Les sondages, une addiction française

par Marcus
jeudi 22 février 2007

Malgré le choc du second tour de l’élection présidentielle en 2002, comme à chaque période préélectorale, les sondages continent de rythmer les débats et d’être repris en flux continu par les médias. Pourquoi cet engouement ? Et quel crédit faut-il accorder aux enquêtes d’opinion ?

A quelques semaines seulement de l’élection présidentielle, la litanie des sondages se poursuit. Dernier en date : selon un sondage IFOP, réalisé le 12 février et relayé par Le Monde, 75 % des Français jugent que le meeting de Mme Royal à Villepinte est « réussi ». On pourrait en citer d’autres sans effort. Notre pays détient, avec près de deux sondages publiés par jour ouvrable, le record du monde de la publicisation des sondages à caractère politique ou non.

Et pourtant, les techniques de sondage sont loin de faire l’unanimité et font régulièrement l’objet de critiques. Comme le fait observer Alain Garrigou, auteur en 2006 de L’ivresse des sondages et professeur à l’Université de Nanterre, "les fiches techniques des sondages font sourire au regard d’exigences méthodologiques scientifiques. Une technique standardisée d’interrogation tous azimuts n’a pas beaucoup d’intérêt pour la connaissance." Bref : la rigueur des méthodes employées par les sondeurs est bien loin d’être irréprochable. Et pour cause : les instituts de sondages ont développé une méthode d’investigation de l’opinion, la méthode des quotas, qui s’est substituée peu à peu à la méthode aléatoire. Cette dernière, plus précise, possède un défaut rédhibitoire pour les commanditaires : elle s’avère beaucoup plus coûteuse. Pour cette raison, les sondeurs ont mis au point des formules de sondages probabilistes moins rigoureux. En outre, la majorité des enquêtes publiées reposent sur un échantillon de 1000 personnes. Or pour 1000 personnes interrogées, la marge d’erreur est de plus ou moins 3,2% (écart possible de 6,4%). D’où la surprise d’avril 2002. Ce qu’oublient de rappeler aujourd’hui encore la plupart des commentateurs avisés.

Au-delà des méthodes de sondages, comme le souligne le professeur Dominique Carré dans Le Mensuel de l’Université, ce qui pose question est leur place que ces derniers occupent dans le débat démocratique et leur influence sur la formation d’une opinion publique : "Nous sommes aujourd’hui à une croisée des chemins. La fonction des sondages est passée de l’information et de l’aide à la décision politique à une fonction marketing." Désormais les sondages sont de plus en plus employés pour orienter l’opinion publique, promouvoir une image, une idée, un candidat et non pour obtenir une vision représentative de l’opinion publique.

C’est là sans doute que le recours aux sondages, qui fait parfois penser à une addiction, peut s’avérer dangereux pour la démocratie et la qualité du débat public. Faut-il encore corriger la loi de juillet 1977, déjà modifiée en 2002 ? Faut-il allonger la période précédant les élections au cours de laquelle aucun sondage ne peut être publié ? Ce sera à la prochaine législature, sans doute, de le dire.


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