Le contrôle de l’Internet par les États-Unis
par Francis Pisani
lundi 5 décembre 2005
La création d’un espace réservé aux sites pornos (.xxx) vient d’être remise aux calendes de la droite chrétienne américaine.
Vinton Cerf, le président de l’ICANN (Internet corporation of assigned names and numbers) qui a la responsabilité de cette décision, a annoncé quelques heures avant la réunion consacrée au sujet qu’il lui fallait plus de temps pour lire le rapport faisant le tour de la question. Le texte est pourtant disponible depuis août dernier.
On serait tenté d’offrir des lunettes ou des cours de lecture rapide à ce vénérable patriarche de l’internet, mais le problème est plus grave : il est une illustration flagrante du contrôle exercé par les États-Unis sur une partie essentielle de l’internet.
L’ICANN qui assigne les adresses nous permettant de trouver les sites que nous cherchons est une institution-clé.
Association selon le droit californien, elle fait ce qu’elle veut mais... elle ne peut pas changer le système des noms de domaine sans l’approbation du Département du commerce des États-Unis. Celui-ci est soumis à de fortes pressions de certaines organisations de la droite chrétienne, qui disent que la création des domaines .xxx équivaudrait à une officialisation de la pornographie.
Les tenants de la proposition affirment, pour leur part, que la mesure permettrait d’avoir des règles plus claires, et qu’elle faciliterait le filtrage par les parents ou les institutions soucieuses de préserver la moralité de leurs membres.
Milton Mueller, professeur à l’Université de Syracuse, a déclaré à Reuters qu’il s’agit là d’une illustration de la capacité des États-Unis à abuser de leur pouvoir de contrôle sur l’ICANN.
"If ICANN caves in to this pressure, it reveals to the world that it really is just a plaything of the U.S. administration, and the U.S. reveals to the world that it is able and willing to abuse its power over ICANN."
Le problème a été abondamment évoqué à l’occasion du sommet de la société de l’information, qui s’est tenu à Tunis le mois dernier. Passer le contrôle à des représentants de gouvernements, comme le demandaient certains d’entre eux, ne semble pas la bonne réponse. L’ICANN a fait un effort pour intégrer des représentants de la société civile. Plutôt que de remplacer le contrôle d’un gouvernement par le contrôle de plusieurs, il faut trouver un modus operandi original, dans lequel société civile, gouvernements et entreprises puissent débattre de façon innovante.
Mais j’imagine que tout le monde n’est pas d’accord avec cette vision des choses. Alors, allez-y...