Le fond de l’affaire Zemmour vs Youssoupha

par Jason Moreau
samedi 17 septembre 2011

Tout commence début 2009 avec la mise en ligne du titre ‘ A force de le dire ‘ interprété par Youssoupha, rappeur congolais originaire du Val d’ Oise. Ce titre vient annoncer la couleur du 2è album de Youssoupha (sur les chemins du retour) dont la sortie est prévue quelques mois plus tard. La Réaction d’ Eric Zemmour ne se fait pas attendre, puisque le 25 Mars 2009 celui-ci dépose plainte pour ‘menace de mort et injure publique’. En effet, cette chanson comporte un passage où le Chroniqueur est nommé : « J’mets un Billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour ! ».

En quelques jours, c’ est la polémique autour du morceau qui en plus de rencontrer un vif succès alors que l’ album n’est pas encore sorti fera néanmoins l’ objet de critiques positives ou négatives, que ce soit de la part des fans de l’ Artiste, ou d’autres personnes d’accord avec Zemmour, qui pensent qu’il faut censurer certains propos dans le Rap.

Cependant, il faut souligner que s’il est vrai que le Chroniqueur est nommé dans un passage, ce même vers ne peut être compris s’il n’est pas restitué dans son propre contexte. Et donc si à première vue, on a l’impression que c’est Eric Zemmour qui est pris à partie, à l’écoute de la strophe en question, on comprend qu’il en est autrement.

Voilà le passage en question :

« A force de juger nos gueules, souvent les gens le savent

Qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards

Chaque fois que ça pète on dit que c’est Nous,

J’Mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour. »

Ainsi, tout est beaucoup plus clair dans la mesure où Eric Zemmour est nommé, mais en plus « des » chroniqueurs qui diabolisent les banlieusards. Cette strophe est en fait une réponse à toute la diabolisation dont fait preuve le chroniqueur envers les quartiers populaires d’île de France (qu’il assimile automatiquement avec les rappeurs, les délinquants, et donc l’immigration) en déclarant que « le Rap est une musique d’ analphabète et une sous culture ». Zemmour qui avait, rappelons-le, déclaré suite aux émeutes de 2005 que les rappeurs étaient responsables des dégâts causés en banlieues durant le mois de Novembre. On peut comprendre qu’un Rappeur qui ne prône pas la violence, ni les armes, ni la drogue comme Youssoupha puisse répondre dans un Titre qui parle de différents problèmes de société, de quartiers populaires.

Pour en revenir au procès, l’affaire a été présentée le 15 septembre 2011 à 15 heures dans la 17 è chambre correctionnelle au Tribunal de Grande Instance.

Dans la salle d’audience, remplie des fans venus apporter leur soutien au rappeur, L’Avocate d’Eric Zemmour (absent !) a souligné le fait que le passage nommant celui-ci constituait bien une injure publique. Elle reproche notamment au rappeur d’avoir, malgré la censure, continué à chanter en concert le passage mis en cause et d’inciter le public à le chanter plusieurs fois le majeur en l’air. La défense a riposté en avançant qu’étant donné l’ampleur prise suite à la polémique autour du morceau, le public connait ce passage, sachant qu’il a en partie contribué à son succès. Le Procureur de la République a souligné la nécessité de reconnaître la liberté d’expression dans une musique aussi populaire que le Rap, et a rappelé qu’en Mars dernier, Mr Zemmour lui-même prônait la liberté d’expression, et donc qu’il est mal placé pour intenter un procès dans ce domaine.

Le Verdict sera connu le 26 octobre.

On comprend que l’affaire opposant Eric Zemmour face à Youssoupha n’est pas seulement une affaire personnelle, mais constitue une bataille de plus dans la Guerre menée au Rap Français qui a déjà impliqué NTM, la Rumeur, Sniper. Le But réel n’est pas seulement de faire reconnaître par la Justice que le passage de la chanson ‘A force de le dire’ est une menace de mort ou une injure publique, mais il est surtout de tenter de faire croire aux personnes déjà hostiles au Rap Français que c’ est une musique violente et offensive qui devrait faire l’objet de censure. On peut penser que le véritable objectif d’Eric Zemmour se trouve dans ce sens, étant donné la tournure qu’il fait prendre à cette affaire en impliquant le public, de sorte à faire croire que le Rap influence négativement les Jeunes. De plus, il convient de rappeler que le Web Master du site ‘Rap1pulsif.com’ était aussi attaqué dans cette affaire, alors qu’il avait à la demande de Mr Zemmour supprimé les paroles du titre du Rappeur. Tous ces éléments nous montrent à quel point le Rap, ces 10 dernières années est victime d’acharnement de la part de la presse, mais aussi des politiques (suite à Nicolas Sarkozy face au groupe la Rumeur) de sorte que des personnes comme Michel Raison (député) aient de plus en plus de motifs pour aboutir à leur projet de loi de limiter le contenu du Rap en France.

Au Final, si le Rap fait autant l’objet de controverses, on peut au moins être certain que c’est parce qu’il dérange de par son caractère revendicatif, mais aussi par les vérités dérangeantes qu’il soulève sur les problèmes et les réalités de la société. Toutes ces affaires n’ont qu’une finalité, faire taire la Voix des sans Voix en portant un coup de grâce au Rap par la Censure.

Par J.Moreau 


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