Le Charivari médiatique

par siatom
samedi 15 septembre 2012

Souvent, presse varie, bien fol est qui s’y fie. Cette libre adaptation d’une célèbre phrase attribuée à François 1er( souvent femme…) sans doute inspirée par une déception amoureuse nous semble tout à fait d’actualité ces derniers jours. Nous pourrions la compléter par, souvent presse charrie. C’est d’ailleurs l’association de ces deux verbes qui nous a inspirée le titre de ce billet.

 L’exemple emblématique de cette presse folle atteinte d’encéphalite à emballement médiatique (EEM) est évidemment Marianne. La similitude de cette pathologie avec la maladie bovine qui mit en émoi toute l’Europe n’est pas fortuite.

A son origine, une primo infection, la sondagite aiguë et un agent pathogène appelé le prion des tirages qui n’est qu’une mutation du prion des pâturages, les symptômes sont divers, hyper émotivité, troubles de l’affectivité et de l’humeur et surtout comportement moutonnier.

Il est frappant de constater l’effet dévastateur sur l’opinion et la classe politique de cette surinfection médiatique lors des crises successives de la vache folle et de la grippe aviaire.

Mais revenons à nos moutons, et à celui qui dans l’excès occupe le haut de la hiérarchie, le mal-nommé « Marianne ». L’un de ses slogans visant à ‘booster’ les abonnements se présente ainsi : « Si des médias qui à 98% pensent et disent la même chose sur 90% des sujets ne vous suffisent pas, abonnez vous à Marianne » est d’une force comique insoupçonnée, même par son auteur.

Il suffit pour s’en convaincre, de visionner une courte vidéo tirée d’un documentaire de Pierre Carles sur le traitement médiatique des élections présidentielles de 2012 en France.(*)

Au départ, Marianne, le journal différent avait jeté son dévolu sur DSK, l’un de ses éditorialistes en pamoison, Nicolas Domenach implorait le messie du FMI « Il servirait encore mieux la France en France qu’à l’étranger, on l’attend, on l’espère, plus que tous les autres ».

Et puis on connait la fin tragique du héros, ‘’Naffissatoufaitomberaleau’’ comme l’appellent certains commentateurs non familiarisés avec la langue peuhl, a ruiné les espoirs de toute une coterie journalistique.

Qu’à cela ne tienne, Marianne comme les autres soupirants, s’est alors entichée, les yeux rivés sur les sondages, d’un ancien replet, customisé de la tête aux pieds, redessiné par un nutritionniste médiatique sur les conseils d’une styliste alsacienne

Bien sûr, les lecteurs et les électeurs qui sont souvent les mêmes étaient déboussolés. Après la flamboyance strauss-kahnienne, d’ailleurs plus straussienne que kahnienne et tandis qu’ils dansaient à ses bras ‘’la Valse de l’empereur’’ les yeux noyés dans le ‘’Beau Danube bleu’’, la musique s’interrompait soudain et ils étaient priés d’aller chercher un autre cavalier qui faisait tapisserie.

Pas bégueules, ils se lancèrent alors dans une valse musette effrénée avec le nouveau partenaire, moins fringant sans doute que le précédent,mais plus proche d’eux,comment dire ? Plus normal. C’était le mot juste. Ils remercièrent les organisateurs et oublièrent vite le premier,trop au dessus de leurs moyens.

 L’éternel remplaçant avait triomphé, la Marianne était aux anges. Hormis la détestation viscérale unanime du prédécesseur, quels étaient les arguments qui incitaient nos éminents éditorialistes à vouloir convoler en justes noces avec l’élu de leur cœur ? Le programme, les compétences, l’envergure du candidat ?

Si l’on en croit le cofondateur de Marianne, très fleur bleue, comme celle de l’épice auquel son patronyme fait songer, l’explication est plus prosaïque, « il était sympathique et drôle ». « Toute la gauche le voulait, comme elle voulait avant DSK ».(*)

Les premiers pas de l’heureux élu avaient déchainé l’enthousiasme, il avait séduit l’Allemagne, les États Unis, s’apprêtait à faire succomber l’ogre chinois, et serait, à n’en point douter, le phare du nouveau rayonnement français, un peu comme BB dans les années 70, le sex appeal en moins.

