Le Web participatif

par Miguel Membrado
lundi 20 novembre 2006

Web 2.0 et Ere participative, ou comment les nouvelles applications du Web 2.0 vont révolutionner jusqu’à nos entreprises et nos démocraties en libérant l’esprit participatif, que l’être humain a apparemment en lui.

Ce n’est plus un mystère pour personne, nous sommes entrés dans l’ère du Web 2.0. Et cela très précisemment depuis octobre 2004, date de la première conférence Web 2.0 d’après l’historique relaté dans Wikipedia, grâce à O’Reilly, Batelle et Dougherty. Comment définissaient-ils ce concept de Web 2.0 (Wikipedia) :

the Web as platform data as the driving force network effects created by an « architecture of participation » innovation in assembly of systems and sites composed by pulling together features from distributed independent developers (a kind of « open source » development) lightweight business models enabled by content and service syndication the end of the software adoption cycle (« the perpetual beta ») software above the level of a single device, leveraging the power of « The Long Tail »

Il est de plus très intéressant de noter que (toujours dans le même article Wikipedia) :

« An earlier usage of the phrase Web 2.0 was as a synonym for »Semantic Web« , and indeed, the two concepts complement each other. The combination of social networking [...] with the development of tag-based folksonomies and delivered through blogs and wikis creates a natural basis for a semantic environment. »

Par ailleurs, Scot Mc Nealy, le CEO de SUN, déclare le 24 février 2006, à l’occasion des vingt-quatre ans de la société :

« The biggest industry trend in the IT sector is the move from the Internet world to the participation age [...] With regard to the move away from the »Internet age« to the participation age, in which instant messaging, blogging, e-mail and podcasting are the norm, McNealy said this move was a good and positive thing and would enhance all forms of media. ».

Ces quelques définitions m’amènent à quelques commentaire préliminaires avant d’entrer dans le vif du sujet :

Du contenu et du flux

Ces quelques citations posées, tous ceux qui s’intéressent au Web ont bien remarqué ces deux dernières années que quelque chose de fondamental a changé. Personnellement j’ai l’impression d’être revenu aux sources de l’Internet, à l’époque (1993-1995) ou les passionnés chattaient en IRC, s’échangeaient les meilleurs tuyaux d’un bout à l’autre de la Terre, faisaient des rencontres extraordinaires, etc. Cette époque d’échanges et de relations humaines avait semblé disparaître avec le boom commercial de l’Internet, et voilà que les blogs ont à nouveau tout chamboulé, depuis longtemps aux USA, depuis plus récemment en France, et permis à nouveau la création et l’émergence de communautés humaines, totalement interactives. On peut les appeler réseaux sociaux, groupes d’intérêts, ou toute autre dénomination, le résultat est le même, et c’est celui qui nous intéresse ici, ces gens, qui ne se seraient jamais regroupés dans la vie réelle, font ici connaissance et partagent énormément dans le monde virtuel, quitte à continuer ensuite dans le monde réel.

Nous sommes donc entrés, au moins pour le grand public, dans l’ère du contenu : produit, consulté, échangé, partagé, diffusé en ligne directement, sans aucun autre intermédiaire. Nous subissons un flux continu d’informations, à travers l’e-mail (notons d’ailleurs que les adolescents n’utilisent pratiquement plus cet outil) ou à travers l’IM et maintenant les fils RSS.

Nous structurons notre vie par rapport à ces flux d’informations, aussi bien à travers notre action individuelle qu’à travers notre action collective, puisque toutes ces sources d’informations proviennent d’autres personnes que nous, autour de nous (notre réseau social élargi = relations réelles + virtuelles). Et bien que parfois, timidement, nous participons progressivement à ces flux en y apportant notre propre pierre (quelques commentaires par-ci par-là, l’ouverture d’un blog, d’un album photo public et tagable, etc.)

