Que les Français qui ne reçoivent pas France 24 se rassurent...

par cedricgodart
lundi 11 décembre 2006

Jusqu’ici, l’actualité internationale restait l’apanage d’un nombre très limité de chaînes d’information en continu à vocation planétaire : le duo CNN et BBC World pour le monde anglosaxon, le duo Al Jezeera-Al Arabia pour le monde arabe. Aujourd’hui, avec l’arrivée de France 24, vieux rêve de Chirac, c’est une nouvelle voix, médiane, insolente, bien armée en termes technologiques, qui se fait jour et fait rayonner une vision du monde fondée sur le débat et la réflexion. Une opinion, vue de Belgique.

A ceux qui pensent qu’Euronews remplissait déjà ce rôle - chaîne d’information en continu pilotée (le terme n’est pas anodin) par les institutions européennes -, il est utile de rappeler que la chaîne de l’UE se contentait de diffuser des reportages et des informations sans jamais pouvoir - puisque son principe est basé sur la traduction simultanée des commentaires - imposer des débats, des visages, des plateaux.

France 24 ne représente objectivement aucune révolution dans le traitement de l’information, simplement cette voix supplémentaire et sans doute cette voix attendue, à plus forte raison dans ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler le « monde arabe », où la France - il serait hasardeux, à regret, d’employer le terme européen - est historiquement plus écoutée que l’Amérique. Diffusée en langues anglaise et française, elle apporte aujourd’hui, dans un paysage médiatique planétaire, sur l’Internet comme via le médium « télévision », un éclairage supplémentaire à l’actualité internationale. En Europe continentale, seule Deutsche Welle venait casser l’oligopole actuel, mais dans une austérité toute germanique de nature à freiner le téléspectacteur potentiel.

Vu de Belgique, il doit sans doute être plus légitime d’accueillir ce que l’on appelle la « voix de la France » sans être accusé de nombrilisme hautain. Il était à craindre qu’une chaîne basée en France traite essentiellement de l’actualité hexagonale. Il n’en est presque rien. A l’image de BBC World, France 24 distribue prioritairement des informations à caractère global en langues française, anglaise et, dès l’été 2007, le fera en arabe. Alors que l’unilinguisme était jusqu’ici l’un des principaux sujets de moquerie à l’égard des journalistes français, il faut ici souligner le bon bilinguisme de certains journalistes : ils parviennent en effet à traiter en profondeur de sujets internationaux aussi bien dans leur langue maternelle que dans la langue véhiculaire du monde moderne.

Son site Web, très proche dans son esprit, de celui de TV5 Europe - chaîne essentiellement francophone regroupant des productions télévisuelles sélectionnées par les pays participants -, prolonge la volonté de modernité associée au lancement « télévisuel » de la chaîne : il propose en effet des fils RSS (couplés à des aggrégateurs en ligne populaires dans la blogosphère), des blogs pour la plupart de ses journalistes phares, des étiquettes (tags) pour ses actualités, ainsi que des options de personnalisation encore relativement limitées (pour l’heure, simplement la météo). Le patron de la chaîne l’a promis : France 24 s’inscrira dans la mouvance Web. L’information pourra être commentée, l’interactivité sera renforcée et les télé-internautes-spectateurs pourront également envoyer leurs informations via des technologies aussi répandues que les MMS. Jamais la méthode AgoraVox n’aura connu un tel couronnement international.

Détail ennuyeux et rapidement agaçant : la consultation du site France24.com lance automatiquement un lecteur vidéo. Il serait sans doute plus judicieux de permettre aux utilisateurs d’activer eux-mêmes cette fonctionnalité. Ce détail pourrait également s’appliquer au site Web de la chaîne BFM TV.

Vu de Bruxelles, France 24 rafraîchit aujourd’hui de manière très sensible l’offre d’information en continu, aux côtés de CNN, BBC World, Deutsche Welle et Al Jezeera. Que les Français qui ne reçoivent pas encore cette chaîne - déplorable décision prise pour éviter une défection de LCI - se rassurent : elle porte haut les couleurs de leur culture.

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