Préservons notre liberté d’expression, soutenons Charlie Hebdo

par Henry Moreigne
mercredi 7 février 2007

Le tribunal correctionnel de Paris examinera les 7 et 8 février les poursuites engagées par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) et la Grande Mosquée de Paris (GMP) contre Charlie Hebdo pour “injure publique à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur religion”. Sont visées trois caricatures de Mahomet publiées dans le n°712 de l’hebdomadaire, le 8 février 2006 : un dessin de Cabu publié en une avec la légende “c’est dur d’être aimé par des cons” et deux dessins, déjà publiés en septembre 2005, dans le journal danois Jyllands Posten.

Charlie Hebdo est un journal polémique et de tradition libertaire, à l’esprit caustique et irrespectueux. Avant tout républicain, attaché à la défense des libertés individuelles et collectives, il pratique la liberté d’expression jusqu’en son propre sein. Symbole de l’anticonformisme et de la gauche radicale, Charlie Hebdo est emblématique d’une presse en voie de disparition qui revendique une totale liberté de ton.

Rien de surprenant, donc, lorsqu’en février 2006, il reprend, pour dénoncer l’autocensure pratiquée par des pays européens à propos de l’islam, les caricatures d’un journal danois qui avaient déclenché fin 2005 des protestations et des vagues de violences organisées dans de nombreux pays musulmans, notamment contre les intérêts et les ressortissants danois. En France, des organisations musulmanes françaises, telles que le Conseil français du culte musulman, demandent alors l’interdiction du numéro. Leur demande est rejetée en raison d’un vice de procédure. Les autorités françaises, soucieuses d’entretenir de bonnes relations avec les pays arabes mais aussi avec la deuxième religion de France, adoptent une position très réservée. Jacques Chirac ira même jusqu’à condamner ce qu’il qualifiera de “provocations manifestes”. Faux hasard, la Grande Mosquée de Paris prend comme avocat celui du président de la République, M. Spizner. A l’inverse, le ministère de la Culture de Renaud Donnedieu de Vabres organise en mars 2006 une soirée en l’honneur du dessin de presse pour distinguer les dessinateurs et caricaturistes après l’affaire en question. Tous les dessinateurs de Charlie Hebdo sont particulièrement salués comme des acteurs de la liberté. Alors que le procès débute, Libération publie dans son édition de lundi 5 février 2007 un appel au soutien de l’hebdomadaire. Les signataires déclarent “refuser cet amalgame, facilité par l’utilisation abusive du mot islamophobie, consistant à confondre la critique légitime de l’extrémisme et du terrorisme instrumentalisant les symboles de l’islam avec du racisme à l’encontre des individus de religion musulmane” et ceci “dans un contexte où des intégristes menaçaient de mort quiconque osait soutenir les journaux et pays pris pour cibles”. “Si Charlie Hebdo venait à être condamné, si l’autocensure généralisée devait faire jurisprudence, nous perdrions tous cet espace commun de résistance et de liberté. Pour ces raisons, nous soutenons Charlie Hebdo et le droit de continuer à critiquer toutes les religions sans exception”, concluent-ils.

 

Pour l’avocat de Charlie Hebdo : « C’est quand même le seul procès des caricatures du monde. Et la question de fond est : est-ce que, en France, on a le droit de critiquer la religion ? » Il poursuit : « Nous pensons que oui. Ceux qui nous attaquent essaient de faire sanctionner le blasphème, sans le dire.” A l’inverse, pour Francis Spizner, l’avocat de la Grande Mosquée de Paris : « Charlie voudrait faire croire que c’est le procès de la liberté d’expression. Nous ne reprochons pas le principe de la publication des caricatures. Nous poursuivons Charlie pour les quelques caricatures que nous estimons constituer une injure raciste.” Un véritable dialogue de sourds que la Justice va devoir trancher. Pour sa part, Philippe Val, directeur de la publication de Charlie Hebdo, ne regrette rien. Pour lui comme pour nous, la critique de la religion est un droit démocratique fondamental.


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