Les bourrelets de la discorde : le ventre du président et les fesses de la chancelière
par Euros du Village
jeudi 23 août 2007
Des deux côtés du Rhin, on sait polémiquer à propos d’un bout de gras. Mais quand en France c’est pour quelques grammes de moins, en Allemagne, c’est pour quelques grammes de trop. Autant dire qu’il n’y a pas photo, ou plutôt si : alors que Paris Match déclenche une polémique à propos d’un coup de Photoshop magique éliminant les poignées d’amour du président français, ce sont les fesses d’Angela Merkel en première page du magazine britannique The Sun qui font du bruit (enfin juste la photo). On aura aussi pu admirer un autre coup de Photoshop, mais cette fois-ci un ajout, faisant apparaître à la Chancelière deux mamelles au bout desquelles les frères Kaczynski étaient pendus, cette fois-ci dans l’hebdomadaire polonais « Wprost ».Et tout cela sans qu’Angela Merkel en fasse une affaire personnelle.
N’est-ce pas tout simplement merveilleux ? Alors qu’une grande partie de la presse française se voit de plus en plus critiquée pour son indulgence, voire sa complicité avec l’Elysée, les magazines de nombreux autres pays d’Europe, dont l’Allemagne mais surtout la Grande-Bretagne, ont tendance à être épinglés pour le contraire. Dans un monde où l’image a la prééminence sur le fond, le discours dérive même sur les corps, dont l’apparence est en soi un message. Que pensent nos amis européens de ces médias dans lesquels Nicolas Sarkozy aurait donc droit à son meilleur profil ?
En effet, alors que la presse, dans de nombreux pays d’Europe, peut se voir parfois reprocher sa perversité, la presse française est plus souvent accusée de soumission. La leçon à tirer de tout cela réside peut-être dans l’interrogation suivante : vaut-il mieux une presse voyeuriste qu’un pouvoir exhibitionniste ?
La filiation bonapartiste, dans laquelle s’inscrit le président français, est d’ailleurs intéressante à cet égard (elle est d’ailleurs soulignée dans un très intéressant article du New Yorker du 27 août 2007). Bonaparte était un modèle en matière de contrôle de sa propre image, s’auto-représentant en personnage victorieux et en homme du monde, puis, accédant au pouvoir, se transformant en Napoléon (« j’ai changé »), mettant à la fois en valeur sa grandeur et sa simplicité, maniant séduction et ostentation.
Gros Antoine-Jean (Baron) (1771-1835)
Paris, musée du Louvre
Nicolas Sarkozy, de son côté, ne se refuse pas des vacances pour le moins grandioses, mais prend le temps de la photo pour une simple balade en canoë avec son fils. Et puis, pour la touche « proche du peuple et émotion », la proximité avec les handicapés et les endeuillés, les « victimes des accidents de la vie ». Napoléon, lui, s’affichait avec les malades (voir le tableau Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa) touchant les plaies des malades comme autrefois les rois thaumaturges touchaient les scrofules pour guérir des écrouelles. Et alors que Bonaparte pouvait faire confiance aux coups de pinceaux des peintres officiels, il y a désormais la retouche par ordinateur...
Au final, on sera heureux d’apprendre que nos dirigeants européens sont des gens normaux : ils ont des fesses et des bourrelets, encore que cette deuxième information ait failli nous échapper. On sera également soulagés de savoir qu’Angela Merkel est peut-être moins obsédée de son image que ne l’était Bismarck en son temps...
Auteur : Mathieu Collet, pour "Euros du Village"