Est-ce de la collaboration ? Oui et non, car la collaboration s’est toujours voulue structurée et « travailleuse » (travailler avec d’autres - à une oeuvre commune, Larousse), répondant à des règles précises établies par la communauté qui collabore. Or nous remarquons aisément que face à un flux d’informations aussi important, la collaboration structurée n’est plus possible, ou en tout cas ne peut pas être la colonne vertébrale des relations interhumaines. Seul participer (s’associer, prendre part à, Larousse) devient possible, concept plus large que la collaboration.

Le Web participatif

Les blogs, les wikis, les réseaux sociaux constituant les nouvelles communautés du Web 2.0, la capacité à commenter, à créer des liens, à s’intégrer dans des réseaux virtuels, à modifier le contenu rédigé par d’autres, à publier ses propres articles dans des journaux citoyens, à voter en ligne, sont en train de complètement faire évoluer le mode de relation entre les individus, où tout un chacun est à la fois acteur, auteur et lecteur, et ce mode de relation est bien plus que collaboratif, il est participatif.

Nous sommes donc en train de participer tous ensemble, grâce à Internet, à la création d’un flux continu de contenu, qui se structure progressivement au fur et à mesure des besoins des uns et des autres, et nous permet d’entrer dans une nouvelle dimension, celle du du Web participatif.

Beaucoup d’étapes ont été successivement franchies depuis l’émergence du Web, et les outils ainsi que les sites Web ou les intranet et extranet ont suivi progressivement ces évolutions. Elles sont au nombre de cinq :

  1. publication
  2. interaction
  3. échange
  4. collaboration
  5. participation

Ces cinq étapes sont comme des poupées russes, elles s’emboîtent les unes dans les autres, la plus petite étant la publication.

Le mode participatif est non structuré, il est transversal, il est d’égal à égal, il est hétérarchique. Paradoxalement, les outils collaboratifs, outils structurés, se sont difficilement imposés dans les organisations, pourtant elles-mêmes fortement structurées, mais en fait, le constat, après quinze années de générations diverses de logiciels de travail collaboratif, est que l’être humain a beaucoup de mal à travailler de manière structurée.

A l’inverse, les outils participatifs, n’imposant quasiment aucune structure, et créant un chaos informationnel conséquent sur de gros volumes, sont très rapidement adoptés par les utilisateurs eux-mêmes, alors même qu’ils heurtent les structures et hiérarchies établies dans les organisations (un chef d’équipe verra mal son subordonné faire un commentaire critique sur la page Web qu’il a publiée, et encore moins en modifier le contenu...)

Est-ce une situation immuable ? Non, le retour d’expérience du Web 2.0 et l’adoption massive par les utilisateurs grand public montrent le contraire : c’est une évolution inéluctable. Et nous, qui avons travaillé autant d’années dans le collaboratif structuré, nous savons pertinemment que la nature humaine préfère une non-organisation à une organisation structurée, quitte à réorganiser ensuite, par cycles.

Nous sommes donc entrés de plain-pied dans l’ère du Web participatif, communément appelé le Web 2.0, qui, par son usage, modifie en profondeur les relations de groupes humains, en dehors ou au dedans d’organisations structurées, et va finir par bousculer complètement les relations hiérarchiques et les relations de pouvoir au sein de nos sociétés. Cela ne pourra que contribuer au réveil des forces vives et créatrices de chacun d’entre nous, à condition de savoir les canaliser correctement pour produire de la valeur.

Le Web participatif est donc l’étape ultime en termes d’organisation et de création de valeur. Il va créer ses propres règles, ses propres usages, et nous n’en sommes qu’au début, tout reste à construire. L’entreprise va s’en trouver chamboulée (l’Entreprise 2.0 est à la mode depuis quelques mois) ainsi que la démocratie (Démocratie 2.0, deuis longtemps débattue dans la blogosphère, et peut-être à l’oeuvre dans la vie réelle dans les mois à venir).

Préparez-vous à cela, car la nouvelle génération a déjà implicitement intégré cette dimension. Et comme dans tout changement de paradigme important, il faut se mettre en situation d’usage pour le comprendre, le faire sien, et pouvoir ensuite en tirer profit. Sinon, le risque de rester sur le bord de la route est grand...


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