi 28 septembre 2006

Les grands opérateurs radio en France se sont regroupés pour exiger du gouvernement un grand plan Radio numérique qui verrait - à l’instar de ce que fut la TNT l’année dernière - la radio basculer en numérique. Décryptage.

Le succès des bouquets de type XM-radio aux Etats-Unis, puis le succès imprévu de la TNT en France l’année dernière, donnennt des envies numériques aux opérateurs radio français. Soit. On peut les comprendre : le DAB leur fait les yeux doux depuis quinze ans ! Le club éponyme - créé en 1991 et aujourd’hui disparu - avait même poussé jusqu’à la danse du ventre : des émetteurs et quelques récepteurs éparpillés dans les voitures... des membres du Club DAB ! Même le nom de domaine est tombé (dabfrance.com), récupéré par un vendeur de pubs. Triste.

Si l’on comprend que les opérateurs s’excitent aujourd’hui, exigeant d’une certaine façon que notre pays rattrape son retard, on n’en doit pas pour autant devenir des adeptes fanatisés de la future French radio numérique. Et quitte à être en retard, n’est-il pas temps de passer directement à la technologie suivante ?

Le modèle américain XM est fondé sur du signal provenant directement du satellite, à l’instar de Worldspace. Ceci présente un inconvénient technique non négligeable : l’obligation pour l’antenne de réception de bénéficier d’une "vue" directe du ciel. En ville, au milieu des immeubles, on fait comment ? XM a été conçu pour les voyageurs au long cours que sont les Américains. Parfait pour les camionneurs qui traversent la bannière étoilée de long en large (voir ici l’hommage rendu à La Radio par Alan Jackson, troubadour country), XM ou Worldspace sont totalement inadaptés à un environnement citadin, ou a fortiori domestique. On ne peut pas trimballer son récepteur Worldspace de la chambre aux toilettes en passant par la cuisine sans perte de signal. Il faut "voir" le ciel... Et en numérique, qui dit perte de signal dit réel décrochage. Nada. Rien. Nimic. Ni chto.

Le modèle économique, en revanche, en fait rêver plus d’un : abonnement mensuel pour une somme modique (12,95 USD pour le bouquet de base XM), des centaines de canaux en qualité numérique irréprochable, et les fameuses données associées (pochettes de CD, infos artistes, météo, etc.).

L’idée commerciale géniale qui a engendré le succès que l’on sait pour XM-radio, c’est d’avoir mis les boeufs avant la charrue. Autrement dit, à la stupide question : " - A quoi sert-il de faire de la radio pour des gens incapables de la recevoir ?", XM a répondu par une solution simple. Ils ont commencé par négocier avec les plus grands fabricants automobiles distribués aux USA pour que les récepteurs soient installés d’usine dans les nouvelles voitures en production. Et une fois le deal signé, ils ont lancé le bouquet !
Pendant ce temps-là, en France, nous continuions à émettre en DAB pour les cinq récepteurs des membres du Club DAB. CQFD.

Mais le DAB n’est pas la radio par satellite. C’est de la radio terrestre. Numérique et terrestre, ce qui la rapproche de la fameuse TNT. En gros, ça signifie que le signal provient d’émetteurs installés sur le plancher des vaches (ok, sauf celui de la Tour Eiffel, ok...) et qu’il parvient aux récepteurs même à travers les murs - théoriquement.

Là où le bât blesse, c’est que le nombre de récepteurs radio numériques installés dans le grand public français est proche de... zéro ! Idem pour la TNT un mois avant son lancement, me direz-vous ! Certes... à une différence - notable - près : les téléviseurs ont des entrées (des Péritel ou des RCA) qui permettent de visionner un signal en provenance d’une source extérieure - votre décodeur TNT par exemple... alors que les récepteurs radio se contentent de recevoir la radio ; point. Il y a fort à parier que votre autoradio ne possède pas d’entrée audio, idem pour votre radio-réveil, encore idem pour votre petit récepteur mono de cuisine, etc. Or, ces petits récepteurs-ci font le succès de la radio en France. Si plus de 84 % des Français ont écouté la radio aujourd’hui, c’est parce que leur vie est émaillée de petits récepteurs par-ci par-là.

Faire de la radio numérique terrestre exige donc aujourd’hui de changer le parc des récepteurs radios en France. Ce n’est pas impossible, mais c’est une autre paire de manches que de vendre des décodeurs TNT.

Et tout ça pour quoi ?

L’autre question qu’on est en droit de se poser est évidemment celle de l’offre. Si l’on me demande d’investir dans des récepteurs radio à 500 euros...pour recevoir les mêmes robinets à pub qu’aujourd’hui... quel intérêt ? Les données associées ? Qui a le temps de les regarder ? Et de toutes façons, puisque les radios tournent avec 400 titres... tous ultra-tubesques... que pourrais-je d’apprendre que je ne sache déjà avec ces fameuses données ?
Non, la force du support numérique est dans le changement du contenu qui l’accompagne. En comparaison de la VHS, le DVD apportait les langues, les sous-titres optionnels, et surtout l’accès direct aux chapitres. Un vrai plus, au-delà de la simple performance qualitative technique.
La radio veut devenir numérique. Certes. Saura-t-elle accompagner ce changement ?

Free as a bird

Mais l’empressement des opérateurs radio cache mal leur angoisse : et si un outsider venait les coiffer sur le poteau, dans leur propre stade ?
L’outsider, aujourd’hui, c’est bien sûr Free (Iliad), seul détenteur d’une licence Wimax nationale. Avec cette licence, avec l’émergence des premiers téléphones hybrides GSM-Wifi lancés cette semaine par Orange, se profile un futur numérique plus logique, car intégré. Mon Net, mon téléphone, ma TV, ma radio. Point. Et fi des standards surannés avortés. Ce sera l’occasion d’une autre tribune, ici ou ailleurs. Mais il est clair que l’avenir du transport des médias passe évidemment par les transporteurs numériques actuels, au rang desquels Free fait figure de meneur, tant par son avancée technologique que par son inventivité sans cesse renouvelée. Qui aurait imaginé , il y a dix ans, que Free serait mon fournisseur de téléphone ou de TV ? C’est le cas aujourd’hui. A quand la radio véritablement mobile ?


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