Maddie, nouvelle victime de Karl Zéro
par LM
vendredi 5 octobre 2007
Il fallait s’y attendre : l’ancien animateur du Vrai Journal, détenteur d’un palmarès solide en termes de désinformation, a fini par tomber sur le cas Maddie comme le paparazzi sur le people. Il ne manquait plus que ça.
Où est Maddie ? Jeu à la mode de l’été, sorte d’ « Où est Charlie ? » version adulte, sombre et tordu. Plus difficile, d’ailleurs, apparemment, de retrouver la petite fille blonde que le grand dadais à bonnet. Depuis mai dernier, que de fausses pistes, de rumeurs, d’interprétations hasardeuses, jusqu’à ce récent cliché assez sidérant où certains ont cru voir la petite fille disparue là où il ne s’agissait que d’une enfant parmi d’autres. L’affaire Maddie, spectaculairement médiatisée, avec dorures et guest stars (Beckham, JK Rowling, Benoît XVI, entre autres) vient de tomber dans l’escarcelle de Karl Zéro, le fieffé ex-animateur de Canal+, qui n’a rien trouvé de mieux pour refaire parler de lui, que de mettre ses lunettes dans le pudding McCann, déjà suffisamment lourd pour ne pas en rajouter. Ce soir sur 13e Rue, chaîne du câble, Zéro proposera un « 52 minutes » consacré à ce fait divers qui a déjà beaucoup souffert d’une hyper médiatisation. En préambule à cette diffusion, Zéro donnait hier une interview au Journal du dimanche, dans lequel il donnait son sentiment sur l’affaire, et surtout de grandes clés quant à son idée du journalisme.
« Aucune émission en France n’a été consacrée à l’affaire Maddie. Je me suis dit ’merde’ y ’a pas un seul reportage où j’ai pas l’impression qu’on ne me raconte pas de conneries’. Tous les journaux en parlent, mais sans contextualiser l’affaire. » C’est donc pour contextualiser l’affaire que Zéro, en 15 jours, s’est déplacé (lui ou ses journalistes) en Angleterre et au Portugal, pour essayer d’y voir plus clair. « L’histoire est fascinante. Mais on ne l’a pas fait pour vendre du papier. On n’est pas là non plus pour se flageller, dénoncer le comportement des médias comme on a pu le voir dans la fiction de France 2 sur l’affaire Alègre. Dans l’affaire Maddie, il y a tous les ingrédients qui te font réfléchir. C’est une histoire qui te poursuit quand tu éteins ta télé. Si les parents sont coupables, comment font-ils pour résister ? S’ils sont coupables ce sont des acteurs extraordinaires, avec un aplomb incroyable. Mais oui, quelle que soit l’issue de l’affaire, elle est fascinante : comment retourner à la vie normale, cette suspicion de matricide... » Il a raison, sur certains point, Zéro, notamment sur le fait que cette affaire est fascinante. Le fait divers fascine, depuis la nuit des temps, en Vologne comme en Angleterre, à Mourmelon comme à Lisbonne. Mais il a tort, Zéro, quand il laisse entendre que les médias, dans l’affaire Alègre (ou plutôt la seconde affaire Alègre, dite affaire Baudis) ont eu tort de se confondre en excuse. Aucun ne s’est flagellé, d’ailleurs, pas plus dans le récent téléfilm de France 2, mais certains auraient pu. Car certains ont relayé, et dans de « grands » journaux, comme Le Monde ou La Dépêche du Midi, des informations non vérifiées, portant des accusations graves, juste pour « vendre du papier », pour le coup. Bien sûr, Zéro n’en est pas là, à « vendre du papier » puisqu’il est à la télé, mais il botte en touche trop facilement, lui qui est partie prenante dans l’affaire Baudis, lui qui avait lu une lettre invraisemblable de Patrice Alègre en direct dans son émission, dans une de ces séances « choc » qu’il affectionne tant.
