Médias : le choc des photos
par ytty54
vendredi 28 septembre 2007
La nouvelle campagne de sensibilisation aux dangers de l’anorexie faite dans un style très direct en laissant carte blanche à celui qui fit la marque Benetton en publicité, Olivero Toscani.
Le dénuement décharné d’une très courageuse française, Isabelle Caro, s’affiche ainsi sur les murs italiens en pleine semaine de la mode.
L’homme n’en
est pas à son coup d’essai puisqu’il fit scandale en son temps en osant
représenter l’homosexualité ou la mort prochaine d’un malade du sida.
Je ne vous le cache pas, moi j’aime beaucoup.
La
photo dans ce monde de l’image qui défile, qui va vite, qui va partout,
qui s’affiche partout garde cette force extraordinaire, cette puissance
d’évocation et d’interprétation. Parvenir à capter toute l’émotion d’un
instant ou d’une situation en un clic c’est redoutable, c’est fort et
souvent beau.
L’anorexie est une maladie complexe dans laquelle
l’image de soi et l’image que l’on projette aux autres et que l’on croit
projeter aux autres sont complexes. Montrer simplement ce que c’est et de
suite susciter le malaise, c’est déjà beaucoup, le signe aussi d’un
problème pas bien assumé par notre société.
Alors que l’on se
réjouit chaque année d’un calendrier Pirelli ou Dieux du stade très
suggestif à ne pas mettre entre toutes les mains, que la publicité
mondaine de luxe se complaît dans le porno chic avec des relents
évidents et affichés de sado-masochisme ou d’avilissement de la
femme-objet, tout le monde applaudit.
Quand un grand magazine,
Paris Match pour ne pas nommer ce champion de l’éthique, retouche une
image et supprime les bourrelets disgracieux de notre président, il en
appelle à l’esthétisme et tout le monde applaudit.
Il y a donc dans
notre relation à l’image une difficulté à prendre de la distance autant
de par notre éducation, notre culture que du fait des habitudes, des
standards que l’on nous sert depuis tout petit. Il y a ce que l’on peut
montrer et le reste. Souvent un journaliste ténébreux nous explique que
sa rédaction a décidé de ne pas diffuser telle ou telle image car trop
choquante. 10 minutes plus tard un film d’une rare violence débute sur
la même chaîne...
Pour autant doit-on faire intervenir la morale
face à une photo, doit-on préjuger de l’image qui peut être diffusée ou
non dans un univers déjà si médiatique ? Y a-t-il des règles et alors
quelles sont-elles ? S’il n’y en a pas, pourquoi tant de haine, de
précipitation ? Où est le libre arbitre ?
Le sujet est tout de même
une cause noble, bien plus noble en tout cas qu’un parfum, un bijou ou
une voiture. Est-ce donc si scandaleux de voir en vrai une anorexique
et normal de voir des dizaines de jeunes filles en maillot de bain se
trémousser sur un salon de l’auto à Francfort ? Qu’une jeune fille soit
choquée par cette représentation est-ce si gênant ou ne peut-on croire
qu’elle mettra un visage et une apparence sur une maladie et glorifiera
peut-être moins le mannequinat que le monde du marketing vante à
longueur de journées ? Doit-on vivre dans un monde feutré, sans chocs,
sans risques, mais terriblement virtuel ?
Je crois en la force de
l’image mais il ne faut pas en avoir peur, au contraire, elle doit être
déclencheuse chez chaque individu de sa propre réaction : aversion
peut-être, dégoût, intérêt, surprise, soutien... là est le rôle d’une
photo publique, on approche de l’art et de ses interprétations libres
les plus diverses, c’est pourquoi je comprends mal cette censure bien
pensante.
Ironie de l’actualité, les photos chocs sont à l’honneur
cette semaine puisque des clichés de la vie quotidienne des officiers
SS à Auschwitz viennent d’être rendus publiques. Comme celle
d’Isabelle Caro, ces photos se passent de commentaires mais soulèvent en
chacun de nous tant de questions fondamentales...
"Une image vaut mille mots" disait Confucius...