Publiphobie hésitante chez les députés

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 18 décembre 2008

Le texte sur la réforme de l’audiovisuel public (notamment : désignation du président de France Télévisions et suppression des publicités) a été adopté ce 17 décembre 2008 par l’Assemblée Nationale après de nombreux jours de discussions et amendements.

Comme c’était étrange d’écouter le député provençal Christian Kert sur RFI le mardi 16 décembre 2008 matin. Christian Kert est le rapporteur de la Commission spéciale sur la réforme de l’audiovisuel public (dont est président Jean-François Copé).


Christian Kert

Avec son accent du midi, il faisait partie des députés UMP qui ne semblaient pas très enthousiastes pour soutenir inconditionnellement les options présidentielles.

Ainsi, sur la question de la désignation du président de France Télévisions, Christian Kert avait redit (la veille du vote du texte) sa proposition selon laquelle le Président de la République proposerait au CSA trois personnalités et le CSA choisirait parmi elles le président.

Même faible encouragement pour la procédure adoptée qui demandait à mettre la fin de la publicité dans la loi. Déjà, ce n’était pas nécessaire. Christian Kert avait alors redit sa préférence pour un décret et pas l’inclure dans la loi (mais en mettant dans la loi, un simple décret ultérieur ne pourrait plus autoriser à nouveau les publicités).


Enfin adopté

Plus d’une journée a passé, et le projet de loi sur l’audiovisuel a été enfin globalement adopté par les députés.

Malgré la déclaration d’urgence faite par le gouvernement le 22 octobre 2008, les débats ont duré près quatre semaines au lieu d’une prévue et les députés ont discuté sur 885 amendements. Le texte a été voté par 293 voix contre 242 (sur 546 votants). Le texte adopté est lisible ici (il n’est pas encore définitif).


Quel député a voté quoi ?

Pour savoir quels sont les députés qui ont voté pour, contre ou qui se sont courageusement abstenus, il est facile de revenir sur ce scrutin public où vous pourrez connaître la position de votre propre député. 

On y constate que 6 députés UMP ont voté contre, notamment René Couanau, François Goulard, Hervé Mariton et Christian Vanneste, 7 députés UMP ont préféré l’abstention dont François Baroin, Étienne Pinte, Gilles Carrez et Franck Marlin.

Par ailleurs, seulement 6 députés NC ont voté pour (dont Nicolas Perruchot, Rudy Salles et Maurice Leroy) alors que 10 ont voté contre (dont Jean-Christophe Lagarde, Charles de Courson, François Rochebloine et François Sauvadet) et 4 se sont abstenus (dont Thierry Benoît). François Bayrou et Jean Lassalle ont voté contre.

Les députés de gauche (socialistes et communistes) ont voté tous contre (même si le script du scrutin fait apparaître trois députés socialistes votant pour alors qu’ils étaient contre).



Comment préappliquer une loi organique ?

Le Sénat se saisira du texte le 7 janvier 2009 (au lieu du 15 décembre 2008 initialement prévu) mais ce texte prévoit la fin de la publicité après 20 heures dans l’audiovisuel public à partir du 5 janvier 2009 au soir.

Comment faire sans prendre des mesures rétroactives ?

La veille, ce 16 décembre 2008, le conseil d’administration de France Télévisions a autorisé Patrick de Carolis à supprimer la publicité après 20 heures à partir du 5 janvier 2009. Là encore, ce n’était pas nécessaire, la décision de mettre de la publicité étant un simple acte de gestion qui ne nécessitait pas l’approbation des administrateurs.


Est-ce que cette réforme va en faire profiter TF1 et M6 ?

Pas sûr. Déjà, TF1 s’inquiète sur le décalage horaire qu’elle pourrait avoir avec France 2 pour les deux premières parties de soirée.

Et rien ne dit que les chaînes privées vont récupérer le marché publicitaire des chaînes publiques : certains annonceurs, en effet, ne voyant pas l’intérêt de doubler leur contribution déjà existante dans le privé et cherchant par d’autres moyens à atteindre les téléspectateurs de la télévision publique.


Des correctifs indispensables

Parmi les amendements adoptés à la va-vite et sans opposition du gouvernement, il y a celui de Christian Kert, Noël Mamère et Patrick Braouezec (numéro 85) qui a inscrit dans l’article 15 du projet de loi que les sociétés de l’audiovisuel public « peuvent faire parrainer leurs émissions dans les conditions déterminées par ces cahiers des charges à l’exception des émissions d’information, des journaux télévisés et des débats politiques ou d’actualité ».

Une formulation très imprécise qui pourrait donc s’appliquer aussi à la météo et qui pourrait faire perdre par exemple à Radio France pas moins de 10 millions d’euros uniquement à cause d’une course aux surenchères de certains députés (France Info propose beaucoup de chroniques qui sont parrainées). 

Le gouvernement n’a pas jugé utile de s’y opposer (sous-amendement 778), n’y voyant aucun inconvénient.


Mais rien n’est encore fermé, et nul doute que les sénateurs vont eux aussi revenir à la charge et guerroyer après les fêtes.

…et vive la démocratie !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 décembre 2008)


Pour aller plus loin :

La révolution silencieuse (2 septembre 2008).

Qui a voté quoi à l’Assemblée Nationale ?

L’amendement à propos de la restriction des parrainages.

Texte adopté à l’Assemblée Nationale le 17 décembre 2008.

Dépêches de presse. 

Jean-François Copé met en difficulté François Bayrou (11 décembre 2008).

Composition de la Commission Copé.

Dossier législatif.


(Illustration finale : Le Chat de Philippe Geluck).




 

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