« Pour les musulmans », Rencontre avec Edwy Plenel et Elias Sanbar à l’Institut du monde arabe
par cza93
samedi 20 septembre 2014
Jeudi 18 septembre 2014 à 18h30 avait lieu à l’auditorium de l’Institut du Monde Arabe une rencontre avec Edwy Plenel autour de la sortie de son dernier livre « Pour les musulmans ».
Un débat était organisé avec : Edwy Plenel, écrivain, journaliste, co-fondateur du site d’information Médiapart, Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l’UNESCO, historien, poète et essayiste, Animé par Denis Sieffert, directeur de la rédaction de Politis.
Sont également intervenus au cours de la soirée : Tariq Ramadan, philosophe, islamologue, professeur et universitaire suisse, Edgar Morin, sociologue et philosophe, Dominique Vidal, journaliste spécialiste du Proche Orient, écrivain.
Beaucoup de monde avait fait le déplacement, et l’auditorium de 400 places a vite été rempli ; nombre de personnes déçues de ne pas pouvoir rentrer sont donc reparties ou ont tenté d’écouter les échanges retransmis par hauts parleurs devant l’auditorium.
L’objet du livre d’Edwy Plenel : cette islamophobie rampante, banalisée, qui s’est insinuée dans notre société et y prospère depuis des années, telle un cheval de Troie, dans les discours de philosophes, de journalistes, de politiques de droite comme de gauche, même si l’extrême droite a fait du sujet un de ses fonds de commerce de prédilection. Propos hier honteux, ils s’assument aujourd’hui de plus en plus ouvertement, ne laissant aucune chance à ceux qui en sont les victimes. Qu’elle prenne la forme du racisme le plus assumé ou celle plus pernicieuse d’une laïcité intégriste, cette islamophobie est aussi dangereuse. Elle est responsable du rejet d’une partie importante de notre population, avec pour seul motif affiché son appartenance religieuse, et un amalgame entretenu entre arabe et musulman ; elle est facteur d’inégalités persistantes et injustifiées, d’exclusion. Le musulman réduit à une religion ; une religion réduite à l’intégrisme ou au terrorisme, à un « problème national ». Caricatural et tragique ! Elle joue sur les mots cette islamophobie : que veut-on réellement atteindre ? Une intégration harmonieuse qui permet de vivre ensemble sur la base d’un socle de valeurs communes dans le respect de la diversité de tous, sorte d’échange gagnant-gagnant, ou bien l’assimilation aux relents de colonialisme, système dans lequel le nouvel arrivant doit oublier et renier sa culture, ses racines, ses valeurs, pour n’endosser que celles du pays de destination ? L’islamophobie ne laisse aucune possibilité de s’en sortir à ses victimes, autre que le refuge dans la religion et le communautarisme … cercle vicieux, car l’islamophobie provoque ce qu’elle prétend combattre ! … et la stigmatisation immédiate autour de la question du port du foulard en est un exemple parfait !
Pour Elias Sanbar et Edwy Plenel, la laïcité sectaire brandie avec force pour justifier toutes les attaques contre la religion musulmane n’est pas un chemin de progrès. Loin s’en faut ! C’est juste un détournement honteux de cette valeur fondatrice de la République par des esprits racistes et xénophobes. Du reste ce n’est que quand on parle de l’islam que l’on oppose immédiatement les valeurs de laïcité de notre République ! Il est temps de se rappeler que nos similitudes d’êtres humains partageant le même destin national sont plus fortes et plus nombreuses que nos différences ! Il faut contester haut et fort cette obsession antireligieuse. Il faut accepter enfin de vivre ensemble tels que nous sommes, la foi de chacun n’étant pas un problème.
Pour Elias Sanbar, « nos racines sont ce que nous devenons » et non pas une charge immuable qui pèse sur nos épaules pour l’éternité, celle de l’histoire ancienne de nos familles, de nos origines, qui nous enchaine et nous empêche d’avancer, d’évoluer. Nos identités, notre histoire commune sont en devenir, à co-construire dans la richesse et la diversité de nos cultures, de nos origines, de nos trajectoires de vie. Avancer. Avancer ensemble. Tel est l’enjeu. Un enjeu de liberté. Et nous devons prendre conscience que l’exclusion concerne tout le monde et doit être combattue avec force. C’est notre affaire à tous de lutter contre cette islamophobie qui pourrit le débat national et exclue.
Bref, « Pour les musulmans » d’Edwy Plenel, un petit livre utile et intelligent à lire d’urgence (Ed. la découverte,130 pages, 12 euros), pour déconstruire ce discours moisi sur la laïcité et faire cesser enfin cette islamophobie ambiante qui n’a aucune raison de perdurer et nous empêche de faire société avec une partie importante de nos concitoyens.