Quand le journalisme se fait démolir sur internet : les complaisances
par François Guillot
mercredi 13 février 2008
Suite de notre série d’analyse sur les critiques dont le journalisme fait l’objet sur internet, avec aujourd’hui les complaisances (premier billet : le rapport à internet). Ce n’est pas un sujet complètement nouveau sur le web - Acrimed par exemple en ayant fait un de ses thèmes de prédilection.
En revanche, ce qui semble nouveau, c’est la multiplication de témoignages dénonçant les complaisances et compromissions journalistiques, sur des sites ou blogs plus généralistes que contestataires.
A ce sujet, Narvic a publié une incroyable confession, « De la corruption de la presse » à charge contre les complaisances et cadeaux réciproques entre journalistes et intérêts divers. Extrait :
« Je confesse que j’ai rédigé, à la demande de mon rédacteur en chef de l’époque, une fort longue série hebdomadaire d’articles de complaisance sur une exposition dite "de prestige", tellement passionnante que je suis bien sûr que personne n’a lu ma prose... Mais l’exposition se tenait au siège de la banque avec laquelle le journal était en train de négocier un gros emprunt... »
Cette confession fait aussi suite à des papiers de Rue89 et Arrêt sur images que nous avions signalés, au sujet des “cadeaux” aux journalistes. Autant de critiques de la complaisance des journalistes, qui mettent en lumière une certaine façon de fabriquer l’information... Critiques émises “de l’intérieur”, par des journalistes.
On a beaucoup parlé d’internet qui marque la fin du “off” dans les relations avec les politiques. Ne marque-t-il pas aussi, plus généralement, la fin du “off” dans les coulisses de l’information ?
Car, sans même parler de complaisances et pour aller au-delà de la question de la “démolition” du journalisme évoquée dans le titre du billet, c’est le back-office de l’information en général qui est mis à nu - exemples :
- David Abiker qui s’agace des appels répétés, et mal ciblés, d’attachés de presse ;
- Mry qui passe en revue les agences de communication ;
- le succès intellectuel et commercial de “Storytelling” de Christian Salmon (qui a maintenant sa rubrique dans le Monde)... qui met en lumière la notion de “stratégie de communication” aux yeux d’un public plus large que celui des initiés.
Bien sûr, on pourra dire que la notion même de communication est de plus en plus mise en lumière dans les médias. Arrêt sur images est quand même passé à la télévision nationale tous les dimanches pendant douze ans. Mais cette mise en lumière se fait, le plus souvent, sur des cas de communication de crise et de communication politique, donc sur des “grands cas” de communication. Ce qui change avec les exemples pris ici ? La “granularité” des exemples, leur “quotidienneté”.
N’y a-t-il donc pas, dans cette conjonction d’exemples, autant de faisceaux, de signaux faibles qui interpellent les professionnels de la communication ?