Plus loin dans l’interview, le couplet de Karl Zéro sur les parents est assez hallucinant : un plagiat presque mot pour mot de la Duras de l’affaire Grégory, mais en pire. Zéro condamne en effet la mère, « quelle que soit l’issue de l’affaire » à la souffrance à vie : « comment retourner à la vie normale, cette suspicion de matricide. » Là, l’animateur par moment fort sympathique dépasse les bornes « allègrement », si j’ose dire : cette marque de Caïn qu’il dépose sur le front de la mère de Maddie est ahurissante. C’est du Bataille et Fontaine, mais dans la vraie vie qui saigne, plus dans les querelles de voisinage ou les problèmes d’érection. C’est du sous Sun. C’est là toute la perversité du bonhomme : donneur de leçons de morale à qui veut les entendre, air sérieux, façon Ardisson, et premier de la classe quand il s’agit de s’élever contre la télévision décervelante. Alors qu’il ne fait, depuis qu’il travaille à la télévision, que du journalisme à sensation, souvent caricatural et manipulé qui ne sort que rarement des sentiers battus et encore plus rarement du café du commerce.
« La médiatisation dans ce genre d’affaire est à double tranchant. Bien sûr les gens sont mobilisés, en alerte, mais en cas d’enlèvement par un réseau ou par un fou furieux isolé, la conséquence de ce débordement médiatique c’est qu’ils zigouillent la petite. La sur-médiatisation est aussi un moyen de défense à partir du moment où ils ont été mis en examen. » Karl Zéro ne dit pas ici que la petite Maddie a été victime d’un réseau ou d’un fou furieux. Il ne dit pas que la sur-médiatisation voulue par les parents aurait pu coûter la vie à la gamine. Non, il parle simplement de « double tranchant ». De « zigouiller » aussi, terme classe et délicat dans ce type d’affaire. Rien n’est vrai chez Zéro, que ce qu’il dit, et comme il dit à peu près tout ce que les badauds veulent entendre, il dit beaucoup de choses. Et s’il admet que la médiatisation peut être néfaste, il accepte quand même d’entrer dans le jeu, au nom de la fascination, parce que, en gros, il ne voudrait rater ça pour rien au monde. Quelle hauteur de vue ! Mais il y a mieux : « Moi mon sentiment, mais je ne le donne pas dans l’enquête, j’essaie de donner des pistes, je laisse ouvert, c’est que ce ne sont pas eux. Il faut savoir que les méthodes de la police portugaise sont louches. C’est des durs là-bas quand même. » Là encore, « double tranchant » dans la parole. Il ne donne pas son sentiment, mais il le donne quand même. « Ce ne sont pas eux ». Ouf, les époux McCann blanchis par Karl Zéro ! Ca va leur redonner le moral. Mais si ce ne sont pas eux, c’est peut-être alors du côté de la police portugaise, qu’il faut chercher, parce que, c’est bien connu, « C’est des durs là-bas quand même »...
Résumons donc : les parents, un peu trop « cathos » aux yeux de Zéro, ne sont pas coupables, les médias en ont peut-être fait trop, et les policiers portugais sont louches. Zéro va même plus loin, dans le JDD, en affirmant que la police portugaise a, je cite « pas assuré une cacahuète ». « La police a merdé, c’est clair », insiste-t-il plus loin, en pointant les relevés d’empreintes effectués après moult passages sur les lieux de la disparition, une extorsion d’aveux par la violence, entre autres joyeusetés. Une chose est sûre, selon Zéro, la police portugaise « ne croit pas à l’enlèvement ». On avait cru comprendre. Et lui, Karl Zéro, lui qui a enquêté « 15 jours », lui qui s’est rendu du Portugal en Angleterre via Paris, quelles est son intime conviction à ce fin limier ? « J’ai du mal à croire à l’infanticide. Je pense qu’elle a été enlevée. Il y a deux pistes qui tiennent à peu près la route : le Maroc et Carthagène, en Espagne mais c’est quand même silence radio sur toute la ligne, on n’a rien... »
Karl Zéro n’a rien, mais un peu Carthagène, quand même, « à peu près ». Une bonne formule pour résumer le bonhomme, « à peu près ». Tout, dans son travail est dans cet « à peu près ». A peu près sérieux, à peu près honnête, à peu près crédible, à peu près journaliste. Cet « à peu près » dont a déjà trop souffert l’affaire Maddie, pour ne pas en rajouter.