S’annonçait alors une aube nouvelle pour l’hexagone, sans qu’on sache exactement, ce que recouvrait ce terme, sinon sans doute et plus modestement le titre du magazine trimestriel du Conseil Général du département éponyme.

C’était la belle mais courte époque où François naviguait dans sa frêle embarcation en père peinard sur la grande mare des canards sous un pavillon de complaisance médiatique.

Nous avions raillé fin mai ce nouvel emballement, dans un billet de mauvaise humeur intitulé « Le Ravi de la crèche et les béats médiatiques » qui se concluait par cette phrase "Ben oui, coco, la béatitude, on ne va pas s’y vautrer dedans tout un quinquennat, ce n’est pas bon pour les tirages".

Prescience ? Don de divination ? Non, tout simplement la prise en compte de la réalité économique, la béatitude n’est pas vendeuse. Les hebdos, Marianne en tête de gondole, qui avaient charrié des tombereaux d’insultes sur le précédent locataire le regrettaient déjà, non pour sa personnalité qu’ils exécraient mais pour sa force d’attraction-répulsion à haute valeur ajoutée, économiquement très rentable.

Rien de tel pour doper les tirages pour cet hebdo qui est à, la politique ce qu’est ‘’Le Nouveau Détective’’ aux faits divers.

A peine 3 mois après la célébration du mariage en grande pompe, c’est l’anamour, le ‘je t’aime, moi non plus’, pire, le désamour. Un verre d’Ipsos, une rasade de Sofres, un sucre imbibé d’IFOP et les voilà pris de boisson, secoués par un délirium très épais.

Alors désinhibés, ils le tancent, le morigènent, l’admonestent vertement, lui intiment l’ordre de se secouer, d’arrêter ses bêtises, se demandent tout haut, photo du cortège marial à l’appui, « Sont-ils si nuls ? » traitent leurs fans de cocus et suprême outrage s’interrogent « Et si Sarkozy avait eu raison ? » Et pourquoi pas lui demander de se sortir les doigts du c.. ?

Même, Jean François Kahn le pape de la modération s’en émeut « L’anti hollandisme ne succède t-il pas à l’anti sarkozysme primaire ? » Quand un homme aussi pondéré que JFK défenseur des droits de l’homme et du droit de cuissage réunis s’inquiète c’est qu’il y a péril en la demeure.

A cette nuance près, linguistique mais aussi sémantique, que la sarkophobie fait place au hollande bashing, le grec ancien à l’amerloque, la haine au dénigrement.

Nous ne sommes pas dans le même registre qu’avec le devancier, on est dans la déception amoureuse, les reproches amicaux de grands frères, les « Tu peux mieux faire », dans le désenchantement aznavourien de « tu t’laisses aller » avec l’espoir comme dans le dernier couplet, qu’il redevienne le Président qui leur a donné tant de bonheur ,et parfois comme par le passé, ils aimeraient que tout contre leurs cœurs, il s’laisse aller, il s’laisse aller.

Un rebond dans les sondages ? Et tout sera oublié, pour un moment, jusqu’à une prochaine rechute. Comme toutes les maladies chroniques, la sondagite et l’EEM ne sont pas guérissables, on compose avec.

Notre boucher nous a expliqué comment la filière bovine avait jugulé l’épizootie avec des solutions drastiques mais très efficaces, et suggéré que peut être …

Nous ne pouvions en entendre plus, par humanité, mais aussi par réalisme, la relève est prête, élevée en batterie dans des poulaillers industriels appelés pompeusement écoles de journalisme, bien décidée à nous pondre quantité d’articles labellisées ‘’Orientation Idéologique Garantie’’ ; Alors à quoi bon ?

Non, il nous suffira, puisque le vaccin n’existe pas, de nous conduire en consommateur éclairé et responsable, de réduire notre consommation médiatique, de vérifier les dates de péremption des éditorialistes afin d’éviter la propagation de la contagion.

 

(*)Côté Pile puis Face http://www.dailymotion.com/pierrecarlesorg#video=xq276r une vidéo de 7mns tirée d’un document cité plus haut’Court entretien Szafran/ Melenchon /Demorand aux Etats Généraux de Libé et interview on et off de Maurice Szafran Président de Marianne’’.


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