Pour survivre, le journalisme ne doit pas imiter mais se différencier

par Théophraste Renaudot
samedi 29 août 2009

Je suis stupéfait par le déploiement des possibilités qu’offre Internet. Dimensions participative et citoyenne, rapidité de l’information, quels atouts pour le droit à l’information et la liberté d’expression ! Mais je découvre qu’à cette ère de l’instantanéité correspond celle de la précarité : information éphémère, parfois infondée, public versatile, situation précaire du journaliste, érosion de la frontière entre journalisme professionnel et ce qu’on a coutume d’appeler « journalisme citoyen »… Le métier de journaliste se précarise. L’insécurité appelant la docilité, j’ignore si les vœux d’insoumission et d’honnêteté intellectuelle demeurent souverains pour ceux dont l’activité principale consiste à travailler à la chaîne en enfilant les dépêches.


Internet n’a pas transformé les citoyens en journalistes. Lorsqu’un internaute est à l’origine d’une information – ce qui n’est pas toujours le cas : le taux de reprise est élevé –, il l’illustre bien souvent de ce qui relève davantage de l’opinion. Le travail qui confère à l’information son intérêt journalistique n’est ni l’œuvre ni la volonté de tous, il obéit à des codes, à une déontologie, et relève d’un savoir-faire qui appartiennent au journaliste. Si Internet peut faire surgir l’information brute et émerger les opinions, le journaliste lui donne la chair et la mise en perspective qui lui apporte tout son sens.

La légitimité séculaire du journalisme vient de son indépendance, de sa quête de la vérité, de son souci du bien commun et de son talent à transmettre, animer la curiosité. Sans cela pas de « quatrième pouvoir ».

Si la diffusion de l’information me subjugue, son traitement me paraît plus incertain à l’ère des entreprises média. Dans un souci d’économie, les rédactions ont décidé de subordonner la valeur ajoutée – le travail du journaliste – à la rapidité et au « panurgisme rédactionnel. » Prions pour que la crise actuelle ne le force pas à transformer les moyens qui s’offrent à lui (possibilité d’informer en temps quasi-réel) en fins, au risque de signer l’arrêt de mort du journalisme de compréhension. Car l’inédit surgit davantage de l’investigation que de la précipitation.


Je veux croire en un modèle qui permette à ce journalisme de perdurer, de se vivifier, en un modèle économique qui permette aux rédactions désireuses d’étoffer leurs contenus tout en maintenant leur équilibre économique, de puiser dans la formidable diversité de talents et de points de vue qui s’offrent à elles et qui, alors, ne cesseront d’émerger et de se renouveler.


Afin d’en débattre, rendez-vous le 3 septembre à Visa Pour l’Image !


T.R. – La Plus Grande Rédaction Du Monde


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