Maroc : Rachid Nini, « Le Robin des Bois Marocain » est toujours en prison

par Mohamed Takadoum
vendredi 6 janvier 2012

Rachid Nini, le chantre de la lutte contre la corruption dans le pays et directeur du journal El Massae est toujours maintenu en détention pour avoir d’après l’agence officielle MAP « discrédité une décision de justice, tenté d’influencer la justice et publié des informations sur des actes criminels non avérés ». Pour ces faits le journaliste a été condamné à une année de prison ferme sur la base du code pénal alors que c’est le code de la presse plus clément qui devait lui être appliqué d’après ses avocats ( plus de 800 et qui se sont portés volontaires pour sa défense à travers le pays ) et dont chef de file est Mustapha Ramid du parti islamiste du PJD et qui vient d’être nommé ministre de la justice.

La condamnation du journaliste a été confirmé en appel et l’intéressé est toujours en prison et ce en dépit du fait que le marocains ont placé les islamistes du parti du PJD à l’issue des dernières élections législatives en première position non pas pour appliquer la Charia comme le prétendent certains mais pour sanctionner les partis politiques  incompétents discrédités par la rue et surtout lutter contre la corruption et les injustices. Le maintien en détention du journaliste Rachid Nini apparait alors comme étant à contre courant de l’évolution que connait le pays.
 
Certes, un organisme sensé « prévenir la corruption » a été mis en place ces dernières années ; l’ICPC l’Instance Centrale de Prévention de la Corruption. Or ce dernier au lieu d’être une administration de mission avec des structures légères et efficientes est devenu une sorte « d’usine à gaz » avec une organisation administrative lourde plus capable de rédiger des rapports d’organiser des réunions et de participer à des conférences que de réaliser des actions concrètes sur le terrain.
 
Paradoxalement, Rachid Nini, directeur d’El Massa premier quotidien du pays grâce à une grande liberté de ton et à la mise en cause de certains cercles du pouvoir se trouvait être en première ligne dans la lutte contre la corruption dans le pays 
 
La liberté de ton.
 
Appelé dans un article du Monde Le Robin des Bois Marocain, celui-ci décortiquait méthodiquement les maux de la société marocaine. La corruption, les passes droits, les luttes d'influence, le laxisme et l'incompétence dans la gestion des affaires publiques et privés mais aussi certaines pesanteurs et traditions obsolètes de la société marocaine lesquelles sont décrites, analysées et dénoncées sans concession.
 
En dénonçant, la corruption par exemple avec des données précises et chiffrées, il ne dédouane pas les corrupteurs. Militant de la séparation des pouvoirs, l'institution judiciaire et ses maux sont pour ainsi dire son domaine de prédilection. Pour lui, tout passe par la réhabilitation de cette institution et l'élimination de son sein des juges véreux, corrompus ou laxistes. Pour cela, Rachid Nini relatait des faits et donnait des noms et des lieux.
 
Les attaques contre les cercles du pouvoir  :
 
A lui tout seul c'est « Le Canard Enchainé » au Maroc. Rachid Nini n'hésitait pas à dénoncer la cupidité et le népotisme (avec des chiffres, des faits et des dates à l'appui) de certains membres du gouvernement y compris le premier ministre, de certains hauts fonctionnaires, des parlementaires et d'élus locaux véreux. Ceci lui a valu une série de procès qui ont failli mettre fin à son aventure journalistique. Mais il a continué de plus belle. Dans ses articles il a même fait état de menaces mais a précisé qu’il ne se laisserait pas intimider. Même les services de sécurité et de renseignement (chose rare dans le monde) ont fait l'objet de ses investigations. C'est ainsi qui ni des généraux, ni des responsables sécuritaires n'ont échappé à sa plume. L'opportunisme et le jeu politicien des syndicats, la léthargie des certains partis politiques marocains incapables de se réformer et de se détacher du pouvoir et de voler de leurs propres ailes ont aussi été dénoncés. Les dernières élections législatives avec 55% de non votants et l’émergence du parti islamiste du PJD ne lui donnent t-ils raison pas raison ? 
 
Les conséquences pour le Journal El Massae
 
Le journaliste a été surtout attaqué par certains sur le fait qu’il a mis parfois sans preuves en cause des personnalités notamment des sécuritaires sur la foi de sources qui lui sont propres et qu’il a refusé de dévoiler devant les juges. Lui est aussi reproché son acharnement sur certains. Est-ce que ce n’est pas le lot quotidien de tous ceux qui exercent le métier de journaliste ?
 
Tout cela était t-il suffisant pour mettre à mort le premier journal du pays ? Car depuis l’incarcération de Rachid Nini et sa disparition de la direction du journal et surtout à cause de l’absence de sa fameuse chronique quotidienne, le journal Al- Massae a perdu peu à peu ses lecteurs et la première place qu’il détenait dans le pays. Le tirage de ce journal est passé de puis l’incarcération de Rachid Nini de 200 000 à prés de 70 000.
 
Par ailleurs, n’est-il pas symptomatique que pendant les premiers mois de sa détention (tel que cela a été rapporté par la presse marocaine) ceux qui lui ont interdit d’accéder aux journaux ou d’avoir les moyens pour écrire  n’ont –ils pas voulu tout simplement au de la de la peine de prison , le briser ? 

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