Quand la presse « censure » la presse
par JL ML
mercredi 26 juillet 2006
Pour la 4e fois consécutive, la CPPAP refuse d’accorder son numéro au bimensuel « Pratiques de Santé ». Une façon indirecte de « censurer » un média différent qui parle des médecines alternatives.
Il existe en France une instance dont le travail est peu
médiatique et qui a pourtant un rôle capital : la CPPAP (Commission
paritaire des publications et agences de presse). C’est elle qui décerne le
fameux n° qui permet aux journaux de bénéficier des aides de l’Etat (aides
postales et faible TVA notamment). Refuser ce n° à un titre, c’est le
condamner à être bien plus cher que ses concurrents et donc à le pénaliser,
voire, indirectement, à le censurer.
C’est
ce qui arrive (courrier de la CPPAP du 25 juin 2006) à "Pratiques de Santé",
le "Journal de la médecine naturelle", 70 000 abonnés, qui est dans
le collimateur de cette Commission : "C’est la quatrième fois (en
huit ans d’existence) que l’administration essaie de nous faire la peau en nous
frappant au porte-monnaie", écrit Alexandre Imbert, responsable de la
rédaction.
La CPPAP a reproché à cette publication, par le passé, de recommander la prise
de vitamine C à plus d’un gramme par jour. Elle l’a accusé de recommander
(avant tout le monde) l’usage des probiotiques, style bifidus ; de
détourner les lecteurs des voies médicales "scientifiquement
éprouvées". Globalement, la CPPAP retire son agrément à la revue car
celle-ci ne servirait pas l’intérêt général.
Ainsi, un journal qui se permet de proposer des alternatives à la médecine académique n’a pas droit de cité en France. Les opinions "différentes" ne sont pas admises dans le débat. Autrement dit, la discussion en matière de médecine est interdite. Les journaux doivent servir la "vérité officielle" sous peine d’être considérés comme ne servant pas l’intérêt général. On peut s’étonner cette conclusion, mais on en est là.
Le plus grave, pour notre profession, c’est que cette CPPAP est bien paritaire : y est représentée, d’un côté, l’administration centrale (sous le titre du Premier ministre) et, de l’autre, la presse. Le n° de CPPAP est donc accordé ou refusé par le gouvernement et la presse. Donc, un n° refusé est aussi refusé par la presse, qui est - signalons-le en passant - à la fois juge et partie (puisqu’on élimine ainsi également de possibles concurrents).
Il faut savoir enfin que les journalistes (malgré leur demande par les syndicats) ne sont pas représentés dans cette commission, mais uniquement les éditeurs de presse. Quand on sait que la publicité pharmaceutique fait vivre bien des titres, quand on sait que certains de ces éditeurs sont liés à des groupes pharmaceutiques, comment être sûr qu’il n’y ait pas conflit d’intérêt ? Comment être sûr qu’ils n’utilisent pas cette instance pour tenter d’enrayer la montée du recours aux médecines naturelles ?
Pour limiter ce risque, je propose, dans mon livre récemment paru[1], que des représentants du public (des lecteurs) et des journalistes soient également nommés dans cette CPPAP.
Nous, journalistes, devons réagir à cette censure indirecte. Nous ne pouvons admettre que le pouvoir politique et le pouvoir médiatique aient seuls le droit de dicter ce que les journaux ont le droit de dire ou de ne pas dire sur des sujets sensibles ou polémiques.