Mots Croisés : le stupéfiant aveu de Guaino : « Toutes les fortunes de France négocient leurs impôts »

par menou69
mercredi 5 juin 2013

Lundi soir, lors de l’émission Mots croisés sur France 2 consacrée au scandale de l'affaire Tapie, et de l'arbitrage trop favorable dont aurait bénéficié l'homme d'affaire, Henri Guaino a mis fin au mythe de l'égalité devant l'impôt.

Autour de la table étaient invités par Yves Calvi : la députée socialiste Karine Berger, le député UMP Henri Guaino, l'ancienne ministre Corinne Lepage, le journaliste de Médiapart Laurent Mauduit, le fondatateur du quotidien "L'Opinion" Nicolas Beytout et l'écrivain André Bercoff.

L'ancienne plume de Nicolas Sarkozy était face à Laurent Mauduit qui l'interrogeait sur les éventuelles négociations fiscales entre Claude Guéant, ancien secrétaire général de l'Élysée et Bernard Tapie, quant au montant de l'impôt à payer sur les 400 millions reçus.

Une preuve de ces négociations a été remis aux juges, sous la forme d'un enregistrement téléphonique détenu par Médiapart dans lequel une voix ressemblant à celle de l'homme d'affaires fait état de tractations avec le cabinet d'Eric Woerth, alors ministre du Budget pour établir le montant d'impôts qu'il devra payer sur la somme qui lui a été allouée par le tribunal d'abitrage. Détaillant les schémas possibles, Bernard Tapie évoque l'implication de Claude Guéant.

Or, on sait la suite de cette histoire.Trois mois après cette rencontre entre Bernard Tapie et Claude Guéant, l’État n’a pas fait appel d’une décision d’un juge commissaire du tribunal de commerce de Paris et a donc passé l’éponge sur 15 millions d’euros de créances fiscales que l’État détenait sur l'homme d'affaire. Il a en particulier renoncé à recouvrer la totalité de l’impôt sur le revenu de celui-ci, pour les années 1992 et 1993, pour près de 12 millions d'euros.

Donc Laurent Mauduit a posé cette question à Henri Guaino : "Pourquoi vous ne dites pas si Claude Guéant a effacé les impôts de Bernard Tapie, ce n'est pas conforme à ma conception de l'égalité des citoyens devant l'impôt ?"

Mais pour ce dernier, la polémique sur l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie et les impôts payés, et éventuellement négociés, sont deux choses différentes. A l'entendre, le second sujet est on ne peut plus commun : "On mélange tout, laissons les impôts de côté. Pardon, mais toutes les fortunes de France négocient leurs impôts, vous le savez parfaitement." 

Il s'en est suivi une série d'exclamations surprises de la part des autres invités, et on lui a demandé de répéter ses propos : "Mais, c’est vrai", a-t-il répliqué, puis ensuite rapidement on est passé à autre chose.

En fin d'émission, du fait que de nombreux téléspectateurs ont tweeté sur la fameuse petite phrase de Guaino, Yves Calvi a relancé le sujet. Alors Henri Guaino a précisé sa pensée : "Il faut dire la vérité (...) dans les histoires d'héritage, dans des problèmes particuliers, on négocie avec l'administration fiscale". Puis en estimant au passage que gérer certaines situations au cas par cas ne posait pas selon lui de problème, il a martelé "Je ne comprend pas ce monde dans lequel tout est piloté par des règles automatiques".

Excédées, les députés Corinne Lepage (écologiste) et Karine Berger 'PS) lui ont répondu alors : "Cela s'appelle tout simplement la loi".

Alors c'est vrai, ce qu'a dit ce soir là Henri Guaino : l'égalité devant l'impôt serait bien un mythe ?. Et bien oui d'ailleurs un avocat fiscaliste spécialisé dans les grandes fortune l'a bien expliqué :

"Ce que dit Guaino est vrai, tout le monde sait que les droits de succession et l'impôt sur la fortune sont toujours négociés par les grandes familles. C'est simple, elles disent au fisc : "Ou vous m'éxonérez, ou je quitte la France !".

"Pourquoi croyez-vous que les grandes fortunes restent majoritairement en France ? C'est parcequ'elles paient très peu d'impôts ? Rares sont celles qui partent, comme Bernard Arnault, mais lui le fait pour d'autres raisons".

Alexis Spire, chercheur au CNRS, et spécialiste de la sociologie de l'État et des administrations a enquêté sur la collecte d'impôts et puis a écrit un livre en 2012 : "Faibles et puissants face à l'impôt", dans lequel il démonte les mécanismes par lesquelles les classes dominantes sont parvenues à domestiquer l'impôt et a échapper, en partie, au contrôle fiscal.

Il a écrit ceci : "Pour les classes populaires, il n’y a que deux moyens d’échapper à la règle fiscale : la transgresser ou demander sa suspension de manière gracieuse. En haut de l’échelle sociale, on développe d’autres stratégies : la première consiste à adopter la nationalité d’un pays où la fiscalité est plus avantageuse et/ou à y résider ; la seconde, bien plus répandue, à subvertir le droit à son profit, tout en affichant sa loyauté à l’égard de l’Éat."

Dans une interview accordée à la revue Contretemps, ce chercheur a indiqué qu'avec le développement du marché de l'optimisation fiscale dans les années 1980 et 1990, et face à la montée en puisance de l'impôt sur la fortune, des services spécialisés se sont développés pour des clients fortunés.

Il a déclaré : "Parmi ces professionnels du conseil, la frontière est poreuse entre ceux qui préconisent à leur client de rester dans les bornes du civisme fiscal et ceux qui les incitent à tenter des opérations à la limite de la légalité."

Pour Corinne Lepage : "La question qui se pose, c’est de savoir qui décide des exonérations et pour quel motif. Que dans une succession, on puisse discuter avec le trésorier payeur général c’est normal. Mais quand Sarkozy le 14 janvier 2008 décide que l’émir du Qatar est exempté de tout impôt sur les plus-values immobilières, et ne paie pas d'impôt sur la fortune (ISF) durant les cinq premières années de résidence en France, c’est autre chose..."

Tout au long de l'émission les réseaux sociaux se sont enflammés à cause de cette petite phrase. Il est facile de comprendre pourquoi, car l'aveu est non seulement stupéfiant mais il est d'importance.

Vous trouvez vos impôts trop conséquents ? Dans ce cas n'allez plus frapper à la porte de votre inspecteur des impôts pour réclamer, allez donc directement frapper à celle de l'Élysée ! Mais seulement si vous êtes très riche, car sinon vous avez aucune chance que cette porte s'ouvre !

Si vous avez un peux de temps et si vous voulez visionner toute l'émission "Mots Croisés" cliquez ICI.

 

Sources : Médiapart, Le Parisien, Le Monde Diplomatique, Contretemps, Le Monde,


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