Pour une démocratie libre et non faussée

par Denis Gettliffe
lundi 23 octobre 2006

Le combat pour une démocratie libre et non faussée est essentiel.

La démocratie doit être libre, parce que toutes les opinions doivent pouvoir effectivement s’exprimer.

Elle doit être non faussée, parce que le débat politique ne doit pas être confisqué par les sondages (qui ont l’avantage d’être rentables économiquement malgré leur coût pour les médias qui les achètent et de fournir de l’information « clés en main » aux médias), a fortiori lorsqu’ils sont techniquement et scientifiquement erronés.

Comme le disait Pierre Bourdieu, dont l’analyse reste pertinente, l’opinion publique n’existe pas, du moins pas comme on voudrait le faire croire. Les sondages fabriquent une opinion à partir de méthodes techniques qui ne sont pas infaillibles et qui peuvent même être contestées sur le fondement même de la science, ou du bon sens, dans certains cas.

C’est le cas des sondages sur les primaires au PS, qui sont fabriqués comme ceci : d’un échantillon représentatif d’environ 1000 personnes, sont extraites environ 250 personnes « proches du PS » que l’on appelle par convention « sympathisants ».

Problème : sur un échantillon de 250 personnes « proches du PS », les adhérents en droit de voter ne sont, au mieux, que sept...

Certains députés socialistes ont donc saisi (http://www.2007lagauche.fr/?q=node/547) le CSA, puis la Commission des sondages.

En effet, non seulement la taille très réduite de l’échantillon et la méthode utilisée pour constituer l’échantillon affectent les sondages d’une marge d’erreur très importante, mais l’échantillon est différent de la population qui votera en réalité !

Ces caractéristiques devraient être rédhibitoires : aux Etats-Unis, Gallup a refusé de réaliser des sondages sur les primaires américaines.

Il est donc choquant que les médias se contentent de reprendre en boucle les résultats chiffrés sans jamais rappeler le minimum : ces enquêtes sont faites auprès de gens qui ne vont pas voter aux primaires PS, à partir d’un échantillon trop retreint pour être fiable.

a) Le CSA a donné raison aux députés socialistes

Le CSA a donné raison aux députés socialistes qui l’ont saisi. Dans une lettre de son président, le CSA écrit :

"Il ressort effectivement [que] LCI a rendu compte des résultats du sondage IPSOS [en] accréditant l’hypothèse qu’ils pouvaient refléter l’opinion des seuls adhérents du Parti socialiste.

En conséquence, le Conseil a décidé d’adresser un courrier aux responsables de LCI leur rappelant la nécessité impérative de rendre compte des enquêtes d’opinion dans des conditions conformes au respect du principe d’honnêteté de l’information."

b) La réplique immédiate des sondeurs

Alors que Les Echos n’ont pas fait état de la lettre ouverte au CSA des quatre députés socialistes, Laurence Parisot s’est invitée dans ses colonnes pour publier une analyse qui répond explicitement à cette lettre ouverte, et défend les sondages.

Qui écrit cette tribune ? Laurence Parisot. Qui signe ? On ne sait pas : nulle mention, comme c’est pourtant l’usage, des qualités de la dame.

Laurence Parisot est surtout connue pour présider le Medef, mais ce qui est moins connu, c’est qu’elle est la patronne d’un institut de sondage, Ifop. Tout s’éclaire : C’est son « bifteck » qu’elle défend ! Elle aurait pu le faire au grand jour, mais son argumentation aurait paru pour ce qu’elle est : frelatée.

c) La commission des sondages a confirmé la pertinence des requêtes des députés socialistes

Elle a invité à «  relativiser la pertinence et la signification des sondages », demandé que les médias "insistent sur la prudence avec laquelle ils doivent être interprétés« et indiquent systématiquement qu’il convient de les  »interpréter en tenant compte de la marge d’incertitude importante qui les affecte".

d) Quand les sondages s’emmêlent...

Ca devait arriver : deux sondages publiés en même temps ou presque ont livré des résultats contradictoires, s’annihilant et se discréditant !

Selon les sondages donc, les Français préfèreraient voir Ségolène Royal présidente, mais donneraient leur voix à Sarkozy...

Autre exemple :

Sondage TNS/Sofres : Royal élue au 2e tour dans tous les cas de figure.

AFP - lundi 16 octobre 2006, 10h19

Ségolène Royal remporterait l’élection présidentielle de 2007 au deuxième tour, qu’elle soit opposée à Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin ou Michèle Alliot-Marie, selon un sondage TNS Sofres réalisé pour Le Figaro, RTL et LCI et rendu public lundi.

Sondage Ifop : Sarkozy élu au 2e tour dans tous les cas de figure.

AFP - mardi 17 octobre 2006, 13h03

Nicolas Sarkozy remporterait l’élection présidentielle de 2007 au deuxième tour, qu’il soit opposé à Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn ou Laurent Fabius, selon un sondage Ifop réalisé pour Paris-Match rendu public mardi.

Comprenne qui pourra !

Cela confirme en tout cas que, non seulement les sondages peuvent être techniquement et scientifiquement infondés (ils le sont à propos des primaires du PS), mais qu’en outre ils n’ont aucun caractère prédictif et faussent la perception des enjeux et des rapports de force politiques, donc la démocratie !


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