Le troupeau est mal coché

par Lilian Elbé
mercredi 14 avril 2010

L’audience est la raison d’être des chaînes de télé, et Médiamétrie en est la voix divine. La survie d’une émission se compte en millions de téléspectateurs. Mais avec l’évolution récente du rapport des téléspectateurs au petit écran, la société de comptage de légumes a fort à faire si elle veut continuer à vendre des estimations réalistes.

Médiamétrie : 25 ans d’extrapolations

Chaque semaine les directions de programmation sont fières d’annoncer que tel téléfilm recyclé a fait 40 % de part d’audience, ou 8 millions de téléspectateurs. Tout le monde y croit, à commencer par la ménagère devant son canapé, persuadée de participer au système, de choisir comme dans un isoloir à qui elle va confier sa voix. Mais ne vous y méprenez pas ! Ce n’est pas Big Brother, et Médiamétrie ne sonde pas chaque foyer en France, loin de là...

Médiamétrie est une société privée financée par ses principaux clients, à savoir TF1, France Télévisions, les grandes radios et les annonceurs publicitaires. Avec un chiffre d’affaire de 59 millions d’euros, compter les moutons rapporte gros ! Et c’est encore plus simple quand il n’y en a que 8000 à cocher... Je m’explique. Lorsque vous entendez qu’en 2009 vous étiez 12,3 millions à regarder les Enfoirés (si si, mais j’ai mieux : le 25 mars 2004, 11,5 millions de masochistes auraient regardé Julie Lescaut), c’est un mensonge. Ou plutôt une extrapolation. En réalité, ce n’est pas parce que vous allumez votre télé qu’instantanément vous êtes recensés dans les fichiers de Médiamétrie.

Le calcul s’effectue sur un panel de seulement 3200 foyers, soit 8000 personnes en France, qui disposent d’un boitier spécialisé, distinguant aussi chaque membre de la famille. Donc quand vous entendez qu’en 2009 dix millions de personnes ont regardé Dr House, en réalité elles n’étaient que 2700 ! Ensuite c’est multiplié, extrapolé, jusqu’à atteindre un rapport avec les 30 millions de Français regardant la télé chaque soir. Chez Médiamétrie, on nous affirme que le panel est savamment établi selon des critères sociaux représentatifs de la population française, mais le nombre des cobayes reste tout de même bien léger !


La minorité fait la loi

Si ça se trouve, l’échec de la Ferme Célébrités, c’est simplement dû à une coïncidence, tout le panel a eu ce soir là un éclair de génie, et a préféré faire un Scrabble en famille au lieu de s’abrutir bêtement. Mais qui sait, à un jour prêt, ils auraient peut-être tous regardé, et TF1 aurait conservé la programmation en prime-time... Ouf.

En clair, ces 8000 personnes ont un pouvoir énorme pour le choix des programmations. Mais elles ne s’en rendront sûrement jamais compte.

Médiamétrie à la traine

Tant qu’il n’y avait que les 6 chaînes hertziennes à sonder, c’était peinard pour Médiamétrie. Mais avec la montée en puissance de la TNT, il a fallu revoir les méthodes de calculs. En réponse à la multiplication des programmes : quelques 5000 personnes en plus dans le panel d’ici à 2012 et basta, c’est censé être plus représentatif de la population.

Et s’il n’y avait que la TNT, mais c’est sans compter sur le développement du visionnage en différé, des programmes en VOD, et l’arrivée proche sur le marché de la TV sur mobile. Pour tout ça, Médiamétrie cherche encore une solution mieux adaptée (il est temps !). On parle même de recenser tout le monde via les boitiers TV des box internet... Qu’ils essayent tiens, et qu’ils nous fassent croire que c’est simplement par souci statistique. En arrivera-t-on à l’espionnage de la vie privée pour le compte des publicitaires ? Médiamétrie’s watching you ! A suivre ! 

 

Savoir à moitié utile : Depuis la création de Médiamétrie, les 10 meilleurs audiences réalisées ont toutes été pour TF1 et pour du sport : 8 pour le football, et 2 pour le rugby. Le meilleur record historique a été la demi-finale de la coupe du monde 2006 France-Portugal, avec (soi-disant) 22,2 millions de téléspectateurs ! On comprend mieux pourquoi les chaînes se battent pour avoir les droits de diffusion...


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